C'est ce qu'a précisé la Cour de Cassation dans un arrêt du 16 mars 2010
Une salariée, directrice d'une maison de retraite, s'était vu infliger un avertissement en raison de son comportement envers une candidate à un poste de remplacement. Près d'un mois après, l'employeur lui avait notifié son licenciement pour faute grave pour d'autres faits fautifs, non couverts par l'avertissement : il lui était reproché de s'être attribué indûment des augmentations de salaires, d'avoir tenu des propos mensongers afin de justifier lesdites augmentations, d'avoir menti sur la convention collective dont elle bénéficiait dans son précédent emploi afin d'obtenir une meilleure ancienneté, d'avoir fait du chantage auprès de la candidate au poste de remplacement afin qu'elle revienne sur ses déclarations et d'avoir instauré avec les partenaires traditionnels de l'employeur un climat particulièrement délétère.
Problème : l'employeur avait parfaitement connaissance de l'ensemble de ces autres faits lors du prononcé de l'avertissement. La cour d'appel en a déduit que, faute de démontrer un fait fautif nouveau survenu ou porté à sa connaissance après la notification de l'avertissement, l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire de sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation approuve cette décision. Elle rejette l'argument de l'employeur selon lequel la règle interdisant de sanctionner deux fois les mêmes faits fautifs implique une similarité des faits sanctionnés, ce qui n'était pas le cas, en l'espèce, puisque l'avertissement et le licenciement avaient été prononcés pour des faits distincts. Pour la Cour suprême, l'employeur informé d'un ensemble de faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier un avertissement pour certains d'entre eux seulement, épuise son pouvoir disciplinaire pour l'ensemble de ces faits. Il ne peut donc s'appuyer sur les faits non sanctionnés pour prononcer ensuite un licenciement.
La portée pratique de cette solution est évidente : elle impose à l'employeur, lorsqu'il a connaissance dans un même temps de plusieurs faits fautifs commis par un salarié, de bien réfléchir à la sanction qu'il entend prendre à l'égard de l'intéressé. Il dispose, rappelons le, de deux mois à compter du jour où il a eu la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié pour engager la procédure disciplinaire (Cass. soc. 17 février 1993 : RJS 4/93 n° 394, Bull. civ. V n° 55). Il ne doit pas agir avec précipitation. Il doit au contraire prendre le temps de décider, dans ce délai, de la sanction la mieux adaptée au comportement global du salarié. Le prononcé de plusieurs sanctions en fonction du degré de gravité des différents faits fautifs dont il a connaissance est clairement exclu.
Comme la cour d'appel l'a relevé dans cette affaire, l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur s'explique par l'absence de faits nouveaux entre la date de notification de l'avertissement et celle du licenciement.
L'arrêt du 16 mars 2010 ne remet toutefois pas en cause le droit pour l'employeur de prendre en compte des faits déjà sanctionnés, à l'appui d'une nouvelle sanction, en cas de persistance du comportement fautif du salarié (voir, notamment, Cass. soc. 30 septembre 2004 : RJS 1/05 n° 37, Bull. civ. V n° 243) ou de faits nouveaux de même nature (Cass. soc. 9 mars 1999 : RJS 4/99 n° 509).
La solution suppose en outre la parfaite connaissance par l'employeur de l'ensemble des faits fautifs à la date de notification de l'avertissement. Si certains de ces faits ne lui avaient été révélés que postérieurement ils auraient pu, le cas échéant, être pris en compte à l'appui d'un licenciement.