Le remplacement définitif d'une salariée pendant son congé de maternité constitue une mesure préparatoire à son licenciement rendant ce dernier nul, même s'il a été prononcé après le congé.
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L'article L 1225-4 du Code du travail interdit de licencier les femmes enceintes ainsi que les personnes bénéficiant d'un congé de maternité ou d'adoption pendant toute la durée de ce congé et les 4 semaines suivantes. Il en va différemment toutefois si l'employeur justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse ou à l'adoption, ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, de maintenir le contrat de travail. Mais même dans ces cas, précise le texte, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet, ni être notifiée, pendant la période de suspension du contrat, c'est-à-dire pendant la période de congé proprement dit.
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En l'espèce, l'employeur a, semble-t-il, respecté ces dispositions. La salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle alors qu'elle avait repris son travail après son congé de maternité et plusieurs semaines de vacances. Elle invoquait néanmoins la nullité de son licenciement au motif, notamment, qu'elle avait été remplacée définitivement pendant son congé, le nom de son remplaçant figurant sur l'organigramme de la société, ce qui caractérisait une mesure préparatoire à son licenciement.
Se fondant sur l'article L 1225-4 précité, interprété à lumière de l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 interdisant le licenciement des travailleuses pendant la période allant du début de la grossesse jusqu'au terme du congé maternité, la Cour de cassation censure la décision de la cour d'appel qui a débouté l'intéressée de sa demande. Elle reproche au juge du fond de ne pas avoir vérifié le caractère définitif ou non de ce remplacement.
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La Juridiction suprême aligne ainsi sa jurisprudence sur celle de la Cour de justice de l'Union européenne. En effet, les dispositions communautaires visées ci-dessus ont été interprétées en ce sens qu'il était interdit, non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant pendant la période de protection, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision, telles que la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée, avant l'échéance de cette période (CJCE 11 octobre 2007 : RJS 2/08 n° 239).
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On peut se demander si l'arrêt du 15 septembre 2010 ne remet pas en cause la jurisprudence admettant la possibilité pour l'employeur d'engager la procédure de licenciement pendant cette période (Cass. soc. 29 mai 1990 : RJS 7/90 n° 560).
En interdisant à l'employeur de prendre des mesures préparatoires au licenciement pendant le congé, la Cour de cassation ne condamne-t-elle pas cette pratique ? L'engagement de la procédure de licenciement ne doit-il pas être considéré comme une mesure préparatoire ? On attend que la Haute Cour précise ce qu'il faut entendre par mesures préparatoires en dehors du remplacement définitif de la salariée.
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Pour l'heure, il est déconseillé aux employeurs d'organiser un entretien préalable au licenciement, ni même d'envoyer une convocation à un tel entretien, pendant un congé de maternité ou d'adoption.
En tout état de cause, l'employeur doit veiller à ne pas donner un caractère définitif au remplacement de l'intéressé pendant ce congé pour qu'il ne soit pas considéré comme une mesure préparatoire au licenciement, ce qui est prohibée.
Source : 2010 Editions Francis Lefebvre