I. La protection de la caution contre la méconnaissance de son engagement
A- le formalisme informatif
Dans le but d’attirer l’attention de la caution sur l’importance et la portée de son engagement, le législateur a subordonné la validité du cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel à la rédaction de mentions manuscrites prédéterminées et impératives.
Ainsi, l’article L. 313-7 du code de la consommation dispose :
« La personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l'une des opérations relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :
"En me portant caution de X ..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X ... n'y satisfait pas lui-même." »
En cas de cautionnement solidaire, l’article L. 313-8 du code de la consommation dispose également :
« Lorsque le créancier demande un cautionnement solidaire pour l'une des opérations relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
"En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X ..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X ...". »
Ce formalisme informatif requis à peine de nullité reste cependant limité au cautionnement des crédits régis par le code de la consommation.
Toutefois, la loi du 1er aout 2003, élargi le champ d’application de la mention manuscrite à toutes les personnes physiques sans distinction selon que la caution est un professionnel ou un particulier ou bien selon que la caution est avertie ou profane.
Par conséquent, la caution dirigeante bénéficie de la protection du droit de la consommation.
Seuls échappent au formalisme de la mention manuscrite :
- les cautionnements souscrits par acte authentique,
- les cautionnements conclus par des personnes morales,
- ou les cautionnements conclus en faveur de créanciers non professionnels.
Quant à la notion de caution professionnel, la Cour de cassation a jugé que, « le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale » (Cass. civ 1ère, 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-15910).
Dès lors, la notion de créancier professionnel englobe à la fois :
- celui qui fait profession d’être créancier (exemple banque, établissement de crédit),
- mais aussi celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession (exemple commerçants, médecins, certains bailleurs professionnels…)
Par ailleurs, la reproduction de la mention manuscrite imposée par la loi doit être fidèle au mot prés pour ne pas dire servile.
En effet, le cautionnement est nul lorsque la mention légale n’est pas reproduite à l’identique et précédée de la signature de la caution.
Toutefois, si dans un premier temps, la Cour de cassation a pu se montrer sévère s’agissant de la sanction du non-respect du formalisme consumériste, elle tend de plus en plus à abandonner cette sévérité en validant des mentions manuscrites qui diffèrent du modèle prescrit par le Code de la consommation dès lors qu’elles n’affectent ni le sens, ni la portée de l’engagement de la caution.
Ainsi dans un arrêt du 9 novembre 2004, la Cour de cassation a jugé qu’une erreur mineure, à savoir la simple « omission de la conjonction « et » entre la mention du montant de l’engagement et celle de sa durée, n’affecte ni le sens, ni la portée de la mention manuscrite prescrite par l’article L. 313-7 du code de la consommation ». (Cass civ 1ère, 9 novembre 2004, pourvoi n° 02-17028)
De même, selon la Haute juridiction, « ni l'omission d'un point, ni la substitution d'une virgule à un point entre la formule caractérisant l'engagement de caution et celle relative à la solidarité, ni l'apposition d'une minuscule au lieu d'une majuscule au début de la seconde de ces formules, n'affectent la portée des mentions manuscrites prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation » (Cass civ 1ère, 11 septembre 2013, pourvoi n° 12-19094).
B- L’obligation d’information du bénéficiaire de la caution
a- Au moment de la conclusion du contrat
Au moment de la formation du contrat, la caution personne physique bénéficie d’une obligation d’information à la charge du créancier.
Ainsi, l’offre de contrat de crédit doit être remise ou adressée à la caution (articles L. 311-11 et L. 312-7 du code de la consommation).
Il s’agit pour la caution de prendre connaissance de l’étendue de son engagement en disposant du contrat de crédit.
A partir de ce moment la caution dispose d’un délai de réflexion de 10 jours pour accepter l’offre (article L. 312-10 du code de la consommation).
b- Au moment de l’exécution du contrat
Au stade de l’exécution du contrat, le créancier professionnel est débiteur d’une obligation d’information consistant à informer la caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident caractérisé.
L’article L. 313-9 du code de la consommation dispose à cet effet que :
« Toute personne physique qui s'est portée caution à l'occasion d'une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit être informée par l'établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d'inscription au fichier institué à l'article L. 333-4. Si l'établissement prêteur ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.»
Il s’agit ici d’éviter l’accumulation des sommes dues par la caution personne physique en cas de défaillance du débiteur principal.
A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
En outre, le créancier professionnel doit communiquer chaque année à la caution personne physique l’état de la dette du débiteur principal ainsi que le terme de son engagement.
A cet effet, l’article L. 341-6 du code de la consommation dispose :
« Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. »
II. La protection de la caution contre la disproportion de son engagement
A la suite de l’arrêt Macron (Cass. com., 17 juin 1997, pourvoi n°95-14105) qui pose pour la première fois l’interdiction pour un créancier professionnel d’obtenir un cautionnement disproportionné de la part d’une caution non avertie, le législateur a consacré le principe de la proportionnalité en droit de la consommation.
Ainsi, aux termes de article L. 341-4 du code de la consommation :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
La solution s’applique à toutes les cautions sans distinction selon qu’elles soient averties ou non, selon que l’engagement a été à durée déterminée ou indéterminée ou encore selon qu’il s’agit d’un cautionnement sous seing privé ou authentique (loi n°2003-21 du 1er aout 2003).
A- Les conditions de la disproportion du cautionnement
Pour mettre en jeu le principe de proportionnalité, il faut deux conditions cumulatives :
- La disproportion doit être manifeste au moment de la conclusion du contrat,
- La disproportion doit être appréciée par rapport aux revenus et biens de la caution.
S’agissant du caractère manifestement disproportionné du cautionnement, la Cour d’appel de Versailles le définit comme une « disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent ». (CA Versailles, 7 octobre 2010, RG n° 09/05685)
Autrement dit, la disproportion doit être suffisamment apparente pour qu’un organisme de crédit ou un créancier professionnel ne puisse pas échapper à la sanction.
Par ailleurs, la disproportion du cautionnement doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat. Par conséquent, si à la conclusion du contrat, l’engagement de la caution n’était pas manifestement disproportionné, la caution ne pourra pas se prévaloir de la disparition d’un équilibre entre ses facultés distributives et son engagement au moment où elle est appelée.
En outre, la disproportion du cautionnement doit s’apprécier en fonction de tous les éléments du patrimoine mais aussi de l’endettement global de la caution.
En effet, le 15 janvier 2015, la Cour de cassation a jugé que : « la disproportion doit être appréciée au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution » (Cass. civ 1ère, 15 janvier 2015, pourvoi n°13-23489).
S'agissant de la charge de la preuve, la Cour de cassation a jugé: « qu'il appartient à la caution qui entend opposer à la caisse créancière les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus » (Cass com., 22 janvier 2013, pourvoi n° 11-25377).
Toutefois, si la caution rapporte la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au moment de la conclusion du contrat, il appartient dès lors à l’organisme de crédit ou au créancier professionnel de démontrer que le patrimoine de la caution permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée en garantie.
Ainsi, selon la Cour de cassation :
« il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation » (Cass. civ 1ère, 10 septembre 2014, pourvoi n°12-28977)
B- La sanction de la disproportion du cautionnement
Aux termes des articles L. 313-10 et L. 341-4 du code de la consommation, la sanction de la disproportion est que l’organisme de crédit ou le créancier professionnel ne peut plus se prévaloir du cautionnement.
Il s’agit d’une déchéance du droit de poursuite de l’organisme de crédit ou du créancier professionnel. En effet, la sanction rend totalement inefficace l’engament de la caution. La sanction légale affecte l’effectivité du cautionnement au stade de l’exécution de l’engagement.
Le fondement de la sanction repose sur la loyauté contractuelle. On considère que le créancier professionnel qui fait souscrire à une caution personne physique un engagement manifestement disproportionné manque à son obligation de contracter de bonne foi.
Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.
Yaya MENDY