Dans un communiqué de presse en date du 17 septembre 2010, l’AMF est venue rappeler les « règles applicables en matière de sondage de marché aux prestataires de service d’investissement ». Le sujet est toujours d’actualité, étant donné le ralentissement général de l’économie mondiale et l’incertitude des marchés financiers. Depuis 2008, la pratique des « sondages des marché » auprès des investisseurs est un outil auquel il est de plus en plus souvent fait appel avant certaines opérations (par exemple une augmentation de capital). En effet, le sondage de marché a pour objet l’optimisation des décisions des acteurs sur les marchés financiers. Cette pratique permet d’évaluer les risques et de parer à l’instabilité des marchés. Si le mode opératoire n’est pas nouveau sur les marchés actions, il est plus récent sur les marchés obligataires et aucune distinction réglementaire n’existe entre les deux.
Depuis l’arrêté du 5 août 2008, les règles relatives aux sondages de marché se trouvent à l’article 216-1 du règlement général de l’AMF, qui dispose de l’obligation, pour le prestataire chargé de tester l’intérêt du marché, de solliciter leur accord et d’informer ses interlocuteurs de la nature privilégiée de l’information échangée et ce, en matière de titres de capital comme en matière de titres de créance.
Le risque de commission d’un abus de marché pèse sur tout sondage de marché, preuve en est l’audience de la Commission des sanctions de l’AMF du 17 mars 2011 qui a du se pencher sur cette problématique brûlante. Plus qu’une question liée à l’intégrité du marché, Il s’agit également d’un enjeu de place car il existe une concurrence réglementaire à l’international sur le sujet en l’absence de toute harmonisation au niveau européen.
Pour éviter toute prise de risque, certains établissements financiers vont jusqu’à refuser d’être sondés ; solution qui semble a priori justifiable de la part d’un Asset Manager mais critiquable en ce qu’en niant l’existence et la nécessité de tels sondages elle fait disparaitre tout cadre régulé, laissant la crainte que des sondages de marché soient réalisés officieusement, multipliant ainsi le risque de commission d’abus de marché.
Quelles sont les lignes directrices pour encadrer les sondages de marché ? Conformément aux règles posées par l’article 216-1 du règlement général de l’AMF, le sondeur devra recueillir l’accord préalable des personnes qu’il envisage d’interroger ; informer les sondés que leur participation au sondage les conduit à recevoir une information privilégiée (et ainsi rappeler les obligations d’abstention qui en découlent) ; établir et garder à jour une procédure qui prévoit la manière dont le responsable de la Conformité est informé du sondage et, à la suite dudit sondage, de la conservation dans un registre du nom des personnes ayant acceptées d’être interrogées ainsi que la date et l’heure à laquelle elles ont été contactées.
Mais des incertitudes demeurent : doit-on considérer qu’il y a, pour tout sondage, transmission d’une information privilégiée ? A quel moment l’obligation d’abstention qui découle de cette information privilégiée cesse-t-elle ?
La formulation du règlement général de l’AMF ne permet pas de discuter de la première interrogation en ce que l’article 216-1 intègre la notion d’information privilégiée dans la définition même du sondage; néanmoins la question du sondage réalisé sans information privilégiée mérite d’être posée. On pourrait parfaitement imaginer – c’est là la vision anglo-saxonne – qu’une approche in concreto doive être adoptée, pour discuter de la nature de l’information transmise. Il existe un actuel paradoxe entre la définition du sondage de marché de laquelle on doit déduire une transmission automatique d’information privilégiée et le renvoi par cette même définition à l’article 621-1 du règlement général de l’AMF qui amène à une analyse factuelle du caractère privilégié ou non de l’information. Une évolution terminologique et réglementaire entre les sondages de marché avec transmission d’information privilégiée et sondages de marché sans serait, pourquoi pas, à souhaiter.
Quant à la question de la fin des restrictions, celle-ci se pose surtout lorsque l’opération visée ne fait pas l’objet d’annonce publique et n’a finalement pas lieu. A quel moment le sondé est-il cleansed selon l’expression anglo-saxonne (fin du caractère privilégiée de l’information libérant des obligations qui en découlent) ? La réponse ne semble pas évidente. De plus, à qui appartient-il de prendre la décision et par conséquent de porter la responsabilité de la fin des obligations d’abstention ? Des interrogations à ce jour en l’attente de réponse.