Si le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux est apparemment favorable aux victimes en ce qu’il instaure la responsabilité de plein droit du fabricant, lequel ne peut s’en exonérer que dans des conditions strictes (article 1386-11 du code civil), il se révèle cependant périlleux en raison de la difficulté de rapporter les preuves mises à la charge du demandeur.
En effet, la cour de cassation, conformément à la législation en vigueur, a posé en principe qu’il appartient à la personne qui invoque un dommage du fait d’un produit défectueux, d’apporter la preuve de ce dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre l’un et l’autre.
L’arrêt rapporté offre l’occasion de rappeler cette règle.Â
En espèce, une passagère d’une moto-marine a été projetée en arrière lors d’une accélération du conducteur.
A la suite de sa chute, elle a été gravement blessée par la pression de la turbine du véhicule et a assigné le conducteur et son assureur en réparation des préjudices subis.
Ces derniers ont appelé en garantie le producteur sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux en soutenant que le conducteur et la passagère n’auraient pas reçu l’information relative à la nécessité de porter un vêtement de protection.
Ils ont été déboutés en première instance.
C’est ainsi qu’ils ont interjeté appel en soutenant que le fait de ne pas conseiller aux utilisateurs de ce type d’engin de porter une combinaison en caoutchouc rend le produit dangereux et engage la responsabilité du producteur sur le fondement de l’article 1386-4 du code civil. Or, il n’est pas établi par le producteur que l’étiquette rappelant une telle règle de sécurité ait été apposée sous le guidon de la moto-marine à destination du conducteur et des passagers.
La Cour d’appel a donné droit à la demande en condamnant le producteur à garantir au conducteur et à son assureur des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la victime.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt au visa de l’article 1386-9 du code civil en jugeant que :
« il appartient au demandeur en réparation du dommage causé par un produit qu’il estime défectueux de prouver le défaut invoqué »
La solution n’est pas nouvelle et s’inscrit dans une jurisprudence constante.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé que :
« il appartient à la personne qui impute l’apparition de la maladie dont elle est atteinte à la prise d’un médicament par sa mère, à l’époque de la grossesse de celle-ci, de prouver qu’elle a été exposée à ce médicament, dès lors qu’il n’est pas établi que la molécule incriminée était la seule cause possible de la pathologie » (Cass civ 1re, 5 avril 2005, pourvoi n° 02-11947 ; Cass civ 1re, 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-10081)
De même, la Cour de cassation a jugé que :
«la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens de l’article 1386-1 du code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, même si son utilisation a pu faciliter ou favoriser l’apparition de désordres » (Cass civ 1re, 22 octobre 2009, pourvoi n° 08-15171)
Toutefois, il convient de relever avec intérêt que pour faciliter la tâche de la victime, la Cour de cassation a assoupli sa jurisprudence en admettant que la preuve du caractère défectueux d’un produit pouvait résulter de simples présomptions.
Cet assouplissement s’est fait en deux temps :
- D’abord, la Cour de cassation a admis la preuve par exclusion ; c’est-à -dire lorsqu’aucune autre cause que celle qui est avancée ne permet d’expliquer le dommage (Cass civ 1ère, 24 janvier 2006, pourvoi n° 03-20178 ; Cass civ 1ère, 24 janvier 2006, pourvoi n° 02-16648),
- Ensuite, elle a admis expressément la preuve par présomptions (Cass civ 1ère, 22 mai 2008, pourvoi n° 06-10967).
Il résulte ainsi qu’en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la preuve formelle d’un lien de causalité direct et certain n’est pas requise et le rôle causal peut résulter de simples présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes (Cass civ 1re, 25 juin 2009, pourvoi n° 08-12781).
Yaya MENDY