Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément.
La victime d’une infraction pénale (violence, blessures, homicide, acte d’agression ou de terrorisme…) entrainant un dommage corporel peut obtenir indemnisation de son préjudice.
En effet, le législateur a posé le principe du droit à indemnisation des victimes de dommage corporel au travers de plusieurs textes distincts (article 1382 du code civil, loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relatives aux accidents de la circulation).
Par ailleurs, la Cour de cassation précise que «le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ». (Cass.civ. 2e, 7 décembre 1978; Cass. civ. 2e, 9 juillet 1981; Cass. civ 2e, 4 février 1982; Cass. civ. 2e, 13 janvier 1988)
Or, il est fréquent que la victime d’un dommage corporel garde des séquelles après la consolidation.
Le dommage peut ainsi avoir une incidence sur les fonctions du corps de la victime (atteintes aux fonctions physiologiques, douleurs permanentes, perte d’autonomie, troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation…)
Les juges apprécient librement le préjudice subi par la victime pour parvenir à une réparation intégrale.
Toutefois, dans l'évaluation du dommage corporel subi par la victime, le juge doit respecter le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.
Autrement dit, il s’efforce, autant faire se peut, de rétablir la victime dans une situation identique à celle qui aurait été la sienne si l’acte dommageable ne s’était pas produit tout en évitant qu’elle puisse tirer de la réparation un enrichissement injuste notamment en étant indemnisée deux fois du même préjudice.
A défaut, sa décision peut faire l’objet de censure de la part de la Haute juridiction.
Ainsi, en 2010, la Cour de cassation a jugé que « le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément. » (Cass. civ. 2e, 16 septembre 2010, n° 09-69433)
Dès lors, n’est pas fondé le moyen qui reproche à l’arrêt de limiter l’indemnisation alors que, de ses constatations, la cour d’appel a pu déduire qu’il ne subsistait aucun préjudice moral distinct des souffrances endurées à la suite d’une agression par une conductrice de bus.
De même, la haute juridiction a censuré une cour d’appel qui alloue également 10 000 € au titre du préjudice moral en sus de 10 000 € pour les souffrances endurées évaluées ainsi séparément aux motifs que « le préjudice moral, lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés, étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit permanent, ne peut être indemnisé séparément. » (Cass. civ. 2e, 11 septembre 2014, no 13-21506)
Il ressort donc de cette jurisprudence que toutes les souffrances sont à solliciter dans le même poste, qu’elles soient morales, psychiques ou physiques.
C’est la pertinence de cette solution que vient aujourd’hui rappeler la Haute Juridiction dans son arrêt du 5 févier 2015.
En l’espèce, un fonctionnaire de police ayant subi des dommages corporels dans l’exercice de ses fonctions avait saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’une demande d’indemnisation de ses préjudices.
Après avoir alloué à la victime diverses indemnités au titre des souffrances endurées et au titre du déficit fonctionnel permanent, la Cour d’appel lui avait alloué la somme de 8 000 € en réparation d’un préjudice moral permanent exceptionnel aux motifs que « cette somme ne constituait pas une double indemnisation dès lors que le déficit fonctionnel permanent du point de vue psychologique ne recouvre que les conséquences postérieures du traumatisme ».
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que, conformément à une jurisprudence constante, le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément ; dès lors, aucune somme ne peut être allouée à ce titre, en réparation d’un préjudice moral déjà indemnisé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent.
Finalement, la Cour de cassation a cassé la décision des juges du fond en rappelant que :
« le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément », dés lors la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice et violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. (Cass. civ 2e, 5 février 2015, pourvoi n° 14-10097)
Yaya MENDY