A propos du Décret n°2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends
L’acte introductif d’instance : assignation, requête, déclaration, est défini aux articles 53 et suivants du Code de Procédure Civile.
C’est l’acte par lequel la juridiction est saisie d’une demande.
Il doit présenter des mentions qui sont définies pour l’assignation à l’article 56 et pour la requête ou la déclaration à l’article 58.
Le Décret du 11 mars 2015 prévoit une modification de ces deux articles, et l’ajout de la mention suivante :
« Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, (l’assignation ou la requête et la déclaration selon qu’il s’agit de l’article 56 ou de l’article 58), précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. »
Cette disposition est applicable à compter du 1er avril 2015.
Les MARD, modes alternatifs de règlement des différends, sont déjà entrés dans le Code de Procédure Civile, le Livre V étant consacré à La résolution amiable des différends (articles 1528 à 1567), livre inséré dans le Code par Décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends. Y sont évoquées la médiation et la conciliation conventionnelle, la procédure participative.
L’introduction de ces textes dans le Code de Procédure fait directement suite au rapport GUINCHARD publié en 2008, dans un contexte de volonté politique de déjuridiciarisation.
MARC, modes alternatifs de règlement des conflits, MARL modes alternatifs de règlement des litiges, MARD, modes alternatifs de règlement des différends, quel que soit les noms successifs qui les ont désignés sont donc depuis quelques années « à la mode ». Quoi que l’on puisse noter à mon sens l’évolution du vocable, qui de conflits passe à différends, mot plus doux ou moins violent, comme s’il s’agissait d’un voeux pieux.
Notons qu’à côté des dispositifs prévus par la Loi, le Droit Collaboratif, et sa pratique ont fait leur entrée dans les Cabinets d’Avocat depuis 2008, de nombreux Confrères s’y étant formés, et le pratiquant dans le but de trouver en collaboration avec leurs clients des accords qui puissent être pérennes, formalisés sous forme d’Acte d’Avocat, ou présentés à l’homologation d’un juge.
Une nouvelle étape est donc franchie avec les dispositions prévues par le Décret du 11 mars 2015, en prévoyant une nouvelle mention obligatoire dans l’acte introductif d’instance, des diligences effectuées préalablement à la saisine pour tenter de résoudre amiablement le différend.
Aucune disposition ne rend néanmoins obligatoire ledit recours à des méthodes alternatives de résolution des différends, avant la saisine du Juge.
Néanmoins, le Décret ajoute un article 127 dans le Code de procédure Civile, au terme duquel :
« S’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation. »
Le juge peut proposer, mais non imposer. Les parties peuvent refuser.
Le recours à des méthodes alternatives de règlement des différends reste donc lui même alternatif et volontaire.
S’il y une avancée culturelle indéniable, qui va dans les sens de l’évolution de ces dernières années, il n’y a pas pour autant de révolution culturelle, à mon sens.
Le principe est donc désormais avancé, qu’il faut justifier, sauf urgence ou ordre public, des démarches amiables antérieures.
Toutefois, il ne sera pas possible de justifier des courriers confidentiels échangés entre Avocats, qui sont couverts par le secret.
Les dispositions nouvelles peuvent donc être considérées comme incitatives.
En l’absence de justification des démarches entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, quelle sanction ? Pas la nullité, qui ne peut être prévue sans un texte. Pas d’autre mesure, sauf la possibilité de renvoyer les parties en conciliation ou en médiation, mais aucune sanction contraignante.
Alors, révolution culturelle ou pétard mouillé ?
Révolution, à mon sens non, avancée, oui.
Pétard mouillé ? C’est la pratique qui le déterminera.
Le Législateur dans sa volonté de déjudiciarisation ira t’il jusqu’à rendre le préalable amiable obligatoire ? Ce n’est pas certain, et ce n’est pas forcément souhaitable ou adapté à toutes les situations, qui de toute façon nécessitent l’intervention du juge.
Ces dispositions nouvelles resteront elles inappliquées ou peu appliquées faute de sanction ?
Notre système juridique est il prêt pour le tout amiable ?
Beaucoup de questions, mais pour l’instant peu de réponse, c’est l’avenir qui le dira.
Ma pratique professionnelle me fait aller vers le processus de Droit Collaboratif, auquel je suis formée depuis la première heure, la recherche de l’accord amiable pas seulement sous cette forme, mais aussi par courriers entre Avocats ou rendez vous communs, mais elle me montre aussi que parfois le conflit est inévitable, et qu’en tout état de cause, que ce soit pour homologuer un accord ou pour trancher le différend, la présence du juge est et demeure indispensable.
Je conclurai qu’en tout état de cause la négociation juridique doit être menée avec le concours des Avocats, pour garantir la validité de l’accord qui peut intervenir.
Nous sommes des professionnels du Droit, du conseil de l’assistance, et nos compétences ne s’arrêtent pas au débat judiciaire ou à la chicane.