En l'espèce, la nullité s'expliquait par de nombreuses ratures et surcharges.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen et le second moyens réunis ci-après annexés :
Attendu que la cour d'appel ayant exactement retenu que la nullité des mentions litigieuses n'entraînaient pas la nullité de l'acte en son entier et souverainement constaté que la commune intention des parties à l'acte consistait à instaurer une servitude perpétuelle de vue consentie par M. X... sur son fonds au profit du fonds des époux Y..., sans préjuger des modalités d'exercice de celle-ci, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et des époux Y... ; condamne M. X... à verser à M. Z... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille douze.MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR, par infirmation partielle du jugement, dit que l'acte du 19 novembre 1988 est valide ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 13 du décret du 26 novembre 1971, les mots et les chiffres surchargés, interlignés ou ajoutés sont nuls ; que l'acte authentique du 19 novembre 1988 comporte de nombreuses ratures et surcharges irrégulières et notamment les mots « deux », fenêtres », « distant seulement de », « volet », « de leur donner », sans compter les innombrables fautes de frappe ; qu'il convient donc, en application de l'article 13 du décret du 26 novembre 1971, de prononcer la nullité de ces mentions ; que, pour autant, la nullité de ces mentions n'entraîne pas la nullité de l'acte en son entier qui emporte concession de servitude et qui, sur ces mentions là, est parfaitement régulier, a été signé du notaire et des parties, a été régulièrement délivré à M. X... ainsi qu'il résulte de son bordereau des pièces annexées à l'assignation du 23 novembre 2001 (il vise cet acte en pièce 44), et qu'il n'a pas contesté pendant douze ans ; que l'acte authentique du 19 novembre 1988 est valide, qu'il emporte concession de servitude perpétuelle par M. X... aux époux Y... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la nullité des mentions substantielles d'un acte entraîne la nullité de cet acte en son entier ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les mentions annulées par application de l'article 13 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 définissaient la portée de la servitude de vue prétendument consentie (arrêt, p.5 alinéa 4), en sorte qu'elles présentaient un caractère substantiel et que leur annulation ne pouvait rien laisser subsister d'une telle servitude ; qu'en refusant d'annuler l'acte tout entier et en déclarant au contraire l'acte valide en certaines dispositions qui auraient été constitutives d'une servitude de vue purement abstraite et indéterminée, la Cour d'appel a violé le texte précité par refus d'application ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la servitude de vue, apparente et continue, s'acquiert par titre ou par la possession de trente ans ; que, dans le premier cas, le titre qui lui donne naissance est une convention qui en définit de façon nécessaire la portée selon la volonté commune des parties et que le juge a l'interdiction de suppléer cette volonté par un quelconque artifice ; qu'en l'espèce, en retenant que l'acte authentique du 19 novembre 1988 avait pu constituer un titre constitutif de servitude de vue pour M. et Mme Y..., nonobstant l'annulation des mentions qui précisaient de façon nécessaire la portée de cette servitude apparente et continue, la Cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 690 et 1134 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la nullité d'une clause en délie pleinement la partie concernée ; qu'en l'espèce, la nullité des seules clauses entachées de surcharges et de leurs ajouts interdisait à la Cour d'appel de leur faire produire effet ; qu'en déclarant M. X... débiteur d'une servitude de vue à l'égard de M. et Mme Y..., la Cour d'appel a nécessairement fait produire effet aux clauses entachées de surcharges et d'ajouts définissant cette servitude, après les avoir déclaré nulles ; qu'elle n'a ainsi pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 13 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR ordonné la réouverture des débats afin de recevoir les observations des parties sur le moyen de droit, soulevé d'office par la Cour, de la prescription acquisitive abrégée dont pourrait bénéficier le mode d'exercice de la servitude de vue concédée par M. X... à M. et Mme Y... ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des constatations faites ci-dessus que M. et Mme Y... ont exercé la servitude de vue sur le terrain de M. X... pendant douze ans (les travaux de percement des vues ont été effectués en 1988 et en 1989 et l'assignation a été délivrée le 23 novembre 2001) ; qu'ils sont donc susceptibles d'avoir prescrit les modalités d'exercice de la servitude de vue en application de l'article 2272 du Code civil ;
ALORS QU'une servitude de vue, apparente et continue, s'acquiert soit par titre, soit par la possession de trente ans ; que, lorsque la servitude résulte de la possession, celle-ci doit avoir duré trente ans, à l'exclusion de toute durée plus courte, pour valoir usucapion ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a instauré un débat inutile et vain par suite d'une erreur de droit et a par là même violé par refus d'application l'article 690 du Code civil.