LORSQU’UN COUPLE SE SEPARE, QU’ADVIENT-IL DE SON ANIMAL ?
Lors d’une séparation, il est fréquent que le couple s’interroge sur la résidence habituelle de ses enfants, fixe un droit de visite et d’hébergement ou une garde alternée.
En cas de désaccord, le juge prend en compte d’abord et avant tout l’intérêt des enfants.
Mais que se passe- t-il lorsque c’est l’animal qui est au centre du conflit ? Lorsque chacun veut le garder auprès de soi ? La question de la résidence de celui-ci se pose-t-elle de la même manière que pour les enfants ? Les tribunaux peuvent-ils résoudre cette difficulté ?
L’animal est considéré comme un bien meuble, c’est-à-dire une chose, selon l’article 528 du Code Civil.
Pourtant, il n’est pas discutable qu’il est une matière vivante, sensible, souvent doué d’intelligence et aimé. Néanmoins, il ne peut être considéré comme une personne, et ne saurait bien évidemment être assimilé à un enfant, sauf à succomber à une dérive anthropomorphique.
L’animal n’est donc ni une personne ni une chose. Il n’est pas un bien comme un autre.
L’intégration éventuelle de l’animal en tant que tel dans le Code Civil est à l’ordre du jour, mais on ne connaît pas encore le contenu du projet de loi encore en discussion au moment de la rédaction de cet article.
La question du devenir de l’animal en cas de séparation et/ou de divorce se pose avec de plus en plus d’acuité et est fréquemment discuté devant les tribunaux.
1) L’attribution provisoire par le juge conciliateur
Lorsqu’un Juge aux Affaires Familiales est saisi d’une requête en divorce, il a la possibilité, en tant que juge conciliateur (c’est-à-dire juge prononçant une ordonnance de non-conciliation préalable au divorce) de se prononcer sur le sort de l’animal.
C’est l’article 255 du Code Civil qui lui permet de le faire, en ordonnant la jouissance « du mobilier du ménage », dont fait partie l’animal.
Le juge peut réserver la jouissance de ce dernier à l’un des époux seulement, ou la partager en deux en fixant un aménagement particulier, qui ne doit toutefois pas être confondu avec l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement, réservé à l’enfant.
Lorsque le couple a un ou plusieurs enfants, le juge peut considérer (ou pas) qu’il est de l’intérêt de ceux-ci d’avoir l’animal à leur côté.
La Cour d’appel de Rennes a, par exemple, dans un arrêt du 21 mai 1981, considéré que devait être « confirmé une ordonnance de non-conciliation ayant confié la garde de l’enfant de 19 mois à l’épouse, et attribué la garde du chien à l’époux. En effet, si un chien, comme le soutient l’épouse, est le compagnon de jeu favori de l’enfant, il n’est pas souhaitable pour des raisons d’hygiène de laisser un bébé au contact d’un animal qui souffre d’abord lui-même de l’inconscience et de la violence d’un enfant en bas âge ».
Lorsque le couple n’a pas d’enfant, certaines décisions ont pris en considération « l’offre des meilleures conditions de vie de l’animal ». Ainsi la Cour d’Appel de Versailles (13 janvier 2011) a attribué au mari la jouissance du chien, parce que « les conditions actuelle de vie [du mari], qui habite une maison qui dispose d’un jardin, sont davantage conformes aux besoins de l’animal ».
Celui qui aura réclamé et obtenu la jouissance de l’animal assumera logiquement ses frais d’entretien, sans droit à récompense.
2) L’attribution définitive par le juge liquidateur
L’animal relève de l’indivision (concubinage, partenariat, époux séparés de biens) ou de la communauté (époux communs en biens).
Lorsque l’animal appartient à son maître avant l’union, la solution est simple : il constitue un bien propre et vivra pour l’avenir auprès de son maître.
Lorsque le couple est déjà formé et en séparation de biens : le chien appartient à celui qui a payé la facture et qui peut le prouver.
Lorsque cette preuve est impossible à apporter ou que les époux n’ont pas conclu de contrat de mariage avant leur union, il appartient au juge liquidateur de se prononcer définitivement sur le sort de l’animal et son attribution à l’un ou l’autre des époux, dans le cadre de la liquidation des biens de la communauté.
Dans ce cas, il peut être possible de plaider que l’animal forme un bien propre par nature au sens de l’article 1404 du Code Civil, quand bien même il aurait été acquis pendant le mariage, car il a « un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne ».
Il n’est pas certain que le tribunal suive toutefois ce raisonnement juridique.
La question des critères d’attribution reste en suspens, car le droit français et notamment celui des règles relatives à l’indivision, qui ne prend pas en compte la sensibilité de l’animal et sa spécificité, n’est pas adapté.
Certains auteurs proposent de faire prévaloir les sentiments sur le droit en développant les critères relatifs aux liens d’affections.
D’autres proposent de se fonder sur le critère plus tangible de l’aptitude à s’occuper de l’animal et à lui offrir les meilleures conditions de vie.
En d’autres termes, avant d’acquérir un animal de compagnie, il ne faut pas hésiter à décider de son sort en amont, c’est-à-dire à écrire noir sur blanc, qui en aura la jouissance et l’attribution en cas de séparation !