Depuis quelques années, la jurisprudence et la législation se sont développées en faveur de la partie faible afin de lui offrir une meilleure protection.
Cette tendance se manifeste tout particulièrement dans le contrat de vente qui met en rapport deux parties, l’une qui s’oblige à délivrer une chose et l’autre à payer le prix.
Le créancier de l'obligation de payer (l’acquéreur) étant souvent la partie faible dans le contrat de vente, de nombreuses règles se sont développées ces dernières années afin de mieux assurer sa protection et lui permettre de faire valoir son droit.
A cet effet, le législateur lui offre différentes possibilités de recours, selon qu'il désire toujours recevoir le bien, ou se faire rembourser ses frais, voire éventuellement se faire dédommager le préjudice subi en engageant la responsabilité contractuelle du vendeur.
Ainsi, lorsque le vendeur manque à une de ses obligations et que l'acquéreur en subit un préjudice, il pourra bénéficier de nombreuses actions offertes soit par le droit général des obligations ou le droit propre à la vente afin d’obtenir satisfaction.
Chaque action correspond à un moment déterminé de la vie du contrat (formation pour ce qui est des vices du consentement, exécution pour ce qui concerne la responsabilité contractuelle ou les différentes garanties issues de la vente).
Nous envisagerons ci-après :
- Les actions fondées sur le droit commun de la vente (I),
- Les actions fondées sur un droit spécial (II)
I. LES ACTIONS FONDEES SUR LE DROIT COMMUN DE LA VENTE
Les recours de l’acquéreur contre le vendeur correspondent, nous l’avons dit, à un moment déterminé du contrat. Ainsi, certains sont ouverts au moment de la formation du contrat (A), d’autres lors de l’exécution de la prestation (B) et parfois même après l’exécution de celle-ci (C).
A- Les actions de l’acquéreur insatisfait lors de la formation du contrat
Au moment de la formation du contrat, l'acquéreur d'un bien bénéficie de certains mécanismes de protection qui visent soit à s'assurer qu'il s'engage en connaissance de cause (1) soit de s'assurer de l'existence même de son consentement (2).
1. Les mécanismes assurant un consentement éclairé : l’obligation d’information
L’obligation d’information est celle qui impose au vendeur de communiquer à l’acheteur toutes les informations pertinentes qui lui permettront de consentir en connaissance de cause. Elle permet en effet à l’acheteur de déterminer si le bien est adapté ou non à ses besoins et à la finalité à laquelle il le destine.
En d'autres termes, le vendeur est tenu, nous dit le code civil, d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Dès lors, tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre lui (article 1602 du code civil).
Cette obligation d’information à la charge du vendeur oscille, selon les situations, entre :
- obligation de renseignement,
- devoir de mise en garde,
- devoir de conseil.
La charge de la preuve incombe au débieur. Ainsi, il appartient au vendeur d’établir, par tout moyen, la preuve de ce qu’il a rempli son obligation d’information.
Le manquement à l’obligation d’information est sanctionné selon les règles de la responsabilité contractuelle et permet à l’acheteur de demander soit :
- une condamnation à des dommages-intérêts,
- la résolution de la vente à la condition que la défaillance du débiteur de l'obligation d'information soit constitutive d'un dol.
Il faut noter en outre que depuis la loi Hamon du 17 mars 2014, le manquement à une obligation d’information peut désormais donner lieu à une sanction administrative dont le montant peut aller jusqu’à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale (article L. 111-6 du code de la consommation).
Le délai pour agir est de cinq ans à compter du jour où l'acquéreur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir contre le débiteur de l'obligation d'information (article 2224 du code civil).
2. Les mécanismes assurant l’existence du consentement
a. Les vices du consentement :
Aux termes de l’article 1109 du code civil : « Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».
Cette disposition offre ainsi la possibilité à tout acquéreur, dont le consentement a été vicié, d’obtenir la nullité du contrat pour erreur, dol ou violence.
Erreur (Article 1110 du code civil)
L’erreur est une représentation inexacte de la réalité que le droit accepte de considérer comme une cause de nullité du contrat dans des cas limitativement définis.
Il s’agit principalement de :
- L’erreur-obstacle : c’est-à-dire l’erreur portant sur la nature ou sur l’objet du contrat,
- L’erreur sur la substance : c’est lorsque l’erreur porte sur la matière dont la chose est faite ou l’erreur sur les qualités substantielles qui ont déterminé le consentement du contractant,
- L’erreur sur la personne : est visée l’erreur sur l’identité physique ou civile ou l’erreur sur les qualités substantielles du contractant.
Cependant, pour entrainer la nullité du contrat :
- L’erreur doit être déterminante, c’est-à-dire sans elle, la victime de l’erreur (que l’on appelle aussi l’errans) n’aurait pas conclu le contrat,
- L’erreur doit être excusable, c’est-à-dire commise par un contractant qui n’avait pas les moyens de la dissiper.
Dol (Article 1116 du code civil)
Le dol est une manœuvre frauduleuse visant à tromper une personne dans le but d'obtenir son consentement, de sorte que sans cette manœuvre, la personne n'aurait pas contracté ou l’aurait fait à des conditions différentes.
Le dol suppose donc une erreur provoquée, c’est-à-dire induite par le comportement de l’auteur du dol, d’où la volonté du législateur de sanctionner ce comportement. Il peut provenir du contractant lui-même ou de son représentant (un mandataire).
Concrètement, le dol peut être constitué par :
- un ou plusieurs manœuvres,
- un simple mensonge,
- une réticence, c’est-à-dire le fait de garder le silence sur une information décisive.
Pour que la nullité soit retenue, le dol doit être déterminant, c’est-à-dire qu’il ait provoqué une erreur sans laquelle la victime n’aurait pas contracté. On parle alors de dol principal.
Le dol peut aussi être incident, c’est-à-dire avoir à provoquer une erreur en l’absence de laquelle la victime aurait néanmoins accepté de conclure mais à des conditions différentes, notamment en ce qui concerne le prix.
Violence (article 1111 du code civil)
La violence est l’emploi d’un moyen de contrainte de nature à inspirer une crainte telle que la victime est forcée de donner son consentement.
Pour que la violence soit retenue comme vice du consentement, trois conditions sont nécessaires :
- il faut démontrer l’existence d’une contrainte,
- établir que celle-ci à été abusive,
- et enfin déterminante.
b. Régime applicable aux vices du consentement:
Ces trois vices du consentement ont ceci de commun qu’ils peuvent entrainer la nullité des contrats.
Toutefois, le cocontractant dont le consentement a été vicié peut demander, en plus de la nullité du contrat, le paiement de dommages-intérêts.
En tout état de cause, la preuve est à la charge de la personne qui prétend que son consentement a été vicié. Elle peut être rapportée par tout moyen.
Le délai pour agir est de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article 2224 du code civil).
B. Les actions de l’acquéreur insatisfait au moment de l’exécution du contrat :
1. La caducité :
Lorsque l’un des éléments essentiels ou nécessaires à l’exécution d'un contrat vient à disparaître postérieurement à sa conclusion, la caducité s’impose comme la conséquence logique de cette disparition.
En effet, la caducité est la sanction de la disparition d'un élément essentiel ou nécessaire à l'exécution d'un contrat, élément qui existait lors de la formation de celui-ci mais qui vient à disparaître postérieurement.
Concrètement, la caducité peut découler soit de la :
- disparition matérielle de la chose objet de la prestation,
- disparition ou impossibilité de la cause,
- défaillance d'une condition suspensive.
Elle peut découler également de l’impossibilité de faire apparaître la chose objet de la prestation. C’est le cas lorsque la chose future objet du contrat ne vient pas à apparaître.
Par exemple :
- la récolte vendue sur pied est détruite avant son terme,
- les marchandises vendues ne sont pas fabriquées pour une raison étrangère au vendeur,
- le prêt nécessaire à l’acquisition d’un bien immobilier est refusé par le prêteur,
- le logement en l'état futur d'achèvement n’est pas finalement construit,
Condition
Pour entrainer la caducité de l’acte juridique et non sa résolution ou sa résiliation, la disparition de l’élément essentiel à l’exécution ne doit pas être la conséquence d’une faute.
La disparition d’un élément essentiel à l’exécution du contrat doit en outre être totale et définitive pour provoquer la caducité de l’acte.
En principe, seuls les corps certains (choses insusceptibles d'être remplacées par d'autres) sont susceptibles de disparaître matériellement.
La disparition d’une chose de genre (bien fongible ou interchangeable) reste exceptionnelle puisqu’il est, en principe, possible de se procurer une chose équivalente sur le marché.
Régime
La caducité est :
- automatique
Elle s’applique hors toute intervention judiciaire même si le juge peut parfois être amené à la constater. Dans cette hypothèse, la caducité est effective dès la survenance du fait générateur de la caducité et non à partir de l’éventuelle décision judiciaire la constatant. L’acte juridique caduc devient inefficace immédiatement et ne peut plus produire aucun effet juridique.
- non-rétroactive
La caducité n’est pas rétroactive, c’est-à-dire qu’elle ne remet pas en cause les effets antérieurs produits par l’acte juridique. Elle provoque la disparition immédiate de l’acte juridique mais pour l’avenir seulement.
2. L’obligation de délivrance conforme :
L’obligation de délivrance conforme est définie à l’article 1604 du Code civil qui dispose « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ».
Elle renvoie, en premier lieu, à l’idée de transmission de la maîtrise essentiellement matérielle de la chose. L’acheteur doit en effet être mis en mesure de prendre possession du bien.
L’obligation de délivrance s’entend, en second lieu, de la délivrance d’une chose conforme aux prévisions contractuelles. Ainsi, toute différence entre la chose livrée et la chose convenue, même minime, constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme du vendeur.
Le défaut de conformité s’apprécie, sauf stipulation contraire, au jour de la délivrance.
Quant à la preuve, elle est rapportée en deux temps :
- avant le paiement du prix, il incombe au vendeur d’apporter la preuve de la délivrance (article 1315, alinéa 2 du code civil) ;
- une fois la délivrance établie ou accomplie, il revient à l’acheteur de prouver un défaut de conformité.
En cas de non-délivrance ou de mauvaise exécution plusieurs recours s'offrent à l’acheteur :
- l’exécution forcée de la délivrance,
- la résolution de la vente,
- la condamnation à des dommages-intérêts.
L’acquéreur a cinq ans à compter du jour de la délivrance pour agir contre le vendeur (article 2224 du code civil).
C. Les actions de l’acquéreur insatisfait après l’exécution du contrat
-
La garantie légale des vices cachés :
La garantie légale des vices cachés ou garantie des vices cachés est une protection contre les défauts d’un produit acheté et qui le rendent impropre à l’usage auquel l’acheteur le destinait.
Elle s’applique à tous les biens qu’ils soient corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, neufs ou d’occasion.
Elle s’applicable également quel que soit le vendeur (professionnel ou profane), quelle que soit la forme du contrat (écrite ou verbale), et même à défaut du paiement par l'acheteur de la totalité du prix.
La garantie des vices cachés est néanmoins exclue dans certaines hypothèses, à savoir :
- dans le cadre des ventes faites par autorité de justice,
- dans les hypothèses de ventes aléatoires,
- en cas de vente d’immeuble à construire,
- en cas de vente d’animaux domestiques.
En tout état de cause, pour bénéficier de la garantie des vices cachés, le vice doit être :
- d’une certaine gravité
- caché, c’est-à-dire non apparent
- antérieur à la vente
En application des règles de droit commun, il appartient à l’acheteur d’apporter la preuve de l’existence du vice, de sa gravité et de son antériorité.
En revanche, il incombe au vendeur de prouver le caractère apparent du vice ou de la connaissance qu’en avait l’acheteur.
En cas de vice caché, la loi offre à l’acquéreur le libre choix entre :
- Résolution de la vente ou action rédhibitoire
- Action en diminution du prix ou action estimatoire
- Condamnation à des dommages-intérêts
L’acquéreur a deux ans à compter de la découverte du vice pour intenter l’action en garantie des vices cachés (article 1648 du code civil).
2. La garantie d’éviction
La garantie d’éviction protège l’acheteur contre les troubles, provenant du vendeur ou de tiers, qui seraient de nature à entraver sa possession paisible de la chose ou le bénéfice qu’il est en droit d’en attendre. Elle est due par tout cédant d’un droit de propriété, corporel ou incorporel.
Si l’auteur de l’éviction est un tiers, la garantie ne peut être invoquée que :
- si le droit du tiers est antérieur à la vente,
- si le droit du tiers, bien que né après la vente, trouve sa source dans un événement antérieur,
- si le droit du tiers est postérieur à la vente, mais procède du vendeur lui-même.
Pour solliciter le bénéfice de la garantie d’éviction, l’acquéreur doit être de bonne foi, c’est-à-dire qu’il doit avoir ignoré la menace d’éviction.
Le délai pour agir est de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Quant aux sanctions, elles varient selon l’ampleur de l’éviction.
Ainsi, en cas d’éviction totale, l’acquéreur peut demander soit :
- restitution du prix,
- remboursement des frais occasionnés à l’acheteur,
- paiement de dommages-intérêts,
En cas d’éviction partielle, il peut réclamer :
- résolution du contrat de vente,
- paiement de dommages-intérêts,
II. LES ACTIONS FONDEES SUR UN DROIT SPECIAL
-
La garantie légale de conformité : protection du consommateur
La garantie légale de conformité est une protection spécifique aux biens de consommation qui s’applique aux ventes d’objets mobiliers corporels entre un vendeur professionnel et un acheteur consommateur.
Elle concerne tous les biens meubles corporels présents ou futurs y compris l’eau et le gaz lorsqu’ils sont conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée à l’exclusion de l’électricité.
La garantie de conformité est toutefois exclue en cas de ventes faites par autorité de justice ou aux enchères publiques (article L. 211-2 du code de la consommation).
La garantie de conformité concerne les vices existants lors de la délivrance.
Elle joue dès lors que le bien n’est pas « conforme au contrat ».
Si les parties ont précisé les caractéristiques attendues de la chose, le défaut correspond à l’absence de ces caractéristiques ou à l’impropriété de la chose à cet usage.
Si les parties n’ont rien précisé, le bien est défectueux lorsqu’il ne présente pas « les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre ».
Pendant les six mois qui suivent la délivrance, la non-conformité est présumée exister au moment de la vente. Il incombe donc au vendeur d’apporter la preuve que la non-conformité n’existait pas au moment de la livraison.
Au-delà de six mois, la charge de la preuve de l’existence du défaut au jour de la vente appartient à l’acheteur.
Il convient de noter par ailleurs que la loi Hamon du 17 mars 2014 porte ce délai à 24 mois pour les biens neufs et 6 mois pour les biens d’occasion à partir du 17 mars 2016.
En cas de défaut de conformité, l’acheteur a le choix entre :
- la réparation ou le remplacement du bien,
- Restitution ou réduction du prix à titre exceptionnel,
- Condamnation à des dommages-intérêts.
Le délai pour agir est de deux ans à compter de la délivrance.
2. La responsabilité du fait des produits défectueux
La responsabilité du fait des produits défectueux est un régime de responsabilité de plein droit qui permet d’engager la responsabilité délictuelle d’un producteur du fait d'un défaut de sécurité de l'un de ses produits ou services.
Elle vise tous les produits notamment :
- les médicaments,
- les cosmétiques,
- les dispositifs médicaux,
- les vaccins,
Pour être indemnisée intégralement, la victime devra prouver trois choses :
- un dommage,
- un défaut du produit,
- un lien de causalité entre le dommage et le défaut du produit.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé que «la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens de l’article 1386-1 du code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, même si son utilisation a pu faciliter ou favoriser l’apparition de désordres » (Cass civ 1ère, 22 octobre 2009, pourvoi n° 08-15171)
Toutefois, pour faciliter la tâche de la victime, la Cour de cassation a assoupli sa jurisprudence en admettant, dans un premier temps, la preuve par exclusion, c’est-à-dire lorsqu’aucune autre cause que celle qui est avancée ne permet d’expliquer le dommage, puis a admis expressément que la preuve du caractère défectueux d’un produit pouvait résulter de simples présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes.
Quant au délai pour agir, la loi a posé deux délais :
- un délai de prescription : l’action se prescrit par trois ans à compter du moment où le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (article 1386-17 du code civil).
- un délai de forclusion : la responsabilité du producteur se trouve éteinte à l’issu d’un délai de dix ans après la mise en circulation du produit (article 1386-16 du code civil).
En cas de responsabilité du producteur, celui-ci sera condamné à des dommages-intérêts, afin d’assurer une réparation intégrale du dommage subi (article 1386-2 du code civil).
Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.
Yaya MENDY