Pour mémoire, l’article 1641 du code civil dispose :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
Cet article met à la charge du vendeur l’obligation de garantir les vices inhérents à la chose vendue, plus connue sous le nom de garantie des vices cachés.
La garantie des vices cachés est une protection contre les défauts existant au moment de la vente et qui rendent la chose impropre à l’usage auquel l’acheteur la destinait.
Sauf quelques rares exceptions, cette garantie s’applique à tous les biens qu’ils soient corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, neufs ou d’occasion et quel que soit le vendeur (professionnel ou particulier).
Pour bénéficier de la garantie des vices cachés, l’acquéreur doit toutefois rapporter la preuve de l’existence du vice, de sa gravité et de son antériorité.
Lorsque le bien vendu est atteint d'un vice caché, l'acquéreur a le libre choix entre l’action estimatoire ou l’action rédhibitoire (article 1644 du Code civil).
En exerçant l’action rédhibitoire, l’acquéreur choisit de rendre la chose affectée du vice et se faire restituer le prix. Quant à l’action estimatoire, elle permet à l’acquéreur de conserver la chose en se faisant restituer une partie du prix.
La question s’est toutefois posée de savoir si l’acheteur est, comme en matière immobilière, fondé à demander la restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux vices affectant la chose.
On sait, en effet, depuis un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 1er avril 2006 qu’en matière immobilière l’acheteur est fondé « à demander la restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux vices lui permettant d’être en possession d’un immeuble conforme à celui qu’il avait souhaité acquérir » (Cass. 3e civ., 1er février 2006, n° 05-10845).
Cette solution est-elle transposable en toute vente même entre particuliers ?
La question a été soulevée dans un arrêt rendu le 6 avril 2016 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 6 avril 2016, pourvoi n° 15-12.402).
En l'espèce, pour vendre son bateau de plaisance, un propriétaire s'était assuré le concours d'un expert et courtier qui avait, par le biais d'une annonce, attesté de ce que le moteur était en bon état de marche. Il l'avait de nouveau affirmé lors de l'expertise menée au moment de la cession quelque temps plus tard.
Mais ayant rencontré des difficultés pour manœuvrer le bateau de plaisance, l'acquéreur a obtenu en référé la désignation d’un expert lequel a conclu à la vétusté de certains éléments du moteur. Il a alors assigné le vendeur, sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Saisie de la question, la Cour d'appel de Caen a condamné le vendeur à payer diverses sommes au titre du coût d'achat et d'installation d'un nouveau moteur, des frais de grutage et de stationnement extérieur du bateau et enfin au titre de la réparation de la cassure de la cloison avant timonerie.
Le vendeur non professionnel s’est donc pourvu en cassation en invoquant son ignorance de l’existence du vice.
La question était donc toute posée : le vendeur qui ignorait l’existence des vices cachés du bien vendu peut-il être tenu envers l'acheteur qui décide de garder la chose vendue au paiement d'une somme au titre des réparations ?
La Cour de cassation a cependant répondu par la négative.
En effet, au visa des articles 1644 et 1646 du code civil, la Haute cour a censuré la décision des juges du fond en rappelant que : « le vendeur qui ignorait les vices de la chose vendue ne peut être tenu envers l'acheteur qui garde cette chose, outre les frais occasionnés par la vente, qu'à la restitution partielle du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts ».
En d’autres termes, si l'acquéreur déçu souhaite quand même conserver la chose vendue, le vendeur ne sera alors tenu qu'à la seule restitution partielle du prix, au-delà, bien sûr, des frais engendrés par la vente.
La solution n’est cependant pas nouvelle. Elle a déjà été rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 8 avril 2009 au sujet d'un immeuble infesté de termites. Aux termes de cet arrêt : « le vendeur de bonne foi qui a ignoré les vices de la chose vendue ne peut être tenu envers l'acheteur qui garde cette chose, outre les frais occasionnés par la vente, qu'à la restitution partielle du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts. » (Civ. 3e, 8 avril 2009, pourvoi n° 07-19.690)
Concernant enfin l’estimation du montant à restituer, l'article 10 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a légèrement modifié l’article 1644 du code civil.
Cette disposition prévoyait que lorsque la chose vendue est affectée d’un vice caché l’acheteur a le choix « de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts ». Ce qui avait pour conséquence de mettre à la charge du juge saisi d’une action estimatoire une obligation d’ordonner une expertise en vue d’estimer le montant à restituer.
Désormais, avec la suppression du dernier membre de phrase de l’article 1644 du code civil, le recours à l’expertise n’est plus une obligation mais une simple faculté laissée au juge.