Cass. 3e civ. 29 juin 2010 n° 09-10.394 (n° 880 F-D), Sté Etablissements Brevière c/ Sté Trans-Lys
Vu l'article L 145-1 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (CA Douai, 18 novembre 2008, 2e ch.), que, par acte du 5 avril 2006, la société Trans-Lys, propriétaire de locaux à usage commercial pris à bail par la société Etablissements Brevière (société Brevière), a fait délivrer à cette dernière un commandement visant la clause résolutoire de payer un arriéré de loyers et de charges ; que la société Brevière a formé opposition à ce commandement ;
Attendu que pour écarter les moyens de nullité du commandement invoqués par la société Brevière, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le commandement du 5 avril 2006 fait injonction à la locataire de payer une certaine somme dans les huit jours de la délivrance de cet acte, que, toutefois, ce commandement rappelle en page 2 les dispositions de l'article L 145-1 du code de commerce et que la circonstance que le bailleur a délivré cet acte en vue d'un paiement sous huitaine n'est pas de nature à caractériser de sa part la volonté de voir anticiper les effets du commandement, l'absence de tout paiement sous huitaine n'étant pas de nature à faire jouer la clause résolutoire avant l'expiration du délai d'un mois comme l'exige la loi ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé si la mention de deux délais différents dans le commandement n'était pas de nature à créer une confusion dans l'esprit du locataire destinataire de cet acte l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et renvoie devant CA Douai.
Un commandement de payer des loyers comportant deux délais différents peut être annulé si cette mention crée une confusion dans l'esprit du locataire en l'empêchant d'appréhender le sens exact et la portée de l'acte.
Toute clause d'un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit du bail ne peut produire effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai (C. com. art. L 145-41).
Un bailleur de locaux commerciaux avait fait délivrer à son locataire un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire du bail. Ce commandement faisait injonction au locataire de payer sous huitaine puis rappelait les dispositions de l'article L 145-41 précité.
Une cour d'appel avait déclaré le commandement valable car la demande de paiement sous huit jours ne caractérisait pas la volonté du bailleur de voir anticiper les effets du commandement, l'absence de paiement sous huitaine n'étant pas de nature à faire jouer la clause résolutoire avant l'expiration du délai d'un mois comme l'exige la loi.
La Cour de cassation a censuré la décision, reprochant aux juges du fond de n'avoir pas recherché si la mention de deux délais différents dans le commandement n'était pas de nature à créer une confusion dans l'esprit du locataire, destinataire de cet acte, en l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis.
A noter :
Dès lors que toutes ses conditions d'application sont remplies, la clause résolutoire s'impose au juge.
Celui-ci ne peut que constater l'acquisition de la clause qui intervient à la date d'expiration du délai imparti par le commandement.
Compte tenu du caractère automatique de la sanction, les juges doivent s'assurer que toutes les conditions de mise en oeuvre sont réunies : existence d'une infraction au bail visée par la clause, délivrance d'un commandement. Ces principes s'appliquent également à tout contrat prévoyant qu'il sera résolu de plein droit en cas d'inexécution d'une obligation après commandement resté sans effet.
Le commandement ne peut produire d'effet que s'il informe clairement le locataire du manquement qui lui est reproché et du délai qui lui est imparti pour y remédier (Cass. 3e civ. 28-10-2003 n° 02-16.115 : RJDA 1/04 n° 25 ; Cass. 3e civ. 3-10-2007 n° 06-16.361 : RJDA 11/08 n° 1096).
Un commandement comportant plusieurs délais ne peut être valable que si la mention de ces différents délais n'est pas susceptible de créer la confusion dans l'esprit du locataire en l'empêchant d'appréhender le sens exact et la portée de l'acte qui lui a été délivré.
Source : Editions Francis Lefebvre