La famille s'est métamorphosée avec l'adoption de la loi du 17 mai 2013, et la question de la procréation a été au coeur des débats.
Si le droit de la filiation non adoptive n'est pas modifié par les textes, en revanche, le droit de l'adoption se trouve aujourd'hui repensé, l'homoparenté étant désormais consacrée.
Pour les enfants, l'essentiel de la réforme tient à l'élargissement de l'accès à l'adoption.
I- LE DROIT DE LA FILIATION NON ADOPTIVE N'EST PAS MODIFIE
La réforme ne gomme pas la réalité biologique qui fait naître un enfant d'un rapport fécondant entre un homme et une femme.
L'enfant ne peut être réputé issu de deux hommes ou de deux femmes.
En conséquence, quand un enfant aura déjà une filiation maternelle ou paternelle établie, aucun autre établissement de maternité ou de paternité ne sera possible, hormis par l'adoption.
Ainsi que les actions relatives à la filiation (article 318 du Code Civil et suivants) ne sont pas modifiées.
L'enfant mis au monde par une femme mariée, ne pourra pas ensuite être reconnu par son épouse, c'est-à-dire qu'un enfant ne pourra avoir deux mères, reconnues en tant que telles.
L'enfant reconnu par un mari ne pourra pas l'être aussi par son conjoint.
Le droit de la filiation sera ainsi inchangé sans que la présomption de paternité, l'action en recherche de maternité ou de paternité n'ait disparu du Code Civil et en conservant des parents sexués.
Sur l'accès à la procréation médicalement assistée
Si les époux du même sexe n'accèdent pas à l'adoption pour une raison ou pour une autre, ils ne seront pas admis non plus à recourir à une assistance médicale à la procréation.
Les textes du Code de la Santé Publique restent inchangés et exigent toujours une raison médicale et non de convenance personnelle.
Pour l'heure ainsi, les demandes émanant d'époux de même sexe, sont encore irrecevables, tout comme d'ailleurs, les demandes individuelles.
Néanmoins, si les textes n'ont pas évolué, l'un des effets collatéraux de la réforme Mariage pour tous qui facilite l'adoption de l'enfant du conjoint conduit malencontreusement à inciter les demandeurs à contourner la loi française.
En effet, une fois enceinte, grâce à un don de sperme obtenu illicitement à l'étranger, la mère pourra consentir à l'adoption de son enfant par son épouse. Cette adoption permettra au couple de mener à bien son projet parental en deux temps, même si la première étape contrevient à l'ordre public.
Il existe une hypocrisie certaine qui consiste à honnir toute assistance médicale à la procréation en dehors du cadre légal, tout en favorisant l'adoption de l'enfant ainsi né.
Ceci étant, les tribunaux restent vigilants : ainsi est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance et l'aboutissement en fraude à la loi française d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui. (Cour de Cassation 1ère Chambre 13.09.2013)
II- L'OUVERTURE DE L'ADOPTION AUX COUPLES MARIES DE MEME SEXE
Le législateur a souhaité une égalité de traitement de tous les époux traduite dans le nouvel article 6-1 du Code Civil :
« Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations (...) que les époux soient de sexe différent ou de même sexe ».
Les liens de filiation établis à l'égard d'un couple de personnes de même sexe, ne pourront résulter que du jugement d'adoption puisque la réforme n'a, comme on l'a vu, aucun effet sur la filiation hors adoption.
Il est nécessaire de distinguer deux notions :
1) Adoption plénière régie par les articles 343 à 359 du Code Civil : confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine :
L'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang.
2) Adoption simple régie par les articles 360 à 370 du Code Civil : l'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires.
A) ADOPTION EN COUPLE
Selon l'article 346 du Code Civil :
« Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n'est pas deux époux ».
Permettre aux couples de personnes de même sexe de se marier, leur ouvre donc nécessairement l'accès à l'adoption.
Individuellement, des homosexuels étaient déjà admis à adopter un enfant à 28 ans, sous réserve d'être agréés, ce qui ne devait pas dépendre de leur orientation sexuelle.
Ils accèdent désormais à la co-parenté, leur enfant pouvant être doté de deux pères ou de deux mères.
Il faut noter que, à cet égard, l'adoption plénière entraîne la destruction des liens filiaux originaires éventuels qui traduisaient un engendrement par un homme et par une femme pour créer artificiellement une double filiation à l'égard de personnes de même sexe.
Une fois le jugement d'adoption définitif, il est transcrit sur le registre d'état civil du lieu de naissance de l'adopté.
L'adoption en couple va se heurter certainement à quelques obstacles :
D'abord, si les candidats à l'adoption limitent leur requête aux enfants nés en France.
Ils vont se heurter certainement en pratique des conseils de famille des pupilles de l'Etat.
En l'absence de représentants légaux, le mineur sans filiation, est confié à un tuteur assisté d'un conseil de famille. Le conseil saisi, pour donner son consentement à l'adoption des pupilles de l'Etat, participe au choix des adoptants dans l'intérêt de l'enfant.
Sans doute, faudra t-il un certain temps avant que ces instances choisissent, parmi tous les candidats à l'adoption, un couple de personnes de même sexe et abandonnent l'idée que tout enfant à droit à une famille idéale avec père et mère.
Ensuite s'ils se tournent vers l'adoption internationale.
Leurs chances de prospérer seront réduites car de nombreux pays de naissance posent des règles très contraignantes. Peu accueillent des demandes de couples, mariés ou non, de personnes de même sexe.
Cette forme d'adoption va, certainement, rester très minoritaire.
En revanche la véritable révolution tient dans l'ouverture aux époux de même sexe de l'adoption de l'enfant du conjoint.
B) ADOPTION DE L'ENFANT DU CONJOINT
C'est par le dépôt d'une requête en adoption de l'enfant de son conjoint que de nouveaux liens filiaux vont pouvoir être tissés.
La procédure d'adoption est simplifiée par la nouvelle loi. Il suffira que les couples se marient pour pouvoir ensuite programmer l'adoption, éventuellement croisée, de leurs enfants.
Plusieurs types d'adoption possibles :
DEMANDE D'ADOPTION DE L'ENFANT NE D'UNE PRECEDENTE UNION nécessairement hétérosexuelle de son conjoint.
Demande d'adoption plénière possible à condition que l'enfant n'ait de filiation légalement établie qu'à l'égard du conjoint ou que l'autre parent biologique se soit vu retirer l'autorité parentale, voire soit décédé (article 345-1 du Code civil).
Situation qui ne sera sans doute pas fréquente.
Demande d'adoption simple possible si les deux parents biologiques autorisent cette adoption simple, ce qui paraît douteux.
PROGRAMMATION D'UNE NAISSANCE
Les couples pourront programmer une naissance dans le cadre d'un projet parental, puisque tout enfant du conjoint peut être adopté, les époux seront tentés de se rendre à l'étranger pour devenir parents, malgré les interdits posés en France en matière bioéthique (don de sperme, gestation pour autrui).
L'autre conjoint aura donc tout le loisir d'autoriser l'adoption plénière puisque l'enfant n'aura de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, dans la mesure où l'un des parents biologiques sera forcément occulté.
ADOPTION DE L'ENFANT ADOPTIF DE SON CONJOINT
o Adoption plénière possible : Il suffira que l'enfant ait fait l'objet d'une adoption plénière par ce seul conjoint et n'ait de filiation établie qu'à son égard.
o Adoption simple possible : Pourra être aussi programmée. L'enfant précédemment adopté par une seule personne en la forme simple ou plénière peut l'être une seconde fois par le conjoint de cette dernière en la forme simple.
Ces adoptions viseront les enfants adoptés avant le mariage ou pendant.
Ainsi, une personne homosexuelle pourra tenter d'adopter seule un enfant, puis programmer son adoption par son époux.
III- SUR L'AUTORITE PARENTALE
A partir du moment où la filiation adoptive peut être instituée, l'autorité parentale est exercée par les deux parents. (sauf adoption simple pour laquelle une déclaration conjointe au TGI aux fins d'exercice en commun de l'AP est nécessaire).
Mais tous les époux de même sexe ne voudront pas ou ne pourront pas devenir parents juridiques d'un enfant commun.
Tel sera par exemple le cas quand l'un des parents biologiques, parent légal, refusera l'adoption simple de son enfant par le conjoint de l'autre (l'adoption plénière serait impossible de son vivant).
Néanmoins, l'enfant pourra cohabiter une partie de son temps avec le nouveau conjoint de son père ou de sa mère homosexuels.
Dans ce cas, une procédure de délégation-partage de l'autorité parentale pourra être envisagée (article 377-1 du Code Civil) dès lors qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant.
IV LES EFFETS SUR LE NOM :
1) En cas d'adoption simple :
Le nom ajouté au nom de l'adopté est celui de l'un des adoptants, dans la limite d'un nom. A défaut d'accord, le nom conféré à l'adopté, résulte de l'adjonction à son premier nom, en seconde position du premier nom des adoptants selon l'ordre alphabétique.
Ex : Mesdames XERI et AMLI adoptent Eric REBO. Celui-ci s'appellera Eric REBO AMLIL
2) En cas d'adoption plénière :
A défaut de choix, l'enfant prend le nom constitué du premier nom de chacun de ses parents accolés dans l'ordre alphabétique.
V - RUPTURE DU COUPLE
Lorsque les couples ont utilisé l'adoption pour inscrire leur enfant dans les deux lignées, leur rupture entraînera les mêmes effets que pour tous les parents (choix de la résidence, fixation de la pension alimentaire ...).
En effet, l'adoption plénière est irrévocable et l'adoption simple, révocable seulement pour motif grave.
Amélioration de la place du tiers après la rupture :
Le juge peut accorder à l'ex-époux ou l'ex-compagnon un droit de visite et d'hébergement (article 371-4 alinéa 2 du Code Civil).
Une telle demande peut être accueillie favorablement lorsque le tiers a résidé de manière durable avec l'enfant et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation et a noué avec lui des liens affectifs et durables.
Sources : Dalloz AJ Famille, Légifrance, portail vie publique,