Les moyens juridiques disponibles et les institutions internationales compétentes en matière de litiges maritimes en méditerranée orientale
Les litiges relatifs à la délimitation maritime sont courant à travers le monde, et lorsqu’une possibilité d’une solution pacifique existe, elle passe généralement par trois voies : le recours au Tribunal international du Droit de la Mer de Hambourg, institué par la CNUDM (Section I), le recours à la Cour Internationale de Justice de La Haye (section II) ou alors le recours à une médiation internationale (section III).
I : La Convention des Nations Unies pour le Droit de la mer
Israël n’a ni signé ni ratifié la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) contrairement au Liban, ce qui signifie que le Liban ne peut poursuivre Israël devant l’organe judiciaire de la CNUDM, le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM). Néanmoins il convient de s’intéresser aux règles qui en découlent.
1°) Les limites maritimes selon la Convention
La Convention de Montego Bay définit principalement deux types de limites maritimes :
⦁ La mer territoriale s'étendant à 12 miles marins des côtes,
⦁ La zone économique exclusive – ZEE – s’étendant à 200 miles marins des côtes.
2°) Origines du litige
Le litige entre Israël et le Liban réside dans le fait que les limites maritimes n'ont jamais été définies et que les gisements gaziers "Léviathan" et "Tamar" sont situés dans une zone où plusieurs ZEE se rencontrent (israélienne, libanaise et chypriote).
3°) La nécessité d’une délimitation au regard de la CNUDM
La CNUDM de 1982 établit qu’un État peut exploiter les ressources naturelles découvertes dans les eaux qui se trouvent à près de 370 kilomètres de sa rive – sa ZEE. Le Liban a ratifié cette convention le 5 janvier 1995 tandis qu’Israël ne l’a pas fait.
Tant que le Liban et Israël ne délimitent pas leurs frontières maritimes, ils ne peuvent en théorie déterminer leurs ZEE respectives ni savoir lequel d’entre eux a le droit de bénéficier des ressources naturelles que recèlent les fonds marins.
En effet l’art. 56-1-A de la CNUDM dispose que les États dont la ZEE est délimitée ont « des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, […] des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques[…]. »
Selon cette définition, ni le Liban ni Israël ne sont légalement autorisés à opérer sous le sol marin situé en dehors de leurs eaux territoriales. Il est donc essentiel à la lecture de la CNUDM que chaque État définisse sa ZEE avec l'approbation de son voisin et soumette une carte de celle-ci à l'ONU. Ensuite la non ratification de la CNUDM par Israël rend impossible toute action du Liban devant le TIDM.
4°) Les évolutions nécessaires pour rendre le TIDM compétent sur le litige opposant Israël et le Liban
Le TIDM est l'organe judiciaire compétent pour établir les limites maritimes entre États. Pour que le TIDM devienne compétent dans ce cas, la solution la plus pratique serait qu’Israël ratifie la CNUDM.
Une autre solution serait qu’Israël et le Liban concluent un accord prévoyant la compétence du TIDM en application de l’art. 20 du statut de ladite convention.
Mais, il ressort de ladite convention que les États ne sont nullement tenus par les procédures de la XVe partie de la CMB si le différend porte sur une délimitation maritime, sur des activités militaires ou pour lequel le Conseil de Sécurité des Nations Unies exerce ses fonctions (CMB, art. 298). Ce qui explique que les différends frontaliers maritimes soient portés devant la CIJ.
II. La Cour Internationale de Justice
La Cour internationale de justice est la seule juridiction internationale à caractère universel et à compétence générale. Elle est en charge de résoudre les litiges liés à la démarcation des frontières maritimes, mais les deux pays ne reconnaissent pas la compétence de la CIJ.
La CIJ ayant une compétence basée sur le consentement, Israël et le Liban devraient reconnaître sa compétence mais cela ne les empêche pas d’y présenter une requête contre leur voisin. En effet Israël a déjà porté une affaire devant la CIJ, Israël c/ Bulgarie en 1957 et le Liban s’y est retrouvée deux fois en tant que partie dans les affaires France c/ Liban en 1953 et en 1959.
L’article 59 de la CNUDM dispose que « dans le cas où la Convention n’attribue de droits ou de juridiction, à l’intérieur de la ZEE, ni à l’État côtier ni à d’autres et où il y a conflit entre les intérêts de l’État côtier et ceux d’un ou de plusieurs autres États, ce conflit devrait être résolu sur la base de l’équité et eu égard à toutes les circonstances pertinentes, compte tenu de l'importance que les intérêts en cause présentent pour les différentes parties et pour la communauté internationale dans son ensemble. »
Au regard de ces considérations, la CIJ pourrait définir les limites maritimes entre Israël et le Liban. Une action du Liban devant la CIJ serait au mieux un premier recours. Si le Liban présentait une telle requête afin de régler son différend maritime avec son voisin, Israël devrait reconnaître l’autorité de la CIJ pour ce litige.
Cependant La Convention des Nations Unies prévoit que si une partie à un litige ne se conforme pas aux obligations résultant d’un arrêt de la Cour, l’autre partie a la possibilité de recourir au Conseil de sécurité qui a le pouvoir de faire des recommandations ou décider de mesures à dessein de faire exécuter l’arrêt (Statut, art. 94 § 2).
III. L’intervention de l’ONU et les médiations
L’hypothèse d’une intervention de l’ONU pour le règlement du différend
L’art. 37 de la Charte des Nations Unies dispose que « si le Conseil de sécurité estime que la prolongation du différend semble, en fait, menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, il décide s’il doit agir ».
Le gouvernement libanais peut requérir du CSNU la création d'une commission chargée de délimiter les frontières entre Israël et le Liban tout comme l’ONU a pu le faire en 1992 entre l’Irak et le Koweït par la résolution 833 du CSNU, car au regard du droit international, les coordonnées des ZEE déposées par Israël et le Liban s’apparentent à des propositions unilatérales.
1°) La médiation : quel rôle pour l'ONU et les États tiers ?
La médiation par une tierce partie entre le Liban et Israël est une option envisageable pour le règlement des différends, qui requiert néanmoins le consentement des deux États. L’article 74 § 2 dispose que « s’ils ne parviennent pas à un accord dans un délai raisonnable, les États concernés ont recours aux procédures prévues à la partie XV ».
Or, pour le moment, aucune tentative n’a été officiellement tentée pour parvenir à un accord sur la délimitation de la ZEE et de la mer territoriale entre le Liban et Israël. Il s’agit là, de la conséquence directe de la non-reconnaissance d’Israël par le Liban.
Au regard de la complexité des relations entre Israël et le Liban, la médiation par une tierce partie paraît une solution appropriée.
Concernant l'ONU, la question a déjà été évoquée d’une médiation par la United Nations Interim Force in Lebanon (UNIFIL) et le United Nations Special Coordinator for Lebanon (UNSCOL).
Le gouvernement libanais a plusieurs fois demandé à l’UNIFIL d’assurer la protection de sa frontière maritime et de ses ressources, ce que l’ONU a refusé arguant que la résolution 1701 du conseil de sécurité des Nations Unies (appelant à la fin du conflit de 2006) n’incluait pas la problématique des délimitations maritimes.
2°) La République de Chypre et les USA comme médiateur
La République chypriote a quant à elle proposé son aide et sa médiation pour parvenir à un accord. De même que les États-Unis ont proposé leur médiation pour la délimitation des espaces maritimes L’intervention américaine récente est peut être une solution afin d’aboutir à une délimitation de la frontière maritime commune par voie d’accord entre les deux États concernés même en l’absence de reconnaissance de l’un des États. Il suffit notamment que le Liban et Israël acceptent la proposition de médiation des États-Unis.
La tâche de médiateur incombait du 1er août 2014 au 20 janvier 2017 à Amos J. Hochstein, envoyé spécial des Etats-Unis et Coordinateur pour les affaires énergétiques internationales. Régulièrement en visite dans les deux pays, ce qui démontre la volonté de Washington de poursuivre ses efforts pour mettre un terme au litige maritime entre Israël et le Liban. Il a été remplacé par Frank R. Fannon, actuel secrétaire d'Etat adjoint aux ressources énergétiques.
Pour conclure cet article, les modes de résolution de ce type de litige maritime sont nombreuses. Néanmoins, leur mise en œuvre nécessitent la réunion de nombreuses conditions. Il est actuellement peu évident de les réunir, dans la mesure où elles dépendent de la situation géopolitique de la région, et surtout de la politique étrangère des États concernés. Ainsi, aucune situation n'est éternellement figée, et il convient de rester attentif à toute évolution dans ce si proche-orient.