Le 1 octobre 2014, la Cour de cassation a jugé que la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s'impose au juge, quelle que soit la nature de celle-ci. (Cass. Civ. 1ère, 1 octobre 2014, pourvoi n° 13-17920)
En l’espèce, l’acte notarié par lequel un établissement de crédit (banque) a consenti à une société civile immobilière (SCI) un prêt immobilier prévoit une clause de conciliation préalable aux termes de laquelle « en cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné qui sera missionné par le Président de la chambre des notaires ».
La SCI n’ayant pas honoré ses échéances, la banque prêteuse lui a délivré un commandement de payer valant saisie puis l'a assignée devant le juge de l'exécution afin d’obtenir la vente forcée de l’immeuble.
Au stade de l’audience d’orientation, la SCI soulève la fin de non-recevoir tirée de la clause de conciliation préalable prévue dans l’acte notarié.
La Cour d’appel déclare la clause de conciliation inopposable au motif qu’elle ne visait pas spécifiquement les contestations relatives à l’exécution forcée de l’acte notarié.
La SCI forme alors un pourvoi en cassation en reprochant aux juges du fond d’avoir dénaturé la clause de conciliation préalable en affirmant qu’elle excluait les contestations relatives à l'exécution de l'acte alors que rien, dans les termes clairs et précis de ladite clause, ne permettait de retenir une telle exclusion.
Finalement, la Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 1134 du Code civil en précisant que :
«la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s'impose au juge, quelle que soit la nature de celle-ci».
La Haute juridiction a ainsi posé le principe selon lequel, lorsque la clause de conciliation préalable est rédigée de manière large sans énumérer les instances judiciaires qu’elle exclut, elle s’appliquera dans toute instance judiciaire.
Cet arrêt de la Cour de cassation marque dès lors une rupture avec un arrêt de rejet du 23 mai 2012 concernant une clause de conciliation préalable rédigée dans des termes identiques.
En effet, par cet arrêt, la Cour de cassation avait approuvé la décision d’une Cour d’appel qui avait « relevé par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation que l'ambiguïté des termes de l'acte de vente rendait nécessaire que les parties n'avaient pas fait de l'inobservation de la clause de conciliation une fin de non-recevoir » (Cass. Civ 3e, 23 mai 2012, pourvoi n° 10-27596).
A la suite de cet arrêt, certains auteurs avaient interprété la solution dans le sens d’un durcissement des conditions d’efficacité des clauses de conciliation préalable.
Ainsi, selon Mme Caroline Pelletier « À la lumière de cet arrêt, il apparaît indispensable de mentionner le caractère à la fois obligatoire et préalable de la procédure de conciliation convenue, sous peine de voir la clause privée de toute efficacité par l’interprétation des juges du fond ». (Caroline PELLETIER, « Quand la Cour de cassation prive la clause de conciliation de toute portée», RDC, 01 janvier 2013 n° 1, p. 192)
Toutefois, en qualifiant la clause comme « instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire », la Cour de cassation semble interpréter les termes de l’acte dans le sens du caractère obligatoire du préalable de conciliation.
En effet, selon la Haute juridiction, en imposant un préalable de conciliation « avant toute instance judiciaire », la clause de conciliation est suffisamment claire et précise quant à son domaine d’application de sorte de sorte qu’il n’y a pas lieu à interprétation.
Autrement dit, il suffit que la clause de conciliation prévoit une procédure « préalable » à toute instance judiciaire pour s’imposer au juge peu importe si elle ne prévoit pas expressément qu’une telle procédure est à la fois « obligatoire » et « préalable ».
La première chambre civile de la Cour de cassation rejoint ainsi tout un courant jurisprudentiel en faveur des clauses de conciliation ou de médiation.
En effet, si à un certain moment la Cour de cassation donnait l’impression d’un recul de la force obligatoire des clauses de conciliation ou de médiation (Voir Cass. civ 3e, 23 mai 2012, no 10-27596 ; Cass. com., 12 juin 2012, no 11-18852 ; Cass. civ 3e, 13 décembre 2013, n° 12-18439 ; Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-27004), cette impression est démentie par la jurisprudence récente qui tend au contraire à un régime de faveur à la clause de conciliation.
Ainsi, après avoir admis la régularisation du défaut de mise en œuvre de la procédure de conciliation avant la saisine du juge (Voir Cass. civ 2e, 16 déc. 2010, no 09-71575; Cass. com., 3 mai 2011, no 10-12187), la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence dans un arrêt du 12 décembre 2014, par lequel elle a jugé que le défaut de mise en œuvre d’une procédure de conciliation préalable ne peut être régularisé en cours d’instance. (Cass ch. mixte, 12 décembre 2014, pourvoi n° 13-19684).
En outre, les modes alternatifs de règlement des litiges, parmi lesquels figure la clause de conciliation ou de médiation, ont la faveur du législateur.
En effet, un décret du 11 mars 2015 qui vise à favoriser le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges modifie les articles 56 et 58 du code de procédure civile en obligeant les parties à indiquer, dans l’acte de saisine de la juridiction, les démarches de résolution amiable précédemment effectuées. (Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, publié au JORF n°0062 du 14 mars 2015)
Il s’agit, pour le législateur, d’inciter les parties à participer directement à la résolution de leur litige, par le dialogue et la concertation, de manière à aboutir à une solution acceptée et non pas à une solution imposée.
Il convient, toutefois, de relever que la stipulation d'une clause de conciliation n'écarte pas en principe la saisine du juge des référés, avant comme pendant le processus de conciliation (CA Paris, 30 janv. 2008 ; CA Aix-en-Provence, 19 juin 2007 : JurisData, no 2007-342525 – CA Toulouse, 9 mars 2006 : JurisData, no 2006-299563).
En outre, la chambre sociale ayant opté pour un régime spécifique tenant au particularisme de la procédure en droit social a jugé que la clause de médiation n’interdit pas la saisine directe du Conseil de Prud'hommes (Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-20004).
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que l’arrêt commenté, au-delà de son caractère favorable au régime des clauses de conciliation, invite les rédacteurs à d’avantage de précision dans le libellé des clauses de conciliation ou de médiation notamment dans la définition de leur domaine d’application.
A défaut, la clause pourrait être privée d’effet juridique si elle n’est pas assez précise dans son libellé ou bien se voir appliquer un champ d’application très large lorsqu’elle est rédigée de manière générale sans lister les contestations qu’elle exclut, comme en l’espèce.
Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.
Yaya MENDY