L’intéressement d’un élu à l’élaboration d’un PLU en dépit de son absence lors de l'adoption

Publié le 06/07/2015 Vu 2 842 fois 0
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Un conseiller municipal peut-il être considéré comme ayant participé à l'élaboration d'un PLU quand bien même il n'aurait pas siégé lors de l'adoption de celui-ci?

Un conseiller municipal peut-il être considéré comme ayant participé à l'élaboration d'un PLU quand bien

L’intéressement d’un élu à l’élaboration d’un PLU en dépit de son absence lors de l'adoption

CAA Nancy 9 octobre 2014 n° 13NC01758, Cne de Heiteren.

Lorsqu’un conseiller municipal intéressé à l’élaboration d’un PLU participe aux travaux de la commission d’élaboration de ce PLU, même s’il n’a pas siégé lors de son adoption, du fait de l’influence qu’il a pu exercer au cours de ces travaux, entraîne l’illégalité de la délibération.

« 1. Considérant que par jugement en date du 10 juillet 2008, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du conseil municipal de Heiteren en date du 24 août 2005 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune, au motif que quatre conseillers municipaux avaient participé à l’élaboration et à l’adoption de cette délibération en méconnaissance des dispositions de l’article L 2541-17 du code général des collectivités territoriales ; qu’après le désistement de la commune de son appel formé contre ce jugement, dont la cour administrative d’appel de Nancy a donné acte par son arrêt du 6 août 2009, le conseil municipal a approuvé son plan local d’urbanisme par une nouvelle délibération en date du 21 janvier 2010 ; que la commune de Heiteren relève appel du jugement en date du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L 2541-17 du code général des collectivités territoriales, applicable dans les communes d’Alsace-Moselle : “Le maire, les adjoints et les membres du conseil municipal ne peuvent prendre part aux délibérations et décisions relatives aux affaires dans lesquelles ils sont intéressés personnellement ou comme mandataires” ; qu’il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’une personne intéressée à l’affaire en faisant l’objet est de nature à entraîner l’illégalité de la disposition approuvée ; qu’il en va de même de la participation de cette personne aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération, alors même qu’elle n’a pas participé au vote de la disposition litigieuse, dès lors que la personne intéressée a été en mesure d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse ;

3. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E…A…ait exercé une influence effective sur la délibération en date du 21 janvier 2010 portant approbation du plan local d’urbanisme, ni qu’il puisse être regardé comme intéressé au sens des dispositions de l’article L 2541-17 du code général des collectivités territoriales, son intérêt n’apparaissant pas distinct de celui de l’ensemble des habitants de la commune ; qu’en revanche, il ressort des pièces du dossier que M. A… F…, alors premier adjoint au maire, a participé aux travaux de la commission constituée aux fins de préparer l’adoption du plan local d’urbanisme de la commune ; qu’à l’issue de ces travaux, une parcelle dont le père de M. F… est propriétaire a été reclassée en zone urbaine, sous la forme d’une excroissance épousant la forme de cette parcelle située le long de la RD 468 ouvrant sur un large espace cultivé maintenu, comme dans l’ancien plan d’occupation des sols, en zone inconstructible à extrémité nord du village ; que le rapport de présentation du plan local d’urbanisme préconise expressément de “préserver les espaces ouverts cultivés en évitant le mitage par des constructions anarchiques” et de limiter les “extensions linéaires le long des principaux axes (RD 468 au Nord) correspondant aux extrémités urbanisées actuelles” ; que, dans ces conditions, M. A...F. ..doit être regardé comme ayant été personnellement intéressé au classement en zone urbaine et constructible de la parcelle de son père et, nonobstant la circonstance qu’il n’a pas participé au vote de la délibération litigieuse contrairement à ce qui avait été le cas lors de la première délibération du 24 août 2005, en mesure d’exercer une influence effective sur le contenu de cette délibération par le biais de sa participation aux travaux de la commission d’élaboration du plan local d’urbanisme ;

4. Considérant que la participation de l’élu intéressé n’entraîne l’illégalité de la délibération du 21 janvier 2010, eu égard aux circonstances de l’espèce et au caractère divisible de la disposition illégale adoptée, qu’en tant qu’elle est relative au classement en zone urbaine de la parcelle mentionnée au point 3 ci-dessus ; que, par suite, la commune requérante est fondée à soutenir qu’en annulant totalement, au motif de la participation d’élus intéressés, la délibération litigieuse approuvant le plan local d’urbanisme, les premiers juges ont commis une erreur dans l’exercice de leurs pouvoirs, de nature à entacher la régularité de leur jugement ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D… ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Heiteren en première instance :

6. Considérant que la seule circonstance que M. D… s’est borné à renvoyer le tribunal à des pièces produites lors d’une précédente instance sans les joindre à sa demande de première instance n’est pas en soi de nature à rendre cette demande irrecevable ; que la fin de non recevoir opposée par la commune pour ce motif doit ainsi être écartée ;

Sur la légalité de la délibération en date du 21 janvier 2010 portant approbation du plan local d’urbanisme de Heiteren  :

7. Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 3 ci-dessus, la délibération litigieuse a été adoptée en méconnaissance des dispositions de l’article L 2541-17 du code général des collectivités territoriales ; que cette irrégularité est susceptible d’entraîner l’annulation partielle de cette délibération, en tant qu’elle classe en zone urbaine la parcelle appartenant au père de M. F… ;

8. Considérant, en second lieu, que M. D…fait valoir pour la première fois en appel des moyens tenant à l’irrégularité de l’enquête publique ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article L 123-10 du code de l’urbanisme dans sa version alors applicable : "Le projet de plan local d’urbanisme est soumis à enquête publique par le maire. Le dossier soumis à l’enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. / Après l’enquête publique, le plan local d’urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération du conseil municipal. / Le plan local d’urbanisme approuvé est tenu à la disposition du public" ;

10. Considérant que la méconnaissance des dispositions régissant la composition du dossier d’enquête publique n’est de nature à vicier la procédure et à entacher d’illégalité la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête, et par suite sur la décision de l’autorité administrative :

11. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et des termes de la délibération litigieuse que les personnes publiques associées à l’élaboration du plan local d’urbanisme de Heiteren ont exprimé des avis circonstanciés sur le projet qui leur avait été soumis, pris dans sa globalité ou dans certaines de ses dispositions, avis dont le conseil municipal a entendu tenir compte, à l’instar des résultats de l’enquête publique, dans le cadre des modifications apportées au projet et adoptées par la délibération en date du 21 janvier 2010 ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier ni des explications de la commune que les avis des personnes publiques associées auraient été joints au dossier d’enquête publique, le commissaire enquêteur n’y faisant d’ailleurs aucune référence ni dans la liste des documents joints au dossier ni dans ses conclusions ; qu’ainsi la procédure d’élaboration du document d’urbanisme litigieux est entachée d’une irrégularité au regard des dispositions précitées de l’article L 123-10 précité ; que cette irrégularité, qui a eu pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération, est de nature, alors même que les dix-sept observations recueillies par le commissaire enquêteur ne feraient part que de préoccupations concernant le classement des parcelles des intéressés, à entacher l’ensemble de la délibération litigieuse d’illégalité ;

12. Considérant que, pour l’application de l’article L 600-4-1 du code de l’urbanisme, en l’état du dossier soumis à la cour, aucun des autres moyens soulevés en première instance et en appel et tirés de la méconnaissance de la procédure d’élaboration du plan local d’urbanisme devant être suivie à la suite d’une première annulation contentieuse, la violation de l’autorité de la chose jugée, l’insuffisance du rapport de présentation, la violation des dispositions des articles L 112-3 du code rural et de la pêche maritime et R. 123-17 du code de l’urbanisme, de la violation de l’article 432-12 du code pénal, de la méconnaissance de la directive du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement et de l’insuffisance de motivation de l’avis du commissaire enquêteur n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la délibération contestée ;

13. Considérant qu’il résulte de ce tout ce qui précède que M. D…est fondé à demander l’annulation de la délibération en date du 21 janvier 2010 par laquelle le conseil municipal de Heiteren a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune ;

Sur l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D…qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Heiteren demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

15. Considérant, que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Heiteren une somme de 1 000 euros à verser à M. D…au titre des frais de procédure qu’il a exposés tant en première instance qu’en appel ;

Décide :

Article 1er : Le jugement n° 1000890 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 18 juillet 2013 et la délibération en date du 21 janvier 2010 portant approbation du plan local d’urbanisme de la commune de Heiteren sont annulés.

Article 2 : La commune de Heiteren versera une somme de 1 000 euros à M. D…au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Heiteren et de M. D…est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Heiteren et à M.D. la supposer établie, la participation d’élus intéressés à la délibération ne pouvait en outre entraîner qu’une annulation partielle et non une annulation totale de celle-ci »

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