Retrait ou suspension du permis de conduire : quels impacts sur le contrat de travail ?

Publié le 20/11/2017 Vu 4 889 fois 0
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Pour l’exercice de nombreux métiers, la détention du permis de conduire se révèle indispensable, que la conduite soit l’objet du contrat (ex : chauffeur-routier, conducteur de bus etc.) ou non. Or, lorsque le permis de conduire du salarié est suspendu ou retiré, se pose inévitablement la question de ses conséquences sur le contrat de travail.

Pour l’exercice de nombreux métiers, la détention du permis de conduire se révèle indispensable, que la

Retrait ou suspension du permis de conduire : quels impacts sur le contrat de travail ?

  1. Le salarié peut-il être licencié en raison du retrait ou de la suspension de son permis de conduire ?

La jurisprudence a une approche différente selon que le contrat de travail a pour objet la conduite (ex : chauffeur-livreur, conducteur de bus etc.) ou non.

  1. Si le contrat de travail a pour objet la conduite :

Dans le cas où le contrat de travail a pour objet la conduite, une suspension ou un retrait de permis de conduire a comme conséquence directe l’incapacité pour le salarié d’exécuter les fonctions pour lesquelles il a été recruté.

À ce titre, la jurisprudence considère qu’une suspension du permis de conduire, pour quelques mois seulement, peut justifier un licenciement, dès lors que cette suspension empêche le salarié d’effectuer sa prestation de travail (Cass. Soc., 1er avril 2009, n°08-42.071 : pour une suspension de 4 mois).

  1. Si le contrat de travail n’a pas pour objet la conduite :

Dans le cas où le contrat de travail n’a pas pour objet la conduite, mais que la conduite est essentielle à la réalisation de la prestation de travail (ex : cas des commerciaux), la jurisprudence considère que le licenciement n’est justifié que si la suspension ou le retrait du permis de conduire rendent impossible l’exécution du contrat de travail.

Par conséquent, si le salarié peut poursuivre l’exécution normale de son contrat de travail, par exemple en prenant les transports en commun, l’employeur ne peut mettre fin à son contrat de travail (v. notamment Cass. Soc., 15 avril 2016, n°15-12.533 ; Cass. Soc., 2 février 2011, n°09-71.742).

Pour que l’employeur puisse licencier le salarié dont le permis a fait l’objet d’une suspension ou d’un retrait, il faut que cette mesure administrative impacte l’exécution du contrat de travail et qu’elle créée un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise.

ATTENTION : certaines conventions collectives peuvent limiter le pouvoir d’action de l’employeur en cas de suspension ou de retrait du permis de conduire du salarié.

À ce titre, l’article 6-1 de l’ANI des VRP du 3 octobre 1975 dispose que « la suppression du permis de conduire, en tant que telle, ne peut être considérée comme une faute justifiant la rupture du contrat de travail. Cette rupture éventuelle ne pourrait se fonder que sur la gêne apportée effectivement à l’entreprise par cette suspension ou la nature de l’infraction l’ayant entraînée ».

  1. La problématique des clauses de détention du permis de conduire

En pratique, lorsque la détention du permis de conduire est indispensable à l’exécution du contrat de travail, l’employeur a la possibilité d’y insérer une clause par laquelle il mentionne que les fonctions du salarié rendent nécessaire la conduite d’un véhicule et donc la détention d’un permis de conduire valide.

Cette clause peut également préciser les éventuelles conséquences d’un retrait ou d’une suspension du permis de conduire.

Toutefois, la clause ne peut prévoir que le contrat de travail sera nécessairement rompu en cas de suspension ou de retrait du permis de conduire, dès lors que cela constituerait une cause préconstituée de licenciement, ne pouvant s’imposer au juge ; la clause ne peut pas prévoir qu’une suspension ou un retrait du permis de conduire constituent une cause de licenciement (Cass. soc., 12 février 2014, n°12-11.554).

Ainsi, en cas de contentieux, une clause de détention du permis de conduire oblige malgré tout l’employeur à démontrer que la suspension ou le retrait du permis de conduire rendent impossible la poursuite du contrat de travail.

  1. Le retrait ou la suspension du permis de conduire peuvent-ils constituer une faute disciplinaire ?

Sur ce point, il convient d’opérer une distinction selon que l’infraction au code de la route a été commise pendant le temps de travail ou en dehors du temps de travail, dans le cadre de la vie personnelle du salarié.

  1. Lorsque l’infraction est commise pendant le temps de travail

Pendant le temps de travail, un retrait ou une suspension du permis de conduire peuvent constituer une faute disciplinaire, dès lors que l’infraction commise par le salarié viole les règles de discipline en vigueur au sein de l’entreprise ou constitue un manquement à ses obligations contractuelles.

Ainsi, par exemple, l’employeur est en droit de licencier le salarié pour faute, dès lors que le retrait ou la suspension du permis de conduire résulte d’une conduite en état d’ébriété ou d’une consommation de produits stupéfiants.

La Cour de cassation a ainsi reconnu qu’une conduite en état d’ébriété ou un excès de vitesse, mettant en danger la sécurité des autres usagers de la route, pouvaient justifier un licenciement pour faute grave (v. notamment Cass. Soc., 30 septembre 2013, n°12-17.182).

  1. Lorsque l’infraction est commise en dehors du temps de travail

En dehors du temps de travail, un retrait ou une suspension du permis de conduire ne peuvent jamais justifier une sanction disciplinaire, quelle qu’elle soit (avertissement, blâme, licenciement pour faute etc.).

Un fait commis dans le cadre de la vie privée du salarié ne peut justifier une sanction disciplinaire.

Dans ce cadre, une mesure de licenciement disciplinaire notifiée au salarié serait dépourvue de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 10 juillet 2013, n°12-16.878). Seul un licenciement pour trouble objectif pourrait être invoqué par l’employeur si les conditions sont réunies.

  1. Les effets de l’annulation du permis de conduire

Lorsque l’employeur procède au licenciement de son salarié en raison du retrait temporaire de son permis de conduire, ce dernier s’expose au risque que la décision de retrait de permis soit annulée par le juge administratif.

La décision administrative annulant le retrait du permis de conduire ayant un effet rétroactif, la mesure de licenciement notifiée par l’employeur devient alors sans cause réelle et sérieuse, même si elle était justifiée antérieurement à la décision du juge administratif (Cass. Soc., 12 décembre 2012, n°12-13.522).

  1. Quelles solutions alternatives au licenciement en cas de suspension ou de retrait du permis de conduire du salarié ?

En cas de suspension ou de retrait de son permis de conduire, le salarié peut proposer à son employeur des solutions de substitution, comme par exemple se faire conduire le temps de la suspension ou prendre les transports en commun.

Si l’employeur ne veut pas se séparer d’un collaborateur en raison d’une suspension du permis de conduire, il peut par exemple proposer au salarié de prendre ses congés payés, ses JRTT ou décider de suspendre temporairement le contrat de travail du salarié, dès lors que l’exécution du contrat de travail rend indispensable la détention du permis de conduire par le salarié.

L’employeur peut également proposer au salarié d’utiliser son compte-épargne temps, à la condition que l’accord sur le compte-épargne temps autorise le salarié à en faire usage pour convenance personnelle.

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