CA Chambéry 19 janvier 2010 n° 09-1180, ch. soc., Grillet-Aubert c/ SAEM Sports et tourisme à Chatel
La mise à pied d'un salarié pour avoir refusé de signer le compte-rendu d'un entretien annuel d'évaluation et quitté celui-ci, sans pour autant remettre en cause l'autorité de l'employeur, n'est pas justifiée.
Lors d'un entretien annuel d'évaluation avec son supérieur hiérarchique, un salarié, technicien confirmé, exprime son désaccord sur sa fonction telle que mentionnée sur la fiche d'entretien et sur son positionnement dans la classification de l'entreprise. Il refuse de signer le compte-rendu de réunion et quitte celle-ci de manière intempestive. L'employeur, estimant ce comportement préjudiciable au bon fonctionnement du service, sanctionne le salarié par une mise à pied disciplinaire d'une journée.
La cour d'appel saisie du litige décide que le simple fait pour un salarié de manifester un désaccord avec son supérieur lors d'un entretien annuel d'évaluation ne saurait constituer une faute, cet entretien devant permettre à chaque partie de faire part de ses difficultés, récriminations, souhaits et incompréhensions.
La circonstance qu'il ait en outre quitté la réunion et refusé d'en signer le compte-rendu ne saurait, selon la cour d'appel, être assimilée à une insubordination ou à une attitude désobligeante envers l'employeur dès lors que l'autorité et le pouvoir de direction de ce dernier n'ont à aucun moment été mis en cause. Elle confirme en conséquence la décision du conseil de prud'hommes d'annuler la sanction infligée au salarié et de condamner l'employeur à lui rembourser le salaire correspondant à la journée de mise à pied.
Ce n'est pas la première fois que les juges du fond estiment non justifiée la sanction prononcée à l'encontre d'un salarié ayant refusé de signer le compte-rendu de son entretien annuel d'évaluation (voir, à propos d'un licenciement, CA Versailles 9 octobre 2008 : RJS 4/09 n° 312). Dans cette précédente affaire ils avaient relevé l'absence de termes injurieux ou abusifs de la part du salarié. Ils soulignent cette fois que le salarié n'a à aucun moment remis en cause l'autorité et le pouvoir de direction de l'employeur.
A l'inverse, le licenciement pour faute grave a été admis dans les circonstances suivantes : le salarié avait ostensiblement tourné la tête et refusé toute communication lors d'un entretien annuel d'évaluation à l'issue duquel il avait remis une note écrite à son supérieur hiérarchique. Dans cette note, il déclarait l'entretien inopportun, accusait son supérieur de harcèlement moral (sans livrer devant les juges d'éléments tendant à laisser présumer la véracité de ce dernier), critiquait l'organisation du service et estimait celui rendu aux clients déplorable. Il avait ensuite affiché sur son ordinateur des appréciations ironiques sur son supérieur, accessibles aux autres salariés. Les juges ont considéré que l'intéressé, en droit de contester l'appréciation de son évaluation, ne pouvait pas pour autant émettre une opinion injurieuse, excessive ou blessante ni s'affranchir du pouvoir de direction de l'employeur et du respect dû aux autres salariés y compris ses responsables hiérarchiques (CA Versailles 5 décembre 2006 n° 06-1171).
Source : Editions Francis Lefebvre