FIXATION DES INDEMNITES D'EXPROPRIATION

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Principes d'évaluation

Principes d'évaluation

FIXATION DES INDEMNITES D'EXPROPRIATION

1 - Exposé préliminaire 

1 - La fixation des indemnités d'expropriation obéit à des principes juridiques énoncés pour l'essentiel par les articles L.13-13 à L.13-17 du code de l'expropriation, auxquels il convient d'ajouter l'article L.13-20 et la règle procédurale de l'article R.13-35 dudit code. Ces règles définissent notamment un cadre juridique qui peut être sans aucun rapport avec la réalité dans laquelle se situent habituellement les évaluateurs, notamment les experts, lorsqu'ils prennent en compte les différents éléments déterminants pour l'estimation d'un immeuble, notamment sa nature ou son usage, sa consistance et sa situation locative, ses conditions de desserte et sa situation au regard des règles d'urbanisme, les servitudes publiques ou privées auxquelles il est soumis. De tels éléments sont tout aussi déterminants en matière d'expropriation, sauf qu'ils seront appréciés en fonction d'un cadre purement légal, lequel ne coïncidera pas forcément avec la réalité. 

Pour reprendre une expression en vogue, l'évaluateur doit se situer dans un cadre virtuel. Ajoutons qu'en matière d'expropriation l'expertise est prohibée, du moins en première instance et pour ce qui concerne la détermination de la valeur des immeubles ou des fonds de commerces (art. R.13-28 C.Expro.), et qu'en pratique, le recours à un technicien, même en appel, est très rare. 

2 - Le juge de l'expropriation se voit attribuer le rôle de l'expert, et il est " assisté " d'un technicien en la personne du directeur des services fiscaux ou son délégué (le plus souvent un inspecteur du domaine), sorte de gardien de l'orthodoxie des décisions judiciaires qui doit en réalité être considéré comme une partie au procès et qui est par ailleurs le conseiller de la collectivité expropriante, et appartient parfois au même service - et peut même être logé dans le même bureau - que l'agent chargé de conduire la procédure d'expropriation pour le compte de la collectivité publique. Pour autant, le rôle de " conseiller du juge " du commissaire du gouvernement n'est ni usurpé ni négligeable, car il s'agit le plus souvent d'un agent ayant une excellente formation, rompu aux techniques de l'évaluation des biens, et connaissant bien les règles juridiques. Il n'est peut-être pas indifférent d'ajouter que l'inspecteur du domaine, qui n'est autre qu'un inspecteur des impôts spécialisé dans la matière, n'a pas souvent la fibre d'un " fiscaliste ", ce qui n'est ni une qualité ni un défaut, mais peut lui donner le goût d'une certaine indépendance à l'égard de sa hiérarchie et des dossiers qu'il a à traiter. 

3 - Les principes d'évaluation peuvent se résumer en trois éléments : 

- le principe directeur posé par l'article L.13-13 C.Expro., qui, tout en affirmant l'obligation de l'entière réparation du préjudice subi par l'exproprié, en énonce immédiatement les limites ; 

- le cadre légal déterminé par les articles L.13-14 et L.13-15 C.Expro., auxquels il convient d'ajouter la règle de fond de l'article L.13-20 et celle de procédure de l'article R.13-35 ; 

- les mesures restrictives des articles L.13-16 et L.13-17 du C.Expro. 

4 - Ces règles sont d'application très stricte, les dispositions des articles L.13-14 à L.13-17 étant d'ordre public et devant être soulevées d'office par le juge (art. L.13-19 C.Expro.), bien entendu, sous l'obligation d'observer le principe du contradictoire posé par les articles 15 et 16 du nouveau code de procédure civile dont les dispositions générales s'appliquent évidemment en l'absence de dispositions spéciales du code de l'expropriation (ou du code de l'urbanisme lorsqu'il s'agit de statuer en matière de droit de préemption ou de délaissement). 

2 - Le principe directeur posé par l'article L.13-13

5 - L'article L.13-13 du C.Expro. pose le principe de la réparation intégrale du préjudice directmatériel et certain causé par l'expropriation

a) Préjudice causé par l'expropriation

6 - Il convient de faire la distinction avec la notion de dommage de travail public

Le dommage indemnisable est celui qui résulte directement de la dépossession, c'est-à-dire de la perte du bien elle-même. 

Par exemple, en matière de dépréciation du surplus, le préjudice n'est indemnisable par les juridictions de l'expropriation que s'il découle : 

- de la mauvaise configuration par suite du prélèvement, ou de la perte d'un accessoire important ; 

- du lotissement de la propriété. 

TC 5.12.77 - Selo c/dép. Morbihan - AJPI 1978 p. 734; 

Civ. 3e, 3.7.74 - Bull III n° 288 p. 218; CE 5° et 3° ss, 15.6.88 - Mangin c/Sté autoroutes Paris-Est Lorraine - Ed. Tech. D.A. juillet 1988, n° 423. 

* Sauf si l'emprise de la nouvelle voie recouvre le tracé d'une ancienne voie = dommage de travaux publics 

TC 15.1.79, Outters c/Etat (Min. Equip.) - Req. 2107 - Ed. Tech. D.A. 1979, n° 62. 

- d'une impossibilité de construire - exemples : 

- réduction de la superficie au-dessous du minimum constructible ; 

- perte d'accès ou réduction de la marge de recul ou d'isolement 

Civ. 3°, 13.6.90, Provito c/Etat - Bull III, n° 147 p. 83; G.P. 1990, Panor. p. 199 ; 

Civ 3° 25.03.97, AJPI 1997 p. 768 - Civ 3° 07.10.98, AJPI 1999 p. 234). 

* Mais pas si cela résulte d'une modification du POS (principe de non-indemnisation des servitudes administratives), ou d'un règlement préexistant 

Civ. 3°, 28.3.84, Bull III N° 83 p. 65, et AJPI 1984 ; 

Civ 3° 23.04.92, Com des Peintures c. Sfg Roy - reconstruction d'un puits hors emprise impossible par suite de l'extension du cimetière communal - distance inférieure à celle prévue par l'art. L.361-4 C.Communes - AJPI 1993 p. 266. 

7 - A l'opposé, ne sont pas indemnisables les préjudices qui résultent de la présence ou du fonctionnement de l'ouvrage public - Exemple : nuisances (cf. supra n° 6, Civ. 3.7.74 et 23.04.92)

Voir cependant TC 25.05.98, Lefeuvre c/Départ des Bouches du Rhône, sur renvoi par la Cour de cassation (Rev. Dr. Imm. 1998, p. 630), et Civ. 3°, 3.03.99 (Rev. Dr. Imm. 1999, p. 219), à propos du préjudice accessoire résultant des difficultés de franchissement d'une route, nées de la division de l'exploitation à  la suite de l'expropriation des terrains nécessaires à la construction de la route. 

8 - Le principe peut s'énoncer comme suit, plus succinctement le préjudice indemnisable par la juridiction judiciaire serait le même quelle que soit la nature de l'ouvrage (par ex. : autoroute ou jardin public). 

b) Préjudice direct 

9 - Il s'agit du préjudice qui résulte directement de la dépossession. 

Cette notion se distingue de la précédente : ne sont pas indemnisables les préjudices induits qui ne trouvent pas directement leur cause dans l'expropriation (préjudices en cascade). C'est une notion objective : elle est indépendante de circonstances particulières, des personnes ... (jugement in abstracto). 

Exemples de préjudices non indemnisables : 

- coût résultant de la perte d'intérêts liés à un prêt ; 

- frais de mainlevée d'hypothèque ; 

- remboursement anticipé d'un emprunt ; 

Civ 3° 25.02.98, AJPI 1998 p. 627 ; 

- augmentation du coût de transport (habitation actuelle proche du lieu de travail) ... 

10 - Qualité du réclamant : cas du sous-locataire ou du locataire-gérant d'un fonds de commerce. Ceux-ci ne subissent pas de préjudice direct (perte d'un droit réel ou d'un droit personnel direct résultant d'une obligation passée avec le titulaire du droit réel), mais seulement la perte d'un droit personnel qui se reporte normalement sur le bien acquis en remploi (très théorique) - infra n° 26. 

CA PARIS, 06.03.92, SEMASEP c. Sté Poissonnerie Doyen, G.P. 1994 Somm. P. 49. 

c) Préjudice matériel

11 - Principe : le préjudice moral n'est pas indemnisable. Il serait en toute hypothèse difficilement appréciable. Cependant, certaines formes de préjudice pouvant s'analyser a priori comme un préjudice moral sont indemnisables si elles entraînent unedépréciation de la propriété (élément matériel objectif). 

d) Préjudice certain

12 - Le préjudice seulement éventuel n'est pas indemnisable. 

Civ. 3°, 21.10.92, Sté Rivom c/Départ. Côte d'Or, n° 90.70-293, G.P. 1992, Panor. p. 106 et AJPI 1993 p. 266 ; 

CA BESANCON, 30.06.90, épx Morel c. com. De Montmorot, G.P. 1993, Somm. P. 13. 

13 - Il convient cependant de distinguer préjudice certain et préjudice actuel. Lepréjudice futur est indemnisable s'il est certain et peut être déterminé. 

CA VERSAILLES 07.03.95, Acrachoui c. SEMARA, AJPI 1996 p. 52. 

Rien ne s'oppose en outre à ce que le juge ayant statué une première fois puisse être saisi à nouveau lors de la réalisation d'un préjudice à l'origine seulement éventuel. 

e) Réparation intégrale 

14 - Le droit à indemnisation s'apprécie en outre différemment selon qu'il s'agit d'un propriétaire ou d'un autre titulaire de droit : 

- le propriétaire est victime d'une dépossession ; 

- l'occupant, d'une éviction. 

Il convient en outre d'opérer une distinction entre l'indemnité principale et lesindemnités accessoires, notamment de remploi, et cela même si la procédure a trait à l'éviction d'un fonds de commerce (la vente d'un fonds ou du droit au bail étant soumise à enregistrement et passible de droits de mutation). 

15 - La perte du fonds n'est pas indemnisable si l'activité est transférable sans perte de clientèle (infra n° 14 et 15). 

Civ 3° 16.03.94, AJPI 1994 p. 540. 

Dans cette hypothèse, le préjudice est limité à la perte du droit de bail (indemnité principale), aux frais de transfert d'activité et au préjudice commercial. 

1°) Indemnité principale 

16 - Elle est en principe calculée en fonction de la valeur vénale des biens sous emprise. 

Mais dans certains cas marginaux, le préjudice peut être supérieur à la valeur vénale. On peut alors retenir la valeur d'usage, ou même la valeur de reconstruction (bien de nature particulière, hors marché). 

17 - La privation d'un bien ne peut donner lieu à une indemnisation symbolique. 

Civ. 3°, 15.05.91, Talbot c/commune de Seloncourt, G.P. 1991, Panor. p.253, et AJPI 1991 p.680 - à propos du lit d'une rivière. 

2°) Indemnité de remploi (Art R 13-46 C. Expro)

18 - Elle est calculée forfaitairement en proportion du montant de l'indemnité principale. 

Elle représente le montant des frais et droits (droits de mutation, frais d'acte et honoraires de négociation) que devrait supporter l'exproprié pour reconstituer en nature son patrimoine. 

19 - Elle est due par principe même si le remploi s'effectue sous d'autres formes, ou même si le remploi n'est pas envisageable (impossible). 

20 - L'indemnité de remploi n'est pas due si : 

- le bien est notoirement destiné à la vente (l'appréciation du caractère "notoire" suppose une certaine publicité). 

- le bien a été mis en vente dans les 6 mois précédantla D.U.P. (suppose la preuve de démarches positives en ce sens) 

Civ 3° 31.03.93, AJPI 1993 p. 791 et 1994 p. 45 (promesse de vente) - G.P. 1993, panor. P. 250 ; 

Contra : Civ 3° 10.07.96, AJPI 1996 p. 1029 (bien indivis mis en vente par un seul indivisaire alors que la preuve n'était pas rapportée que celui-ci avait agi en accord avec l'ensemble des indivisaires). 

Il semblerait que le juge doive appliquer la restriction si les éléments du dossier l'induisent, même si la question n'a pas été soulevée par les parties ou le commissaire du gouvernement. 

Civ 3° 23 mai 1984, Bull. n°105 p. 83 (jurisprudence ancienne en matière de Z.I.F.)

21 - Le remploi est dû en l'absence de disposition contraire. 

Civ- 3°, 28.4.81, Bull III, n° 84 p. 60; 

Civ. 3° 23.10.91, Ville de Paris, n° 90.70-069, Ed. Tech. D.A., 1991, n° 484. 

Il sera dû notamment dans le cas d'un alignement. 

Civ 3° 23.10.91, Ville de Paris, Req. N° 90. 70069W, Ed. Tech. D.A. 1991 p. 483. 

22 - Les taux (qui ne sont déterminés que par l'usage et la jurisprudence) varient, notamment dans le temps, en fonction de ceux des droits de mutation applicables. Pour la même raison, ils sont dégressifs. Avant la dernière baisse des droits de mutation intervenue en septembre 1999, ils s'établissaient généralement comme suit :

- terrains : 25/20 % (limite supérieure100000 F) ; 

- immeubles d'habitation : 15/10 % (id°) ; 

- fonds de commerce : 25/20 % (id°). 

Ils sont en outre réductibles en cas d'avantages fiscaux (ex. : taux 0 % pour les mutations de fonds de commerce de moins de100000 F). 

Ces taux ont été revus à la baisse en proportion de celle des droits de mutation. 

23 - Selon la jurisprudence, l'indemnité de remploi s'applique en principe globalement à l'ensemble de l'indemnité principale, ou plus rarement par unité foncière. 

(Exemple : CA VERSAILLES 13.12.88 Hennière et Beuzeron c/comm. de Villeneuve-s.Seine - nombreuses autres jurisprudences en sens contraire). 

On applique en toute hypothèse la dégressivité globalement mais par nature de biens (selon le taux des droits de mutation normalement applicable : par exemple d'une part les terrains, d'autre part les propriétés bâties, ou d'une part l'immeuble bâti et d'autre part le fonds de commerce). 
 

3°) - Situation des locataires (éviction)

24 - Les agriculteurs reçoivent une indemnité d'exploitation, généralement sur la base de protocoles locaux négociés entre l'administration (fiscale) et les représentants des organisations professionnelles ainsi que les techniciens des chambres d'agriculture. Ces protocoles, qui sont négociés par branches d'activités (polyculture, exploitations maraîchères ou viticoles etc...), ne s'imposent pas aux parties et au juge, mais constituent des sources de renseignement importantes dans un domaine techniquement difficile, de sorte qu'ils servent le plus souvent de base aux offres de l'expropriant et de base d'indemnisation, sauf à l'exploitant à apporter la preuve d'un préjudice supérieur à l'aide, notamment, d'éléments comptables. 

25 - Les artisans, commerçants ou industriels reçoivent une indemnité de transfert d'activité si celle-ci peut être exercée ailleurs sans perte de clientèle (supra n° 15). Dans le cas contraire, ils sont indemnisés de la perte du fonds. La perte du fonds de commerce ou du droit au bail (dans l'hypothèse du transfert d'activité) est réparée par une indemnité principale à laquelle s'ajoute une indemnité de remploi (supra n° 14). 

26 - Cas du locataire-gérant ou du sous-locataire (supra 10) : on admet dans certains cas qu'ils peuvent bénéficier d'une indemnité de déménagement (notamment lorsqu'elle n'est pas allouée au locataire). 

27 - Nécessité d'une dénonciation par le propriétaire : le locataire non dénoncé en temps utile par son bailleur est privé de toute indemnité d'expropriation. Ceci ne résulte pas directement de la loi mais d'une création jurisprudentielle très contestable, la Cour de cassation ayant étendu aux locataires visés au second alinéa de l'art. L.13-2 C.Expro. la déchéance prévue à l'encontre des autres titulaires de droits visés par l'alinéa suivant. Mais, sur ce point, la jurisprudence est ferme et constante, même en cas de mise en demeure d'acquérir d'un bien réservé au POS (art. L 123-9 C.Urb.). 

* En sens contraire = circonstance indifférente si l'expropriant a connaissance d'une occupation régulière - CA Versailles, 06.06.86, épx Clément c/ AF TRP, GP 1988, Panor. p. 16. 

28 - Le locataire évincé et privé de tout droit à indemnisation par suite du manquement du propriétaire dispose d'une action en responsabilité contre celui-ci. 

CA DIJON, 22.02.94, Pacaud c. épx Josselin, AJPI 1995 p. 133. 

Il reste que, dans nombre de cas, la situation du locataire pourra être irrémédiablement compromise, notamment en cas d'insolvabilité du propriétaire. 

4°) Différentes sortes d'indemnités accessoires

29 - Il n'existe aucune limitation, et la liste n'est fonction que de l'imagination des plaideurs. On peut citer les principaux exemples suivants : 

- remploi (en principe obligatoire sauf exclusions - supra 19) ; 

- dépréciation du surplus ; 

- allongement de parcours (perte d'accès ou lotissement) ; 

Civ 3° 10.11.98, AJPI 1999 p. 42 ; 

- reconstruction des clôtures (problème de la vétusté qui n'est généralement pas admise comme facteur de moins-value - voir la jurisprudence du Conseil d'Etat) ; 

- perte de bail avant terme pour un exploitant agricole ; 

Civ 3° 30.06.93 Bull. N° 233 ; 

- frais de transfert d'activité (commerçant, artisan ou industriel) et pertes d'exploitation (ces frais ne sont pas dus si le locataire est indemnisé de la perte du fonds de commerce) ; 

- indemnités de licenciement du personnel de l'entreprise. 

Civ 3° 12.05.93, AJPI 1993 p. 73. 

30 - Les demandes d'indemnités accessoires peuvent être présentées pour la première fois en appel, car elles ne constituent pas des demandes nouvelles, comme constituant un accessoire de l'indemnité principale (simple modalité d'évaluation de l'indemnité d'expropriation) (jurisprudence nombreuse). 

3 - Le cadre légal

Art L 13-20, L13-14, L13-15, R 13-35 C.Expro. 

a) Fixation des indemnités en espèces (art. L.13-20 C.Expro.)

31 - Il n'est possible de fixer les indemnités en nature (cas fréquent d'exécution de travaux) qu'avec l'accord exprès de l'exproprié. L'expropriant ne peut se soustraire à une indemnisation en proposant une réparation en nature sans l'accord de l'exproprié. 

Civ. 3°, 15.05.91, Talbot c/ commune de Seloncourt précité, GP 1991, panor. p.253 ; 

Civ. 3° 26.03.97, AJPI 1997 p. 767 et 940 ; 

Civ. 10.11.98, AJPI 1999 p. 42 précité. 

32 - Et cela sauf cas particulier de l'art. L 13-20 relatif à l'offre d'un local de remplacement : l'expropriant peut légalement s'exonérer du paiement d'une indemnité principale en offrant un local de remplacement équivalent. Le contrôle du juge porte sur l'équivalence des locaux. 

(voir notamment G.P. 1992 (4 au 5 sept.)- Flash p. 4 et 5 = TGI Créteil 8-11-90 et CA PARIS 19-9-91). 

Les conditions d'équivalence s'apprécient en fait (consistance des locaux et situation géographique), et en droit (nature et conditions du bail), le montant du loyer n'étant généralement pas pris en considération, sauf circonstances particulières. 

33 - Dans ce cas, des indemnités accessoires peuvent néanmoins être allouées à l'exproprié en fonction de certains préjudices (frais de transfert et pertes d'exploitation pendant le temps du transfert, par exemple). 

34 - En cas d'accord amiable sur l'indemnisation en nature, le juge judiciaire reste compétent pour contrôler les modalités d'exécution de l'accord et peut être ressaisi (art. R 13-39). 

TC 9.6.86, n° 2410, de Durand-Chamayou c/Min. Urb. - Bull. Info. C. Cass, 15-10-86, n° 231 ; 

CE 6° et 2° ss, 19.11.86, Bertrand c/Départ. Puy de Dôme - Req. N 68875 - Ed. Tech. D.A. 1986, N° 625. 

b) Fixation des indemnités dans la limite des conclusions des parties (art. R.13-35 C.Expro.)

35 - Ce principe correspond à une règle ordinaire de procédure : interdiction au juge de statuer ultra petita. 

Il existe cependant une difficulté : en l'absence de mémoire de l'exproprié et de réponse de sa part aux offres de l'expropriant (ou de demande non formulée quantitativement), la juridiction fixe l'indemnité "en fonction des seuls éléments dont elle dispose". Le principe a pour conséquence que l'indemnité est fixée à la hauteur des offres de l'expropriant. 

Civ 3° 17.7.73, Bull III, n° 482 p. 351. 

Jurisprudence en sens contraire le plus souvent citée : TGI Pontoise, 23.6.82, AJPI 1983 p. 23 

Mais ceci est plus restrictif que la règle générale posée par l'article 472 NCPC qui veut qu'en cas de défaillance du défendeur, le juge ne fasse droit à la demande que s'il l'estime bien fondée. 

36 - Il en résulte une difficulté, au moins au regard de l'équité, lorsque les offres de l'expropriant sont insuffisamment justifiées (ou notablement insuffisantes). Certaines décisions se fondent sur le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, et prennent pour base d'évaluation les prix qui résultent des accords amiables produits, lorsqu'ils sont supérieurs à l'offre de l'expropriant. Un tel système est d'ailleurs conforme à la lettre des textes qui obligent le juge à prendre en considération les accords amiables conclus par l'expropriant (infra n° 331) 

c) Principe général : " la confiscation du profit "

37 - Malgré le principe directeur posé par l'art. L.13-13 C.Expro. (supra n° 5), tous les mécanismes de l'expropriation reposent sur le principe sous-jacent suivant : ne pas faire supporter à la collectivité expropriante les plus-values qui pourraient être retirées sur le marché libre : 

- si elles ne correspondent pas à une action ou un investissement du propriétaire, 

- si elles résultent de travaux exécutés aux frais de la collectivité (double charge pour la collectivité). 

Ce résultat est obtenu par la conjugaison d'un système de dates dont la plus importante est la " date de référence ", et de la définition légale du " terrain à bâtir " qui ne correspond pas forcément à celle couramment admise en dehors du cadre de l'expropriation. 

d) Les différentes dates applicables 

1°) Date du jugement de 1ère instance (Art L 13-15 C.Expro.) 

38 - C'est la date à laquelle s'apprécie la valeur vénale des biens. Cette règle est intangible, même en appel. 

Les seules possibilités de révision du prix : 

* application de l'intérêt légal en cas de défaut de paiement (ou de consignation régulière) dans le délai de trois mois suivant le jugement, sur demande expresse (la demande pouvant être présentée avant ledit délai), sous réserve que le transfert de propriété soit intervenu - Art R 13-78 C.Expro. 

* Révision du prix (nouvelle estimation), en cas de défaut de paiement dans le délai d'un an - Art L 13-9 C.Expro. , à l'initiative de l'exproprié. 

2°) Date du transfert de propriété - Art L 13-14 C.Expro.

39 - A cette date s'apprécient : 

- la consistance du bien (infra n° 59) ; 

- l'origine de propriété récente (infra n° 64) ; 

- la règle de droit applicable (y compris en toutes matières semblables à l'expropriation). 

Civ. 3°, 29.11.89, Etat c/ SA Crédit Immobilier des Ardennes, Ed. Tech. D.A. 1990, n° 122, et G.P. 1990, panor. p. 12 ; 

Civ 3°, 20.7.88, Bech c/ville Marseille, AJPI 1989 p. 26). 

Cette disposition est transposable en matière de fixation du prix, même lorsque la décision ne prononce pas le transfert de propriété : la décision opère ou emporte transfert de propriété 

Civ 3°, 1.2.83, Agence foncière et technique de la région parisienne c/Ets Joffre (inédit), pourvoi n° 81-70.281. 

En cas de fixation des indemnités avant l'intervention de l'ordonnance d'expropriation, le juge peut être amené à statuer à nouveau si lors du transfert, les règles de droit ont été modifiées (et influent sur le prix). 

3°) Date de référence - Art L 13-15

40 - Elle détermine les conditions de fait et de droit pour l'évaluation des terrains : 

- qualification de terrain à bâtir ; 

- possibilités effectives de construction. 

Civ 3° 11.06.92, AJPI 1993, p. 29 (POS en cours de révision à la date de référence, sans influence). 

41 - Date de droit commun : un an avant l'ouverture de l'enquête préalable àla D.U.P. 

42 - Dates dérogatoires : on assiste actuellement à une uniformisation en fonction du plan d'occupation des sols le plus récent (sauf cas particulier des ZAD et en matière de délaissement en ZAC), après que de multiples dates de référence se soient concurrencées, entraînant des difficultés sérieuses d'application. 

- emplacement réservé (L 123-9 C.Urb.) : Art l 13-15-II-4°. L'application anticipée de certaines dispositions du POS en cours de révision (art. L.124-4 C.Urb.) est sans influence sur la date de référence. 

Civ 3°, 17.03.93, AJPI 1994 p. 125 ; 

- Espaces naturels sensibles des départements (E.N.S.D.) : Art L 142-5 C.Urb. ; 

- ZAD et DPU : Art L 213-4 (L 213-6) C.Urb. ; 

* Note : en ce qui concerne les ZAD instituées avant le 1er juin 1987, elles restent soumises aux textes en vigueur avant la loi n° 85-729 du 18.07.85 (art. 9-III de ladite loi) - Dans ce cas, la date de référence se situe un an avant la publication de l'acte ayant créé la ZAD ou délimité son périmètre provisoire (art. L.212-4 C.Urb. ancien résultant de la loi du 31.12.75) 

Civ. 3°, 28.04.93, JCP 1994.II n° 22187 ; 

Civ 3° 02.03.94, Ed. Tech. D.A. 1994, n° 216 ; 

Civ 3° 16.03.94, AJPI 1994 p. 540. 

43 - Ceci a pour conséquence, en matière de préemption d'un bien situé dans une telle ZAD, que le titulaire du droit de préemption n'est pas soumis à l'obligation de consigner 15 % du montant de l'évaluation faite par les services fiscaux en cas de fixation judiciaire du prix. 

Civ 3° 11.02.98, AJPI 1998 p. 628. 

44 - Difficultés d'application : elles sont multiples et tiennent : 

- à l'interprétation des textes qui ne sont pas toujours clairs ; 

- à la circonstance que la date de référence dépend de la situation du bien à la date du transfert de propriété 

( Civ 3°, 5.12.90, RATP c/ Lelièvre, AJPI 1991 p. 341) ; 

- au fait qu'il faut souvent opérer un choix entre des dates de référence multiples. 

En cas de dates concurrentes, la difficulté repose sur la détermination de celle qui est applicable, si elles sont différentes. On pourra appliquer la règle specialia generalibus derogant, ou choisir selon l'objet de l'opération ; 

Lorsque les dates ne sont pas concurrentes, on peut être confronté à des difficultés d'évaluation si diverses portions d'une même propriété sont soumises à des dates de référence distinctes (et par suite à des règles d'urbanisme différentes). 

45 - Le juge doit prendre en compte la situation objective, en matière d'emplacements réservés, et cela indépendamment de l'objet de l'expropriation : il suffit que le terrain soit en emplacement réservé pour que l'art. L 13-15-II-4° soit applicable, même si la procédure est poursuivie pour un but autre que celui justifiant l'emplacement réservé. 

Civ. 3° 05.06.91, Bull. III, n° 164 - JCP 1994-II p. 175 et AJPI 1991 p. 754. 

46 - Importance de la date de référence : elle est une date clé, en ce qu'elle conditionne l'essentiel des éléments d'évaluation à retenir en ce qui concerne : 

- les règles d'urbanisme applicables ; 

- les conditions de desserte d'un terrain ; 

- la constructibilité de la parcelle. 

47 - Problème des ZAC : la question de la fixation de la date de référence lorsque le bien se trouve dans une ZAD à la date du transfert de propriété, auquel cas la date de référence est déterminée en fonction de la date d'opposition aux tiers du plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien (art. L.213-4 C.Urb.), peut entraîner des difficultés d'interprétation lorsque le bien exproprié se situe en outre à l'intérieur du périmètre d'une ZAC (cas fréquent). 

Dans un arrêt du 03.02.92, la cour d'appel de Dijon a considéré que " le PAZ est le plus récent des actes modifiant le POS " et qu'en conséquence, la date de référence devait être fixée en fonction de la date de création de ce plan d'aménagement de zone, ce qui ne correspond pas à l'application littérale des textes (contra : CA RENNES, 13.11.98, cts Letard c. comm. De Saint-Jacques dela Lande). Il convient en effet de faire la distinction avec l'art L 311-2 C.Urb qui ne s'applique qu'en matière de délaissement seulement (date de référence fixée en fonction de la date de création dela ZAC), et de se référer à l'art L 311-4 qui permet de maintenir en vigueur le POS dans le périmètre dela ZAC, d'où il découle que POS et PAZ sont totalement indépendants et que le second ne modifie pas le premier (il l'exclut en réalité). 

Voir aussi CA RENNES 9.10.92, SONADEV c/CGI à propos de l'application du droit de préemption urbain (et de la date de référence). 

e) - Le mécanisme légal d'évaluation 

1°) La qualification légale de terrain à bâtir

48 - La portée de l'art L 13-15 C.Expro. à propos de la qualification de " terrain à bâtir ", a perdu quelque peu de sa force compte tenu des méthodes d'évaluation des juridictions (appréciation souveraine des juges du fond) - cf. infra n° 56 : " Terrains en situation privilégiée ". 

Voir notamment Civ. 3°, 19.02.92, Hermine-André, n° 90-70.244, Ed. Tech. D.A. 1992 n° 213. 

49 - Le juge doit obligatoirement se prononcer sur la qualification légale de " terrain à bâtir " au regard de l'art. L.13-15 C.Expro. 

Civ 3° 18.11.92, AJPI 1993 p. 354. 

50 - Double condition posée par la loi (depuis 1985) pour qu'un terrain bénéficie de la qualification de terrain à bâtir : 

- desserte par voie et réseaux (y compris les réseaux d'assainissement si ceux-ci sont rendus obligatoires par le POS), 

- situation en zone reconnue constructible par un POS ou le document d'urbanisme en tenant lieu (ce pourrait être dans ce cas un PAZ - infra n° 54). 

51 - Réseaux : ceux-ci doivent se trouver à proximité immédiate. Au regard de la jurisprudence, cette notion apparaît de plus en plus restrictive, notamment pour l'eau et l'assainissement (en raison du coût des travaux de raccordement) : 

- adaptation des réseaux aux possibilités effectives de construction du terrain : il s'agit d'une question de fait soumise à l'appréciation du juge. 

- condition supplémentaire d'adaptation des réseaux à l'ensemble de la zone : ne s'applique que si elle est prévue par le règlement du POS en vigueur à la date de référence (zone aménageable seulement par une opération d'ensemble). 

Civ. 31.05.95, AJPI 1996 p. 32 ; 

En ce qui concerne l'assainissement, voir CA PARIS 17.09.98, com. D'Arpajon c. cts Pierre, AJPI 1999 p. 538. 

52 - Zonage : la difficulté principale pour apprécier si le terrain est reconnu constructible est relative aux zones naturelles NA (art R 123-18 C.Urb.). Les zones naturelles ND sont par principe considérées comme inconstructibles, même si le règlement leur reconnaît une constructibilité restreinte dans certains cas (équipements sportifs, de loisirs ou de tourisme). 

53 - Problème des ZAC = substitution du PAZ au POS : voir les remarques qui précédent pour les cas où la date de référence est fixée en fonction du POS. 

Mais le PAZ ressurgit en droit commun : terrains "situés dans un secteur reconnu constructible par un POS ou par un document d'urbanisme en tenant lieu" (PAZ ou plan de sauvegarde et de mise en valeur -Art L 313-1 et s. C.Urb.). 

54 - Il convient de souligner que la Cour de Cassation exerce un contrôle strict sur la qualification légale de terrain à bâtir, et ne s'en remet pas à l'appréciation du juge du fond, s'agissant d'une question mélangée de fait et de droit. 

2°) Cas des " terrains en situation privilégiée "

55 - Ces terrains, lorsqu'ils ne sont pas susceptibles de recevoir la qualification de " terrain à bâtir ", peuvent néanmoins être évalués à un prix très sensiblement supérieur à celui de terrains agricoles, en fonction de plus-values tenant à leur situation (notamment dans des zones péri-urbaines où s'exerce une forte pression sur le marché). La jurisprudence de la Cour de Cassation (qui s'en rapporte sur ce point à l'appréciation souveraine des juges du fond dès l'instant où ceux-ci ont justifié leur estimation au regard du marché par des constatations suffisantes) a fait l'objet de virulentes critiques qui ne sont pas à notre avis justifiées dans la plupart des cas. 

Voir notamment Civ 3° 14.02.96, AJPI 1996 p. 584 ; 

Civ 3° 11.02.98, AJPI 1998 p. 536. 

Il serait peut-être plus judicieux d'éviter l'expression de " situation privilégiée " qui est ambiguë et peut faire croire que le juge a tenu compte d'une situation future des terrains (encore purement éventuelle), ce qui lui est interdit, et d'indiquer, selon une autre formule, que " l'évaluation du bien doit tenir compte des plus-values pouvant résulter de sa nature, de sa situation, de ses conditions de desserte, de sa situation géographique ou au regard des règles d'urbanisme, ou de toute autre cause, dès lors que le marché de référence révèle l'existence de semblables plus-values ". 

3°) POS dolosif

56 - Aux termes de l'article L.13-15-II-2° du C.Expro., le juge peut écarter les règles d'urbanisme entraînant des restrictions au droit de construire lorsque leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive. Sur ce point, la Cour de cassation considère qu'il s'agit d'une question de fait soumise à l'appréciation souveraine du juge du fond. La jurisprudence a évolué dans un sens moins restrictif, notamment lorsque l'expropriant ne se confond pas avec l'auteur du plan d'urbanisme. 

Civ 3°, 11.6.92, départ. Rhône, N 90-70.076/D, Ed. Tech. D.A. 1992, n° 375 - voir aussi AJPI mars 1993. 

57 - Méthode d'appréciation : il n'y a pas d'obstacle a priori pour que le juge judiciaire utilise la notion dégagée par les tribunaux administratifs "d'erreur manifeste d'appréciation". Mais le juge judiciaire n'a pas qualité pour apprécier la légalité des actes administratifs (classement au POS), et une simple erreur de classement est insuffisante pour caractériser l'intention dolosive. 

Civ 3°, 03.07.96, AJPI 1996 p. 902. 

Celle-ci devra être appréciée en fonction d'un ensemble de circonstances et se déduira des éléments que le juge analysera. 

Voir exemples : Civ 3° 24.02.93, D. 1994, Som. Comm. P. 73 ; 

Civ 3°, 26.02.97, AJPI 1997 p. 661. 

4 - Dispositions restrictives

a) Améliorations - Art L 13-14 C.Expro.

58 - La consistance du bien est appréciée à la date du transfert de propriété. Il existe toutefois une suspicion légitime que certaines améliorations revêtent un caractère spéculatif en raison de la période à laquelle elles sont intervenues, considérée comme critique. 

La présomption légale d'intention spéculative instituée par l'article L.13-14 C.Expro. pour les améliorations postérieures à la date de l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique est une présomption simple, et supporte en conséquence la preuve contraire. 

La notion d'amélioration s'entend non seulement en fait (transformations, travaux, consolidation ...), mais aussi en droit (obligations pouvant induire un usage valorisant).

b) Changements de valeur - Art L 13-15 C.Expro.

59 - En principe, le juge ne doit pas tenir compte des changements de valeur qui résultent de modifications du POS, actuelles ou annoncées, ou de travaux publics exécutés dans les trois ans ayant précédé l'enquête publique préalable àla D.U.P. 

Cette disposition est très rarement utilisée malgré son importance, car elle est peu aisée à mettre en oeuvre en raison de la difficulté qui existe à rapporter la preuve de tels faits. 

c) Le " marché légal " - Art L 13-16 C.Expro. (1° et 2° al.)

1°) Accords amiables privilégiés 

60 - Il s'agit des accords amiables conclus à l'intérieur du périmètre des opérations en cause. Le juge a l'obligation de les examiner, même d'office, 

(Civ. 3°, 4.3.92, n° 90-70.122 - SCI La Pelletière c/Syndicat mixte de l'aérodrome de Besançon- La Vèze, Bull. Info. C.Cass., 1.5.92, N° 789)

et cela même si l'accord amiable n'est pas cité dès l'instant où le juge a pu en avoir connaissance. 

(Civ 3°, 3.10.91, Chane Tou Ky c/ comm. St Denis de la Réunion, n° 89-70.248, AJPI 1992 p. 109, et Ed. Tech. D.A. nov 1991, n° 483, et G.P. 1991, panor. p. 322). 

Ces termes de comparaison ne peuvent être écartés comme insuffisamment probant sans motivation spéciale. 

2°) La double proportion alternative

61 - Prévue par l'article L.13-16 C.Expro., elle s'impose au juge, lequel, pour l'apprécier, contrôle la réalité des données : 

- superficie du périmètre ; 

- nombre total des propriétaires du périmètre ; 

- qualification légale des biens ; 

- détail des accords amiables (surface, nombre de propriétaires, situation des biens, date de l'acte). 

Ne sont pris en compte que les accords amiables postérieurs àla DUP, et le juge apprécie l'adéquation entre les biens acquis amiablement et le bien à évaluer. 

d) - Dispositions sanction

1° ) Opposabilité des déclarations antérieures - Art L 13-16 C.Expro. (3° al)

62 - Les déclarations fiscales antérieures faites par le propriétaire et portant sur l'estimation du bien exproprié lui sont opposables, en tout cas dans le principe. Le juge doit les examiner, mais n'est pas lié et conserve une liberté d'appréciation (par exemple lorsque le bien " hors commerce " - en voie d'expropriation ou en emplacement réservé) 

Voir Civ 3° 16.06.93, Bull III n° 93, G.P. 1993 panor. P. 21. 2°) Origine de propriété récente - Art L 13-17 C.Expro

63 - Cette disposition s'applique en cas d'expropriation (transfert de propriété - supra n° 40) intervenant moins de cinq ans après une mutation à titre gratuit ou onéreux. Aux termes de ce texte, le montant de l'indemnité principale ne peut être supérieur à l'évaluation domaniale si celle-ci est elle-même supérieure au montant déclaré lors de la mutation dont il s'agit (ou de l'évaluation faite par l'administration, le cas échéant). Ce mécanisme rigoureux s'impose au juge qui doit éventuellement le soulever d'office si les éléments du dossier lui permettent de supposer qu'il trouve à s'appliquer (supran° 4). 

64 - Le juge vérifie si les conditions légales sont remplies : 

- date du transfert de propriété (ordonnance d'expropriation - supra n° 40) ; 

- nature de la mutation (acte translatif de propriété), le texte étant inapplicable en cas de partage successoral ou de licitation entre co-indivisaires ; 

- déclaration (ou évaluation administrative) ; 

- estimation domaniale (après une période d'application restrictive, on assiste à un assouplissement de la jurisprudence en la matière - infra n° 66). 

65 - L'avis des domaines qualifié "d'officieux" produit aux débats doit être pris en considération. 

Civ. 3°, 3.10.91, Poinsot c/comm de Gometz-le-Châtel, n° 89-70.357, Bull III n° 226 p. 133 ; et Ed. Tech. D.A. 1991, n° 485 ; et G.P. 1991, panor. p. 323. 

L'art L 13-17 C.Expro. n'exige pas que la fiche d'évaluation domaniale soit versée aux débats (appréciation souveraine par la cour de la méthode d'évaluation qui lui paraissait la plus appropriée). 

Civ 3°, 3.10.90, SCI du Marais dela Grande Marec/Sté des Autoroutes du Nord et de l'Est dela France, Bull III, n° 177 p. 103 ; et AJPI 1991, p. 26) ; 

* Note : ne pas confondre fiche d'évaluation domaniale et avis du domaine

66 - La disposition de l'art L 13-17 ne serait pas transposable en matière de droit de préemption urbain, en l'absence de décision portant transfert de propriété. 

CA PARIS, 8.2.91, Ville de Paris c/ Dominique Montpezat, AJPI 1992 p. 110 - à rapprocher cependant de Civ 3° 1.2.83, Joffre précité. 

Toutefois, dans le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation, il semble que l'application de l'article L.13-17 soit générale, même lorsque le transfert de propriété n'intervient pas par une décision judiciaire, ou qu'il n'est pas intervenu. Le juge ne pourrait exclure l'application de l'art. L.13-17, et devrait se prononcer par décision alternative, selon que le transfert (par acte authentique notarié ou administratif) aura effectivement lieu ou non dans le délai de cinq ans suivant la date de mutation du bien. 

Civ. 3° 23.11.94, AJPI 1995 p. 595 ; 

Civ 3° 07.10.98, AJPI 1998 p. 328. 

e) Déchéance quadriennale

67 - Elle résulte de la loi n° 68-1250 du 31-12-68 et du décret n° 81-174 du 23-2-81, et est applicable en matière d'expropriation. 

Civ 3°, 13.5.87, comm. de Thiais c/cts Giannandrea - D.S. 1988- somm. p. 44 et AJPI 1988 p. 155 - id Civ 3°, 1.4.87, AJPI 1987 p. 603). 

Point de départ de la prescription : à compter de la notification régulière de l'ordonnance d'expropriation (exception à la règle posée par l'art. L 12-2 C.Expro. relative aux effets immédiats de l'ordonnance) 

Civ. 3°, 10.4.91, Bull III, n° 117 p. 67, et G.P. 1991, somm. p. 201, comm ; Créteil c/dame Magne. 


Source : Gilbert GANEZ LOPEZ,Vice-Président du tribunal de Grande Instance de Nantes

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