Le 15 janvier 2015, la Cour de cassation a jugé que le caractère disproportionné d’un cautionnement doit être apprécié au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution. (Cass civ I, 15 janvier 2015, pourvoi n° 13-23489)
Pour mémoire, l'article L 341-4 du Code de la consommation dispose :
«Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.»
Cette disposition issue de la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a pour but de temporiser les effets des engagements pris par la caution personne physique au profit d’un créancier professionnel (banque, établissement de crédit...)
En effet, étant donné qu'une personne qui s'est portée caution engage la totalité de ses biens et revenus et que si la personne ou l'entreprise pour la quelle elle s'est engagée n'exécute pas ses obligations elle peut perdre la totalité de ses biens et revenus et donc, se trouver en situation de surendettement, la loi a donc posé une exigence de proportionnalité pour limiter les conséquences du cautionnement dans le patrimoine de la caution.
Ainsi, la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution personne physique réside dans l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement.
Mais comment apprécier le caractère disproportionné d’un cautionnement au regard des biens et revenus de la caution ?
L’arrêt rendu le 15 janvier 2015 par la Cour de cassation nous apporte la réponse.
En l’espèce, le gérant d’une SARL s'est porté caution solidaire envers un établissement de crédit de plusieurs concours financiers consentis à la société dont il avait acquis la totalité des parts sociales, et dont il avait été préalablement le salarié depuis plusieurs années.
La société ne pouvant plus rembourser les prêts en question, l’établissement de crédit a alors assigné le gérant en paiement des sommes consentis en sa qualité de caution.
La caution invoquant les dispositions de l'article L 341-4 du Code de la consommation demande à ce que l’établissement de crédit soit déchu de son droit de se prévaloir des engagements de caution qu’elle a souscrits, en raison de leur caractère manifestement disproportionné.
Une Cour d’appel l’avait déboutée de sa demande en estimant, d’une part, que les différents engagements souscrits par la caution n’apparaissaient pas manifestement disproportionnés avec ses biens et revenus lors de leur conclusion et, d’autre part, le gérant en sa qualité de caution avertie ne pouvait pas invoquer le bénéfice des dispositions de l’article L 341-4 du Code de la consommation.
La caution s’est alors pourvue en cassation en soutenant:
- D’une part, que pour apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de la caution, au moment où celui-ci a été souscrit, le juge doit tenir compte de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant des engagements de caution antérieurs qui ont pu être consentis ;
- Et, d’autre part, toute caution personne physique, fut-elle avertie, est habile à se prévaloir de la disproportion de son engagement à l'égard du créancier professionnel ;
La Cour de cassation a finalement accueilli le pourvoi en jugeant:
«Qu’en statuant ainsi, alors que la disproportion doit être appréciée au regard de l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’engagements de caution, la cour d’appel a violé le texte susvisé»
Il ressort donc de cet arrêt de la Cour de cassation que :
- D’une part, l'article L. 341-4 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, s'applique à l'engagement de la personne physique qui s'est portée caution pour la société dont il est gérant;
- Et, d’autre part, le caractère disproportionné d’un cautionnement doit s’apprécier non pas au regard de la situation et du patrimoine de la caution tels que déclarés lors de la souscription de chacun des cautionnements mais plutôt au regard de l'endettement global de la caution.
Yaya MENDY