Le 13 janvier 2015, la Cour de cassation a jugé que la banque n'est débitrice d'aucun devoir de mise en garde envers une caution, eût-elle été non avertie, dés lors que l'ouverture de crédit était adaptée au regard des capacités financières de l’emprunteur à la date de l'engagement de la caution.
Le devoir de mise en garde du banquier envers son client est consacré notamment au travers de quatre arrêts de principe rendus le 12 juillet 2005 (Cass. Civ. I, 12 juillet 2005, pourvoi n° 03-10921) puis confirmés dans plusieurs arrêts ultérieurs.
Ce devoir de mise en garde a notamment pour objet d’éclairer un emprunteur sur les risques entrainés par la souscription d’un contrat de prêt bancaire.
Concrètement, le devoir de mise en garde du banquier envers son client se décompose en trois obligations particulières, à savoir :
- L’obligation de ne pas accorder à un emprunteur un crédit excessif ou disproportionné compte tenu de son patrimoine et de ses revenus ;
- L’obligation de se renseigner sur les capacités de remboursement de l’emprunteur ;
- L’obligation d’alerte sur les risques encourus en cas de non remboursement du crédit par l’emprunteur.
Toutefois, la responsabilité du banquier dispensateur de crédit sur le fondement de l’inexécution de son devoir de mise en garde est subordonnée à une double condition tenant:
- d’une part, à la qualité de l’emprunteur et,
- d’autre part, à l’existence d’un crédit excessif.
En effet, la cour de cassation distingue entre emprunteur « averti » et « non-averti » et ne fait bénéficier du devoir de mise en garde du banquier qu’à l’emprunteur non-averti ou profane c’est-à-dire celui qui ne dispose pas de compétences et de connaissances effectives en matière financière. (Cass. Civ. I, 4 juin 2014, no 13-10975)
La preuve de la qualité d’emprunteur « averti » incombe au banquier dispensateur de crédit.
Par contre, il appartient à l’emprunteur de démontrer que le crédit litigieux présentait un risque par rapport à sa situation financière et patrimoniale.
Pour tenter de s’exonérer de sa responsabilité, la banque devra rapporter la preuve du respect de l’exécution de son devoir de mise en garde envers son client.
Toutefois, le banquier n'est tenu, à l'égard de la caution profane, à aucun devoir de mise en garde lorsque le crédit est adapté aux capacités financières de l'emprunteur.
Le présent arrêt offre l’occasion de rappeler cette règle.
En espèce, le gérant d’une société unipersonnelle s'est rendu caution solidaire envers une banque des prêts consentis à sa société.
La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a alors appelé la caution en paiement.
Cette dernière a invoqué le manquement de la banque à son devoir de mise en garde pour se libérer de son engagement et réclame le paiement de dommages et intérêts.
Une cour d'appel avait estimé que la banque a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de la caution et lui a condamné à payer à la caution une indemnité de 30.000 €.
La banque s’est alors pourvue en cassation en soutenant :
- D’une part, qu'à la date de l'engagement de la caution, l'ouverture de crédit était adaptée au regard des capacités financières de l'emprunteur ; et
- D’autre part, qu'il appartient à la caution qui se prévaut d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde d'établir que la souscription de son engagement l'exposait à un risque d'endettement.
La Cour de cassation a finalement censuré la décision des juges du fond en considérant que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations :
« alors qu'elle avait constaté qu'à la date de l'engagement de la caution, l'ouverture de crédit était adaptée au regard des capacités financières de la société, ce dont il résulte que la banque n'était débitrice d'aucun devoir de mise en garde envers la caution, eût-elle été non avertie,» (Cass. Civ. I, 13 janvier 2015, pourvoi n°13-24875)
Il ressort donc de cet arrêt de la Cour de cassation que le banquier dispensateur de crédit n’est pas toujours tenu à un devoir de mise en garde envers un emprunteur profane ou non-averti.
Pour pouvoir invoquer le manquement du banquier à son devoir de mise en garde et se libérer de son engagement, l’emprunteur non averti ou profane devra rapporter la preuve du caractère disproportionné du crédit par rapport à sa situation financière et patrimoniale.
La preuve du caractère disproportionné du crédit incombe en tout état de cause à l’emprunteur.
Yaya MENDY
Etudiant en droit
Préparant l’examen d’entrée au CRFPA