La preuve de la correcte exécution par le prêteur de son obligation précontractuelle d’information

Publié le Modifié le 02/07/2015 Vu 8 306 fois 0
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L’insertion, dans le contrat de crédit, d’une clause type, portant reconnaissance par le consommateur de l’exécution des obligations du prêteur, non corroborée par des documents émis par le prêteur et remis à l’emprunteur, peut-elle suffire à prouver la correcte exécution des obligations pré-contractuelles d’information incombant au prêteur ?

L’insertion, dans le contrat de crédit, d’une clause type, portant reconnaissance par le consommateur de

La preuve de la correcte exécution par le prêteur de son obligation précontractuelle d’information

Pour mémoire, la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit aux consommateurs met à la charge du préteur toute une série  d’obligations précontractuelles d’information et d’explication.

Transposant en droit français la directive européenne, la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 impose à tout préteur ou intermédiaire de crédit le respect de certains devoirs précontractuels qui ont pour objectif de permettre au consommateur emprunteur de conclure un contrat de crédit à la consommation en connaissance de cause.

D’abord, le préteur doit, dès le stade de la période contractuelle, remettre au consommateur une fiche d’informations européennes normalisées permettant au consommateur de comparer les différentes offres qui lui sont faites et d’appréhender clairement l’étendue de son engagement (article L 311-6 du code de la consommation).

Ensuite, l’article L 311-8 du code de la consommation consacre un véritable devoir d’explication ou d’alerte en imposant au préteur ou à l’intermédiaire de crédit de fournir à l’emprunteur toutes les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière. Il doit ainsi attirer son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement.

Enfin, l’article L 311-9 du code de la consommation introduit l’obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur avant toute conclusion d’un contrat à la consommation.

Le non respect de ces obligations entraîne la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L 311-48 du code de la consommation).

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que : « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation». (Cass. civ. 1ère, 25 février 1997, n° 94-19685 ; Cass. civ. 1ère, 15 mai 2002, n° 99-21521)

Il appartient dès lors au prêteur ou à l'intermédiaire de crédit de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation d’information à l’égard d’un emprunteur consommateur.

La question s’est toutefois posée de savoir si le préteur ou l'intermédiaire de crédit a la faculté de se ménager la preuve de l’exécution de son devoir d’explication en faisant reconnaître par le consommateur par écrit qu’il a bien reçu les explications appropriées.

Se prononçant sur la portée d’une telle clause, la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 16 janvier 2013,  jugé que « la reconnaissance écrite, par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer la remise effective de celui-ci. » (Cass civ 1ère, 16 janvier 2013, n° 12-14122)

Autrement dit, la clause fait foi du fait juridique de la délivrance des explications données au consommateur ou de la remise d’un bordereau de rétractation.

Il s’agit toutefois d’une présomption simple que l’emprunteur peut combattre. Mais dans bien des cas, il s’agit d’une preuve diabolique car elle revient à mettre à la charge du consommateur la démonstration d’un fait négatif à savoir l’absence d’information.

Ainsi, dans un arrêt du 12 juillet 2012 (arrêt Crédipar), la première chambre civile de la Cour de cassation avait jugé qu’ « il appartient à l'emprunteur qui a expressément reconnu, en signant l'offre préalable, rester en possession d'un exemplaire de cette offre muni d'un formulaire de rétractation de justifier du caractère erroné ou mensonger de sa reconnaissance écrite en produisant l'exemplaire original de l'offre resté en sa possession ». (Cass civ 1ère, 12 juillet 2012, n° 11-17595)

Une telle interprétation de la clause a pour conséquence d’entraîner un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des obligations du préteur et compromet dès lors l’effectivité des droits reconnus par la directive européenne dans la mesure où elle pourrait permettre au prêteur de contourner ses obligations.

C’est la raison pour laquelle, le 5 aout 2013, le Tribunal d’instance d’Orléans a saisi la CJUE de plusieurs questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008.

Celles qui concernaient l’exécution par le préteur de ses obligations précontractuelles d’information étaient formulées de la manière suivante:

1- La directive [2008/48] doit-elle être interprétée en ce sens qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de l’exécution correcte et complète des obligations mises à sa charge lors de la formation et l’exécution d’un contrat de crédit, résultant du droit national transposant la[dite] directive?

2- La directive [2008/48] s’oppose-t-elle à ce que la preuve de l’exécution correcte et complète des obligations incombant au prêteur puisse être rapportée au moyen exclusif d’une clause type figurant dans le contrat de crédit, portant reconnaissance par le consommateur de l’exécution des obligations du prêteur, non corroborée par les documents émis par le prêteur et remis à l’emprunteur?

Sous ces diverses questions préjudicielles, le juge d’instance demandait en réalité si l’insertion, dans le contrat de crédit, d’une clause type, portant reconnaissance par le consommateur de l’exécution des obligations du prêteur, non corroborée par des documents émis par le prêteur et remis à l’emprunteur, peut suffire à prouver la correcte exécution des obligations précontractuelles d’information incombant au prêteur.

La réponse de la CJUE est cinglante. En effet, dans son arrêt rendu le 18 décembre 2014, le juge européen a décidé que :

« Les dispositions de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens que:

  • d’une part, elles s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites aux articles 5 et 8 de la directive 2008/48 repose sur le consommateur et,

  • d’autre part, elles s’opposent à ce que, en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. »

Il ressort donc de cet arrêt que le prêteur est tenu de justifier devant le juge la bonne exécution de ces obligations précontractuelles.

Autrement dit, il appartient au prêteur ou à l’intermédiaire de crédit de prouver qu’il a exécuté ses obligations précontractuelles d’information et de vérification de la solvabilité de l’emprunteur.

Cette solution de la CJUE vient confirmer une condamnation par la Commission des clauses abusives.

En effet, dans un avis du 6 juin 2003, la Commission avait déclaré que  présente un caractère abusif, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, la clause par laquelle le consommateur reconnaît avoir obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques d’un crédit, au motif que « par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d’apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l’emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. » (Avis n° 13-01 de la CCA relatif à un contrat de crédit à la consommation)

Par conséquent, si la clause fait foi du fait juridique de la délivrance des explications données au consommateur ou de la remise d’un bordereau de rétractation, en revanche elle ne fait pas foi du contenu de celle-ci ou de la régularité du bordereau de rétractation.

Dès lors, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit devra impérativement se préconstituer la preuve qu’il a bien fourni des explications personnalisées, en justifiant dans un écrit distinct du contrat de crédit à la consommation que l’emprunteur consommateur a signé une notice d’explication individualisée par rapport à sa situation et ses besoins.

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A propos de l'auteur
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Passionné du droit des assurances, j'ai le privilège de travailler au sein de La Médiation de l'Assurance, où je contribue à résoudre des litiges entre les assureurs et les assurés. Mon rôle consiste à proposer des avis visant à mettre un terme aux différends, tout en travaillant activement à améliorer les pratiques au sein du secteur de l'assurance.

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