Le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en paiement d’un crédit immobilier est la date du premier incident de paiement non régularisé.
La prescription extinctive est définie par l'article 2219 du code civil comme : « un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ».
Dans les rapports entre un professionnel et un consommateur, l'article L. 137-2 du code de la consommation dispose :
« L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
Ces dispositions sont applicables à l’action en recouvrement d’un crédit immobilier qui constitue un service financier fourni par un professionnel du crédit à un consommateur.
Par ailleurs, l’article 815-17 du Code civil dispose :
« Les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.
Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis.»
Ces dispositions donnent la faculté au créancier personnel d’un indivisaire de provoquer, par une action oblique, le partage des biens indivis au nom de son débiteur.
L'action oblique est une voie de droit qui permet à un créancier d'exercer les droits et actions qui appartiennent normalement à son débiteur, lorsque celui-ci refuse ou néglige de les exercer au préjudice du créancier.
Pour exercer cette action oblique, le créancier doit néanmoins disposer d’une créance certaine, liquide et exigible et bien sûr non prescrite.
C’est ce qu’à rappeler la première chambre civile de la Cour de cassation dans une affaire opposant une banque avec un de ses clients. (Cass. civ. 1ère, 16 avril 2015, pourvoi n° 13-24024)
En l’espèce, la banque avait consenti, par acte authentique passé devant notaire le 18 mai 2004, un prêt immobilier à un emprunteur, marié sous le régime de la séparation de biens, pour l’acquisition d’un immeuble indivis neuf en l’état futur d’achèvement.
L’emprunteur ayant cessé de payer les échéances de son crédit immobilier, la banque lui adresse une mise en demeure le 26 août 2008 qui le menaçait de déchéance du terme en l’absence de régularisation dans un délai de 30 jours.
Après de nombreuses relances réclamant le paiement de l’arriéré, la banque a fini par prononcer la déchéance du terme par lettre recommandée du 31 juillet 2009 avec avis de réception de son destinataire du 13 août 2009.
Le 2 décembre 2010, soit plus de 2 ans après la première mise en demeure, la banque a assigné les deux époux sur le fondement de l’article 815-17 du code civil, pour voir ordonner le partage de l’immeuble indivis en vue d’obtenir paiement de sa créance.
Or, selon l’article L. 137-2 du Code de la consommation, le professionnel qui compte agir contre un consommateur est tenu de le faire dans le délai de 2 ans.
Estimant sa créance prescrite, l’emprunteur soulève alors l’irrecevabilité de l’action en paiement engagée par la banque.
Cependant, la Cour d’appel avait jugé que l’action en recouvrement de la créance exercée par la banque à l’encontre des deux époux n’était pas prescrite et avait confirmé le jugement qui avait accueilli l’action en partage exercée par la banque.
Pour justifier leur décision, les juges du fond énoncent que seule la date déchéance du terme du 31 juillet 2009 rendant exigible la totalité de la créance constitue le point de départ de la prescription.
L’emprunteur s’est alors pourvu en cassation en soutenant au moyen de son pourvoi que le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en paiement exercée par un professionnel à l’encontre d’un consommateur auquel a été consenti un crédit immobilier est la date du premier incident de paiement non régularisé.
La question était donc de savoir : quel est le point de départ de la prescription de l’action en paiement d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur ?
La réponse de la Cour de cassation est sans équivoque. En effet, selon la Haute cour :
« le point de départ du délai de prescription biennale prévu par [l’article L. 137-2 du code de la consommation] se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée, soit, dans le cas d’une action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé »