Alors que les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, l’arrêt rapporté en date du 10 février 2015 permet de s’attarder sur une autre problématique, celle de la recevabilité comme mode de preuve des SMS d’un téléphone professionnel du salarié. (Cass com., 10 février 2015, pourvoi n° 13-14779)
En l’espèce, une société avait débauché un grand nombre de salariés d’un de ses concurrents.
Ce dernier, invoquant la désorganisation de son activité, avait obtenu, par ordonnance sur requête, l’autorisation de procéder à un constat au siège de son concurrent ainsi que sur les outils de communication mis à la disposition de ses anciens salariés.
Le concurrent a alors introduit une requête tendant à la rétractation de cette autorisation.
La Cour d’appel a rejeté sa demande aux motifs que les SMS à caractère non marqué « personnel » émis et reçus sur du matériel appartenant à une société étaient susceptibles de faire l’objet de recherches pour des motifs légitimes et que l’utilisation de tels messages par l’employeur ne pouvait être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués.
La société concurrente a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que la production en justice des SMS envoyés et reçus au moyen d’un téléphone professionnel du salarié constitue un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve.
La question était donc toute posée : l’employeur peut-il produire en justice les SMS d’un téléphone professionnel d'un salarié obtenus à l’insu de celui-ci ?
La réponse de la Cour de cassation est limpide :
« les messages écrits (”short message service” ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ; »
Dés lors, « la production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve »
Cet arrêt fait suite à une série d’arrêts, par lesquels la Cour de cassation a admis la possibilité pour l’employeur d’accéder aux courriers non marqués «personnels» ou «privés» adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à disposition par l’employeur pour les besoins de son travail.
En effet, la Cour de cassation a jugé que :
« Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur » (Cass. soc. 23 mai 2007, pourvoi n° 06-43209)
De même, la Cour de cassation a déjà jugé que :
« Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur » (Cass. soc. 6 février 2013, n° 11-23738).
Par ailleurs, les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.
En effet, en 2010, la Cour de cassation a jugé que :
« les courriers adressés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels » (Cass. Soc. 15 décembre 2010, pourvoi no 08-42.486)
En outre, la Cour de cassation a jugé que :
« Est licite, l'ouverture par l'employeur d'un pli, qui, arrivé sous une simple enveloppe commerciale démunie de toute mention relative à son caractère personnel, présente un caractère professionnel » (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, pourvoi no 05-40.803)
Il ressort donc de ces arrêts que les courriers adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié prend le soin de les identifier comme étant personnels.
Ce qui est nouveau avec la décision rapportée et qui explique son importance, c’est que la Cour de cassation étend cette solution aux SMS envoyés et reçus par le salarié au moyen d'un téléphone professionnel.
En effet, contrairement au moyen du pourvoi qui faisait valoir que cette solution ne s’appliquait aux SMS envoyés ou reçus par les salariés sur leur téléphone mobile en raison de l’impossibilité de les identifier comme « personnel », la Cour de cassation a considéré malgré tout que les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen d’un téléphone professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel. Leur utilisation ne peut être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués.
Par conséquent, l’employeur est admis à produire en justice, en tant que mode de preuve, les SMS d'un salarié obtenus au moyen d'un téléphone professionel.
La difficulté se sera, dès lors, pour le salarié de rapporter la preuve du caractère personnel d'un SMS. En effet, comment identifier un SMS comme étant personnel si par définition il ne comporte pas de champ «objet» ?
On peut donc penser qu’en l’état actuel de la technologie, tous les SMS envoyés ou reçus par un salarié au moyen d'un téléphone professionnel seront présumés avoir un caractère professionnel et l’employeur pourra donc accéder légitimement au contenu desdits SMS.
Il revient donc au salarié d’être vigilant dans l’utilisation d’un téléphone professionnel car tout ce qu’il dira pourra être retenu contre lui.
Yaya MENDY