Aux termes de l'article 1142 du Code civil, « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ».
En effet, on considère que l’exécution forcée des obligations ayant pour objet un comportement personnel (faire ou ne pas faire quelque chose) serait attentatoire à la liberté humaine.
La loi a donc posé le principe de l'impossibilité de l’exécution forcée d’une obligation de faire. Une telle obligation se résout ainsi en dommages-intérêts.
Dès lors, à chaque fois que l’obligation de faire ou de ne pas faire présente un caractère purement personnel, toute contrainte physique sur la personne du débiteur pour l'obliger à exécuter son obligation est exclue.
Ainsi, depuis un arrêt du 15 décembre 1993, la Cour de cassation a jugé au sujet d’une promesse unilatérale de vente que l’obligation du promettant étant une obligation de faire, sa rétractation ne peut être sanctionnée que par des dommages-intérêts. (Cass. civ 3e, 15 décembre 1993, pourvoi n° 91- 10199)
Cette solution a plusieurs fois été réaffirmée par la Cour de cassation (Cass. civ 3e, 28 octobre 2003, pourvoi n° 02-14459 ; Cass. civ 3e, 25 mars 2009, pourvoi n° 08-12237 ; Cass. civ 3e, 11mai 2011, pourvoi n° 10-12875 ; Cass. com., 13 septembre 2011, pourvoi n° 10-19526).
Cependant , ce principe doit être largement nuancé.
En effet, seules les obligations de faire ou de ne pas faire présentant un caractère purement personnel sont soumises à l'article 1142 du code civil.
En revanche, lorsque l'exécution de l'obligation n'a pas de caractère strictement personnel, le créancier ne saurait se satisfaire d'une compensation pécuniaire ou exécution par équivalence.
Ainsi, lorsque l'exécution forcée de l'engagement du débiteur est possible et demandée par le créancier, elle doit être ordonnée pour que soit respectée la force obligatoire du contrat.
Ceci est le cas, par exemple, lorsque la prestation convenue peut être accomplie par une autre personne que le débiteur, comme il en va de l’exécution d’un travail de nature quelconque ou standard. Le créancier peut alors obtenir qu’une tierce personne accomplisse la prestation aux frais du débiteur.
A cet effet, l’article 1143 du code civil dispose :
« Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu ».
De même, l’article 1144 du code civil dispose également :
« Le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution ».
La faculté de remplacement du débiteur suppose donc une autorisation du juge. (Soc, 5 juin 1953 ; Civ 3e, 29 novembre 1972, Civ 3e, 20 mars 1991 ; Civ 3e, 5 mars 1997 ; Civ 3e, 11 janvier 2006)
A cette occasion, le juge qui ferait droit à la demande peut condamner le débiteur à faire l’avance des sommes nécessaires à l’exécution par le tiers.
Par ailleurs, depuis quelques décennies la Cour de cassation, sous couvert de l’article 1184 du code civil, rappelle régulièrement la règle selon laquelle : «la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible». (Cass civ 3, 11 mai 2005, pourvoi n° 03-21136 ; Cass. civ. 1re, 16 janvier 2007, pourvoi no 06-13983)
La Cour de cassation admet ainsi la possibilité de l'exécution forcée en nature de l'obligation contractuelle de faire ou de ne pas faire, lorsque l’exécution forcée est possible.
Mieux, elle affirme même qu'il s'agit pour le créancier d'un droit opposable au débiteur (Cass. civ. 1re, 16 janvier 2007, précité).
En outre, la Cour de cassation a admis la possibilité d'obtenir l’exécution forcée d'une obligation de faire, si une clause du contrat le permet.
En effet, selon la Haute juridiction, les parties à une promesse unilatérale de vente sont libres de convenir que le défaut d’exécution par le promettant de son engagement de vendre peut se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente. (Cass. Civ. 3e, 27 mars 2008, pourvoi n° 07-11721)
Toutefois, le droit à l'exécution forcée en nature connait quelques limites.
D'abord, ce droit n'existe que « lorsque l'exécution est possible » : l'impossibilité pouvant être soit matérielle (si la prestation promise a définitivement disparu ou perdu son utilité pour le créancier) soit juridique (si elle est devenue illicite ou que l'exécution en nature porte atteinte à un droit acquis par un tiers de bonne foi) ;
Ensuite, l'exécution en nature n'est de droit que si elle est demandée par l'une des parties mais qu'en revanche, lorsque celles-ci sont d'accord pour lui substituer des dommages et intérêts, le juge ne peut passer outre.
Dès lors, tous les moyens légitimes d'exécution forcée peuvent être mis en œuvre notamment l'astreinte qui est un moyen particulièrement efficace de contraindre indirectement le débiteur à s'exécuter en exerçant une pression sur son patrimoine.
En définitive, le créancier d'une obligation de faire est titulaire d'un droit à son exécution forcée en nature. Ce droit à l’exécution forcée en nature ne fléchit que lorsque sa mise en œuvre risquerait de mettre en péril une liberté essentielle du débiteur ou les droits acquis par des tiers de bonne foi.
Aussi, puisque l'exécution forcée en nature constitue un droit pour le créancier, le juge ne peut pas, par conséquent, refuser de condamner le débiteur à exécuter son obligation contractuelle lorsque le créancier le lui demande, en substituant à cette condamnation une allocation de dommages et intérêts. (Cass civ 3, 11 mai 2005, précité)
Yaya MENDY