Cass. 3e civ. 13 novembre 2014 n°13-24.027 (n° 1332 FS-PBR), R. c/ Z.
Quand bien même, à la suite d’un contrat de vente, le terrain acheté anciennement partiellement inconstructible le devient complètement à la suite d’une décision administrative, le contrat de vente ne peut être annulé.
« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 11 juin 2013), que le 9 février 2006, M. et Mme R. ont acheté à Mme Z. un terrain pour construire ; que selon le certificat d’urbanisme du 22 novembre 2005, seule une partie du terrain était constructible, le reste de la parcelle se trouvant en zone inondable ; que le 1er août 2007, l’autorité administrative a refusé l’autorisation de construire sur le terrain au motif qu’il avait été classé dans sa totalité en zone inconstructible dans le cadre du plan de prévention des risques naturels d’inondation du 20 avril 2006 ; que M. et Mme R. ont assigné Mme Z. en annulation de la vente et en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme R. font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’annulation de la vente fondée sur l’erreur, alors, selon le moyen :
1°/ que si, en vertu de l’arrêté préfectoral du 20 avril 2006, le terrain a été classé comme inconstructible à raison de sa submersibilité, l’arrêté préfectoral n’a fait que constater, après enquête, une exposition du terrain au risque d’inondation préexistante à l’arrêté dès lors qu’il est constant que les caractéristiques du terrain n’ont pas été modifiées ; qu’en s’abstenant de rechercher si, indépendamment de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 20 avril 2006, la vente n’a pas été le siège d’une erreur, dans la mesure où le terrain, à raison de sa submersibilité, ne pouvait être raisonnablement affecté à l’édification d’une construction, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1110 du code civil ;
2°/ que la circonstance qu’une enquête était en cours, en vue de définir les zones submersibles et d’arrêter les surfaces inconstructibles, ne pouvait à elle seule révéler une erreur inexcusable de la part de M. et Mme R., dès lors que ceux ci pouvaient légitimement considérer qu’à supposer que le terrain soit concerné par l’arrêté à venir, il ne le serait, la propriétaire actuelle mettant le terrain en vente comme terrain à bâtir, que pour partie ; qu’en retenant, dans ces circonstances, une erreur inexcusable, s’agissant de personnes non averties et non professionnelles, les juges du fond ont violé l’article 1110 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que M. et Mme R. ne pouvaient ignorer l’enquête publique ordonnée dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques naturels d’inondation et avaient accepté d’acquérir en toute connaissance de cause un terrain partiellement inondable, donc partiellement inconstructible et exactement retenu qu’ils ne pouvaient invoquer une décision administrative postérieure à la vente classant le terrain intégralement en zone inconstructible pour justifier leur demande d’annulation du contrat pour erreur sur la substance, l’extension de l’inconstructibilité à toute la surface du terrain et le refus de délivrance du permis de construire n’étant pas inéluctables au jour de la vente, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. et Mme R. font grief à l’arrêt de rejeter leur demande tendant à la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors, selon le moyen, que le dispositif de l’arrêt « confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 juin 2011 par le tribunal de grande instance d’Angers », doit être compris, à la lumière des motifs, comme exprimant la volonté des juges du second degré de confirmer la décision des premiers juges en tant que cette décision avait elle rejeté les demandes fondées sur la garantie des vices cachés ; que toutefois, il résulte des énonciations du jugement que les premiers juges n’ont statué que sur une demande en résolution fondée sur l’article L 125-5 du code de l’environnement et sur une demande en rescision pour lésion fondée sur l’article 1674 du code civil ; que confirmant le dispositif d’un jugement en se plaçant sur la garantie des vices cachés, quand le jugement ne s’était pas prononcé sur une demande fondée sur la garantie des vices cachés, l’arrêt a violé l’article 455 du code de procédure civile en tant que ce texte régit le dispositif des décisions de justice ;
Mais attendu que l’arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement dont le dispositif se borne à débouter M. et Mme R. de l’ensemble de leurs demandes ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme R. font grief à l’arrêt de rejeter leur demande tendant à la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors, selon le moyen :
1°/ qu’à défaut d’avoir recherché, avant de statuer si – quand bien même à la date de référence l’arrêté rendant le terrain inconstructible ne serait pas intervenu – le terrain, eu égard à ses caractéristiques physiques, ne devaient pas être considéré comme raisonnablement inconstructible, du fait même de sa submersibilité, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1641 du code civil ;
2°/ que si même une enquête était prescrite et à supposer même que M. et Mme R. en aient eu connaissance, de toute façon il n’a pas été constaté qu’ils savaient que les caractéristiques du terrain, à l’origine de la submersibilité, le rendaient raisonnablement inconstructible, l’existence de l’enquête n’étant pas de nature à établir cette connaissance ; qu’à cet égard, l’arrêt doit être considéré comme rendu en violation de l’article 1641 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant constaté qu’au jour de la vente, le terrain était partiellement constructible et que la totalité de la parcelle n’avait été classée en zone inconstructible inondable que par arrêté préfectoral du 20 avril 2006, la cour d’appel a pu en déduire que les acquéreurs ne rapportaient pas la preuve qui leur incombe d’un vice d’inconstructibilité antérieur à la vente ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi ;
Condamne M. et Mme R. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme R. à payer la somme de 3 000 euros à Mme Z. ; rejette la demande de M. et Mme R. ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze. »