Afin de garantir le droit au respect de la vie privée et en particulier de l'inviolabilité du domicile,  la loi interdit la diffusion par un organe de presse de propos tenus à titre privé ou confidentiel lorsque ces propos sont obtenus par un moyen d'interception illicite et à l’insu de leur auteur.
Cette interdiction trouve sa source dans la combinaison des articles 226-1 et 226-2 du code pénal.
Ainsi selon l’article 226-1 du code pénal :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »
Quant à l’article 226-2 du code pénal, il dispose à son tour :
« Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.
Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
Toutefois, le droit au respect de la vie privée et en particulier de l'inviolabilité du domicile, déduit de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 se heurte parfois à un autre droit et liberté fondamentale à savoir le droit à la liberté d'expression garanti par l'article 11 de la même Déclaration.
En effet, aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
Il s’agit donc de deux droits et libertés fondamentales garantis par la Constitution. Chacun ayant vocation à s’exercer et être protégé. Mais comment les concilier ? C’est la question qui était posée à la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 15 janvier 2015.
En l’espèce, le maitre d’hôtel d’une personnalité célèbre avait piégé cette dernière en captant et enregistrant, à son insu, ses conversations avec certains de ses proches à son domicile au moyen d'un appareil enregistreur. Les enregistrements ont été réalisés pendant une année.
Un organe de presse avait publié, dans son journal en ligne, quelques extraits de  ces conversations.
La victime invoquant une atteinte à l'intimité de sa vie privée, a assigné, en référé, l’organe de presse ainsi que les auteurs des articles, en injonction de retrait et non-publication ultérieure des transcriptions précitées.
La Cour d’appel avait accueilli sa demande en condamnant l’organe de presse in solidum au versement d’une certaine somme d’argent au titre de la réparation du préjudice moral de la demanderesse au motif que la diffusion des enregistrements litigieux constituait un trouble manifestement illicite caractérisant une atteinte à l'intimité de la vie privée de cette dernière.
L’organe de presse ainsi que les auteurs des articles se sont alors pourvus en cassation en soutenant :
- D’une part, que l'interdiction de publication d’enregistrements illicites ne peut résulter exclusivement des conditions d'obtention des enregistrements, mais suppose aussi que, dans leur contenu, les propos diffusés portent effectivement atteinte à l'intimité de la vie privée ; et,
- D’autre part, que la diffusion par voie de presse d'enregistrements, même lorsqu'ils portent atteinte à l'intimité de la vie privée des personnes intéressées, ne constitue pas un trouble manifestement illicite quand elle est justifiée par l'exercice légitime du droit à la liberté d'expression ;
Cependant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en approuvant la décision des juges du fond en jugeant que :
« constitue une atteinte à l'intimité de la vie privée, que ne légitime pas l'information du public, la captation, l'enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel » (Cass. civ I, 15 janvier 2015, pourvoi n°14-12200)
Il ressort donc de cet arrêt que la captation, l'enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel constitue une atteinte à l'intimité de la vie privée à laquelle le droit à la liberté d’expression ne peut justifier.
Ainsi, selon la Cour de cassation, les juges du fond n’ont pas besoin de vérifier que les propos diffusés portent, dans leur contenu, effectivement atteinte à l'intimité de la vie privée comme le soutenait le pourvoi.
Mais le seul fait de capter, d’enregistrer ou de transmettre des propos prononcés à titre privé ou confidentiel à l’insu de leur auteur suffit à caractériser l’atteinte à l’intimité de la vie privée.
La Cour de cassation pose ainsi une limite à l’exercice de la liberté expression.
En effet, pour la Cour de cassation, même si la liberté de la presse constitue un droit et une liberté fondamentale garantis par la constitution, néanmoins, son exercice ne saurait porter atteinte au droit au respect de la vie privée.
Cet arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit donc dans le prolongement de la jurisprudence antérieure en matière de respect à la vie privée.
En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la diffusion par organe de presse de propos obtenus par le biais de moyens illicites constitue une violation des articles 226-1 et 226-2 du code pénal quels qu'en soient la teneur et l'intérêt de tels propos pour le débat public.(Cass, civ 1ère, 5 février 2014 n°13-21929 ; Cass, civ 1ère, 3 septembre 2014 n°14-12200).
En définitive, la liberté d’information et de communication est soumise à des restrictions à chaque fois que son exercice se heurte à la nécessité de protéger l’intimité et la tranquillité des personnes. Cette limitation est nécessaire car « chacun a droit au respect de sa vie privée » (article 9 du code civil)
Yaya MENDY