Cass. 3e civ. 13 novembre 2014 n° 13-18.937 (n° 1325 FS-PB), T. c/ T.
Dès lors que le contrat de construction d’une maison individuelle ne mentionne pas de travaux à la charge du maître d’ouvrage, celui-ci ne peut être amené à supporter les coûts de certains travaux, quand bien même il aurait signé une attestation sur l’honneur selon laquelle ces travaux étaient exclus du contrat de construction.
« Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 14 mars 2013 et 4 juillet 2013), que, le 5 novembre 2003, M. T. et M. T. ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, sans mention de travaux à la charge du maître de l’ouvrage ; qu’alléguant diverses malfaçons et désordres, M. T. a, après expertise, assigné M. T. en exécution sous astreinte des travaux de reprise définis par l’expert chargé d’une mission de bonne fin et indemnisation de divers préjudices ; qu’à la suite du décès de M. T., ses héritières, Mmes J., D. et A. T. (les consorts T.) ont été appelées dans la cause ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° C 13-18.937 :
Vu l’article L 231-2 du code de la construction et de l’habitation ;
Attendu que pour dire que le coût de la couverture en chaume est exclu du prix convenu de 309 000 euros mentionné au contrat, l’arrêt retient que, si l’article L 231-2 du code de la construction et de l’habitation qui prévoit l’indication dans le contrat du coût des travaux restant à la charge du maître de l’ouvrage constitue une disposition d’ordre public dont la méconnaissance est susceptible de justifier l’annulation de la convention, cette règle, mesure de protection édictée dans l’intérêt du maître de l’ouvrage ne déroge pas à l’obligation de bonne foi qui doit présider à la conclusion et l’exécution des conventions et ne saurait priver le constructeur de la possibilité de rapporter la preuve de l’accord du maître de l’ouvrage pour conserver des travaux à sa charge et en assurer l’exécution et qu’était produite aux débats une attestation sur l’honneur, dont la signature par M. T. n’était pas discutée, indiquant que le lot couverture ne faisait pas partie du contrat de construction et que l’ensemble des éléments produits suffit à établir que M. T. s’était réservé l’exécution des travaux de couverture en chaume, prestation dont il a traité le coût et l’exécution avec l’entrepreneur de son choix, en dehors de toute intervention de M. T., de sorte qu’il ne peut prétendre qu’elle était comprise dans le prix de 309 000 euros, montant forfaitaire des travaux à la charge du constructeur ;
Qu’en statuant ainsi, tout en constatant que le contrat du 5 novembre 2003 énonçait un prix de 309 000 euros, sans mentionner de travaux à la charge du maître de l’ouvrage, tandis que la notice ne faisait pas état de travaux non compris dans le prix et alors que les travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution doivent être décrits et chiffrés et que les travaux nécessaires à l’habitation de l’immeuble, non prévus ou non chiffrés dans la notice descriptive et n’ayant pas fait l’objet d’une mention manuscrite par laquelle le maître de l’ouvrage accepte d’en supporter la charge, doivent être pris en charge par le constructeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° C 13-18.937 :
Vu l’article 1184 du code civil ;
Attendu que pour prononcer la résolution du contrat du 5 novembre 2003 aux torts exclusifs du constructeur et, en conséquence, débouter M. T. de sa demande au titre des pénalités de retard, le condamner à payer aux consorts T. la somme de 61 800 euros au titre de l’appel de fonds impayés et limiter à un montant de 160 191,46 euros la somme due par ces derniers, l’arrêt retient que le contrat en cause est un contrat instantané et non à exécution successive, que cette résolution, au regard des graves manquements du constructeur à ses obligations doit être prononcée à ses torts exclusifs et que la résolution pour exécution imparfaite entraîne son anéantissement rétroactif, ce qui implique la remise en état des parties dans leur situation antérieure, comme si le contrat n’avait pas existé ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat de construction de maison individuelle n’est pas un contrat instantané et tout en constatant que M. T. avait conservé la construction, pour en achever la réalisation avec d’autres constructeurs et que la situation devait être apurée entre les parties par équivalent, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° S 13-24.217 :
Vu l’ article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l’arrêt du 14 mars 2013 sur le deuxième moyen du pourvoi n° C 13-18.937 entraîne l’annulation par voie de conséquence des dispositions de l’arrêt du 4 juillet 2013 déboutant M. T. de sa demande en rectification d’erreur matérielle ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
Casse et annule, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 14 mars et 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvai²ent avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;
Condamne les consorts T. aux dépens des pourvois ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ; »