L’action en responsabilité engagée par la société à l’encontre de son dirigeant est au nombre des actions dont connaissent les tribunaux de commerce, et donc arbitrable en vertu de l’article 721-3 du code de commerce et ce même si elle est exercée par les associés, c’est-à-dire ut singuli. (CA Paris, Pôle 1, ch. 1, 7 octobre 2014, n° 13/09282)
Pour mémoire, l’article L225-252 du code de commerce dispose :
« Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. »
Et aux termes de l’article L. 721-3 du code de commerce :
« Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. »
Dit autrement, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales mais les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre ces contestations à l’arbitrage.
Par définition, l’arbitrage est un mode alternatif de règlement des conflits par lequel deux ou plusieurs parties confient à un tiers appelé arbitre la mission de trancher le différend qui les oppose.
Ainsi définie, la convention d’arbitrage (clause compromissoire ou compromis d’arbitrage) a donc pour objet de soustraire un litige à la juridiction étatique normalement compétente pour le confier à un tiers. Se pose alors la question de l’arbitrabilité de certains litiges.
L’arbitrabilité est la question de savoir si tous les litiges peuvent être soustraits à la juridiction des Etats.
En droit interne, la réponse est non car certaines matières sont inarbitrables, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas faire l’objet d’un arbitrage. Elles sont donc réservées à la seule compétence du juge étatique.
En effet, l’article 2060, alinéa 1 du code civil dispose :
« On ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. »
La sanction de l’inarbitrabilité est double :
- La convention d’arbitrage sera annulée si elle porte sur une matière inarbitrable ;
- La sentence arbitrale rendue sur une matière inarbitrable pourra être annulée.
Toutefois, l’arbitrabilité a évolué depuis quelques années. En effet, il y’a de moins en moins de matières inarbitrables surtout en matière commerciale.
En général, la plupart des litiges portés à la connaissance des tribunaux de commerce peuvent faire l’objet d’un arbitrage.
En effet, conformément à l’article L. 721-3 du code de commerce, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations relatives aux sociétés commerciales.
En d’autres termes, les parties peuvent conclure une clause compromissoire sur des matières entrant dans la compétence des tribunaux de commerce.
C’est ce que rappelle la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 7 octobre 2014, dans une affaire opposant un actionnaire minoritaire d’une société anonyme à directoire et conseil de surveillance et le président du directoire de celle-ci.
En l’espèce, les statuts d’une société anonyme et le pacte d’actionnaires liant les parties comportaient une clause compromissoire qui soumet à la procédure d’arbitrage toutes contestations qui pourraient s’élever au cours de l’existence de la société ou à sa dissolution.
Un actionnaire minoritaire de la société commerciale avait fait savoir au président du directoire de la société de son intention d’engager à son encontre l’action sociale en responsabilité prévue à l’article L 225-252 du code de commerce.
Un tribunal arbitral ad hoc avait rendu une sentence partielle par laquelle il se déclarait compétent pour connaître du litige.
Le président du directoire forme alors un recours en annulation contre la sentence arbitrale en soutenant que l’action sociale en responsabilité exercée par les associés à l’encontre des dirigeants d’une société commerciale n’est pas arbitrable.
Cependant, sa demande est rejetée par les juges du fond qui estiment, par contre, que l’action en responsabilité engagée par la société à l’encontre de son dirigeant est au nombre des actions dont connaissent les tribunaux de commerce, et par conséquent arbitrable même si elle est exercée par les associés, c’est-à-dire ut singuli.
La solution n’est pas nouvelle car un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes a jugé auparavant que la clause compromissoire incluse dans les statuts et prévoyant le recours à un arbitrage en cas de différend entre associés et mandataires sociaux est applicable à la contestation de la politique générale de la société par un actionnaire. (CA Nîmes, 2e ch., 29 mai 1986, JurisData n° 1986-030125)
Dès lors, l’action sociale en responsabilité exercée par les associés d’une société commerciale contre les dirigeants peut faire l’objet d’une convention d’arbitrage.
Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.
Yaya MENDY