CA Paris 2 octobre 2014 n° 13/18410, ch. 5-9
Sur demande de son client, un expert-comptable établit la déclaration fiscale de la SCI de ce dernier sous le régime de l’impôt sur les sociétés. Or, ce régime est moins avantageux pour son client que le régime de l’impôt sur le revenu auquel la SCI peut également être soumise. Le client engage la responsabilité de l’expert-comptable, qui se défend en affirmant qu’il a agi conformément à la demande de celui-ci. La Cour d’appel se prononce en faveur du client, établissant par là même un devoir d’information sur les conséquences juridiques et fiscales du choix de son client pour l’expert-comptable.
« Sur la faute
Monsieur B. et la SCI Arlaub reprochent au cabinet Cottet d’avoir opté pour l’imposition sur les sociétés alors que l’option à l’imposition sur les revenus était bien plus intéressante fiscalement dès lors que la SCI Arlaub est désormais contrainte de facturer un loyer à Monsieur B. au titre de la mise à disposition du bien dont elle est propriétaire et qu’elle prive à court terme Monsieur B. de l’exonération de la plus value en cas de cession du bien en qualité de résidence principale.
Ils estiment qu’il appartenait au cabinet Cottet de vérifier les statuts ce qui lui aurait évité de demander à Monsieur B. quel régime d’imposition avait été retenu.
Le cabinet Cottet soutient que Monsieur B. lui a affirmé à plusieurs reprises que le régime d’imposition retenu dans les statuts était celui de l’impôt sur les sociétés et qu’il ne peut donc lui être reproché aucune faute quant à son devoir de conseil.
La cour relève que le cabinet Cottet, expert comptable, avait un devoir d’information et de conseil envers ses clients et ce d’autant plus que sa mission comprenait outre les déclarations fiscales afférentes à la présentation des comptes annuels, le suivi des problèmes fiscaux qui pourraient survenir dans le cadre de son activité.
Il appartenait donc à l’expert comptable non seulement de vérifier dans les statuts de la SCI si il avait été opté initialement pour l’assujettissement au régime d’imposition sur les sociétés ou à celui sur les revenus, ce qu’il n’a pas fait se contentant de demander à Monsieur B., qui n’est pas un professionnel, ce qu’il souhaitait et surtout il était de sa mission d’alerter Monsieur B. sur les conséquences juridiques et fiscales de ce choix si celui ci persistait à opter pour le régime d’imposition de l’impôt sur les sociétés.
La cour considère donc, avec les premiers juges, que le cabinet Cottet a manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention de ses clients sur l’option choisie. Il a de plus fait preuve de négligence en ne vérifiant pas dans les statuts de la société l’option qui avait été initialement choisie.
Sur le préjudice
La cabinet Cottet fait valoir qu’en tout état de cause aucun préjudice n’est établi, la prévision de taxes’ étant insuffisante et ne peut représenter un préjudice établi, que la SCI perçoit un loyer de la part de Monsieur B. mais également de la part de la société EQUITEAM qui y est hébergée et que la SCI n’a pas versé ses comptes aux débats, que les seuls exercices non prescrits sont ceux de 2011, 2012 et 2013 et qu’il a été constaté un loyer versé par Monsieur B. sur ces exercices et que par conséquent les déficits fiscaux antérieurs peuvent être imputés sur une éventuelle plus value. Les demandes au titre de l’impôt sur les sociétés sont donc injustifiées et enfin il n’est pas démontré que Monsieur B. peut bénéficier de l’exonération litigieuse en cas d’acquisition de ce bien alors qu’il est loué en partie à une société
Les intimés soutiennent qu’il ne s’agit pas de la perte d’une chance d’avoir pu bénéficier d’un régime d’imposition plus favorable, que leur préjudice est certain puisque le régime fiscal auquel est soumis la SCI est moins favorable que celui choisi initialement.
La cour constate que les intimés évaluent leur préjudice en quantifiant les sommes qu’ils devraient verser si Monsieur B. rachetait le bien immobilier à la SCI Arlaub pour régulariser la situation fiscale. La cour note cependant que s’il est exact que la cession du bien donnera lieu à des frais et à une régularisation fiscale, aucune pièce n’est produite sur un projet de vente dans un futur proche qui rendrait le préjudice certain. Le préjudice des intimés s’analyse donc bien en une perte de chance qu’il convient d’estimer, comme les premiers juges, à la somme de 20.000 euros. Dès lors, peu importe comme le soutient la société appelante que la prescription est acquise pour les années antérieures à 2011 ou qu’il y ait une possibilité d’imputer des déficits fiscaux éventuels sur une plus value tout aussi éventuelle.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Monsieur B. et la SCI Arlaub sollicitent chacun la somme de 4.000 euros à ce titre.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais qu’ils ont du exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il sera en conséquence fait droit à cette demande.
Par ces motifs,
Confirme le jugement rendu le 21 juin 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS,
Condamne la société Cabinet Cottet à payer à Monsieur Laurent B. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société Cabinet Cottet à payer à la SCI Arlaub la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société Cabinet Cottet aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. »