PROPRIÉTAIRE, VOUS SOUHAITEZ LOUER VOTRE LOGEMENT ?
Le bailleur propriétaire de son bien peut mettre en location son logement. Cependant, il est tenu de faire très attention lors du choix de son locataire.
En effet, si le bailleur reste libre du choix de son locataire, sa liberté est cependant limitée car il ne doit pas commettre de discrimination en choisissant son locataire.
Ainsi, il doit bien rédiger son annonce, la publier dans un journal local ou sur internet et être vigilant à ce que son annonce ne soit pas discriminatoire.
I – Le choix du locataire : louer sans discriminer
En recevant les différentes candidatures, le bailleur doit encore une fois être vigilant à ne pas commettre de discrimination. Un propriétaire ne peut pas refuser de contracter avec une personne pour des motifs jugés non légitimes. Cependant en fondant son choix sur des critères objectifs, le bailleur peut refuser tout en respectant la loi.
A) Les motifs de refus illégitimes : les 20 critères de discrimination prohibés par la loi
Les motifs de refus discriminatoires et prohibés par la loi sont énumérés à l’article 225-1 du Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physique sur le fondement :
- de leur origine,
- de leur sexe,
- de leur situation de famille,
- de leur grossesse,
- de leur apparence physique,
- de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique,
- de leur patronyme,
- de leur lieu de résidence,
- de leur état de santé,
- de leur perte d'autonomie,
- de leur handicap,
- de leurs caractéristiques génétiques,
- de leurs mœurs,
- de leur orientation sexuelle,
- de leur identité de genre,
- de leur âge,
- de leurs opinions politiques,
- de leurs activités syndicales,
- de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français,
- de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminé
Cet article du Code pénal énumère ainsi les 20 motifs de discrimination qui sont passibles de sanctions pénales. L’auteur d’une discrimination encourt jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Ces motifs de discrimination énumérés à l’article 225-1 du Code pénal et les sanctions pénales qui en découlent s’appliquent au bailleur qui refuse de louer un bien pour des raisons discriminatoires. En effet, l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989 tenant à améliorer les rapports locatifs précise qu’« aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du Code pénal ».
La loi interdit et sanctionne donc le bailleur qui refuse la location à une personne en raison d’un motif discriminatoire.
La Cour de cassation a dans un arrêt du 7 juin 2005 (n°04-87354) condamné pénalement pour discrimination une agence immobilière et le bailleur qui ont refusé de louer à une personne d’origine maghrébine.
Le bailleur doit donc être particulièrement vigilant car la personne qui se voit refuser le logement possède en sa faveur une présomption de discrimination. C’est alors au bailleur de prouver que son refus est justifié par un motif légitime.
B) Les motifs de refus légitime
Cependant, le bailleur peut refuser de louer à certaines personnes s’il justifie son refus par un motif légitime.
Le bailleur peut légitiment refuser de louer son logement :
- Si la personne souhaitant louer ne dispose pas de ressources suffisantes pour assumer le montant du loyer. Il n’existe pas de seuil légal, néanmoins l’usage est que le loyer ne doit pas dépasser 30% des ressources, à défaut le bailleur est en droit de refuser la location.
Le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne dans un jugement du 3 avril 2008 a admis que la preuve du caractère discriminatoire du refus ne peut être déduite de la seule analyse financière du dossier.
Cependant, la loi du 18 novembre 2016 introduit comme un motif de discrimination « la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de l’auteur de la discrimination ». Ainsi, le bailleur qui refuse de louer le logement au motif que le candidat a de faibles ressources pourrait être assimilé à un motif de discrimination. La jurisprudence devra se prononcer à propos de ce motif qui ouvre le champ à des interprétations différentes.
- Si la personne qui souhaite louer ne respecte pas la destination des lieux. Par exemple, si le logement est à usage exclusif d’habitation, le bailleur peut légitiment refuser de louer à une personne qui souhaiterait y effectuer son activité professionnelle.
- Si le nombre d’habitants n’est pas compatible avec la taille du logement loué (nombre de personnes excessif par rapport à la taille du logement). En effet, un nombre excessif d’occupants pourrait contrevenir aux exigences du règlement sanitaire départemental ou aux conditions d’octroi des aides au logement.
II – La constitution du dossier : les documents pouvant être exigés par le bailleur
Pour examiner le sérieux de la candidature des locataires, le bailleur peut leur demander de constituer un dossier. Néanmoins, le bailleur peut uniquement demander les documents qui sont autorisés par la loi et énumérés dans le décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015.
Ces documents permettent au bailleur de vérifier l’identité, le domicile, l’activité professionnelle et les ressources de chaque candidat et des personnes qui se portent garants.
A) Liste des pièces justificatives pouvant être exigées de chacun des candidats à la location : annexe I du décret.
Les documents qui peuvent être demandés au locataire sont énumérés à l’annexe I du décret du 5 novembre 2015 :
- Une pièce justificative d’identité en cours de validité.
Le bailleur est en droit de demander au candidat une carte d’identité, un passeport ou un permis de conduire.
- Une pièce justificative de domicile.
Pour cela, le bailleur peut demander les trois dernières quittances de loyer oule dernier avis de taxe foncière du candidat.
- Un ou plusieurs documents attestant des activités professionnelles.
Le bailleur peut ainsi demander que lui soit communiquer le contrat de travail, l’extrait K du candidat, l’extrait K bis du registre du commerce et des sociétés de moins de trois mois si le candidat est une entreprise commerciale, l’extrait D 1 original du registre des métiers de moins de 3 moins si c’est un artisan, la copie de la carte professionnelle si le candidat exerce une profession libérale ou si le candidat est une étudiant sa carte d’étudiant ou son certificat de scolarité de l’année en cours.
- Un ou plusieurs documents attestant des ressources.
Le bailleur peut demander le dernier ou avant-dernier avis d’imposition du candidat, les 3 derniers bulletins de salaires, le justificatif de versement des indemnités de stage, l’avis d’attribution de bourse pour les étudiants boursiers, le justificatif de revenus fonciers, de rentes viagères ou de revenus de valeur et capitaux mobiliers …
B) Liste des pièces justificatives pouvant être exigées de la caution : annexe II du décret
Le bailleur peut demander qu’une autre personne que le locataire se porte caution en cas de défaillance du locataire.
Ainsi, les documents qui peuvent être exigées de la caution sont semblables à ceux qui peuvent être demandés au candidat qui souhaite louer le logement (cf annexe II du décret du 5 novembre 2015) :
- Pour les cautions personnes physiques, une pièce justificative d’identité en cours de validité ;
- Pour les cautions personnes morales, l’extrait K bis de moins de trois mois de la société et le justificatif d’identité du représentant de la personne morale ;
- Une seule pièce justificative de domicile ;
- Un ou plusieurs documents attestant des activités professionnelles ;
- Un ou plusieurs documents attestant des ressources.
L’interdiction de discriminer s’applique aussi à la caution : le bailleur ne peut pas refuser une personne du seul fait de sa nationalité étrangère.
C) Les sanctions du non respect de cette liste par le bailleur
Toute demande de document ne figurant pas sur cette liste expose le bailleur particulier à une amende pouvant aller jusqu’à 3.000 € et jusqu’à 15.000 € pour le bailleur personne morale (agence immobilière, SCI).
Il est également important de noter que la demande par le bailleur d’un chèque de garantie est une pratique qui est aujourd’hui prohibée. A la différence du chèque de caution, le chèque de garantie permettait de justifier la détermination du candidat.
Ainsi en cas de signature du bail, le chèque venait en acompte sur le paiement du loyer mais en cas de désistement du candidat, le chèque versé valait indemnisation du bailleur. Donnant lieu à de nombreux abus, cette pratique est aujourd’hui strictement interdite par la loi. En effet, l’article 4o) de la loi du 6 juillet 1989 répute non écrite tout clause « qui impose au locataire, le versement, lors de l’entrée dans les lieux, de sommes d’argent en plus de celles prévues aux articles 5 (honoraires de l’agent immobilier) et 22 (dépôt de garantie d’un mois) ».
Cependant, il arrive parfois que le locataire présente des faux documents (fausses pièces d’identité ou bulletin de paie falsifié). Dans ce cas, le bailleur a deux moyens d’actions :
- Le bailleur peut saisir le juge afin qu’il prononce la résiliation du bail pour consentement vicié en application de l’article 1137 du Code civil.
- Le bailleur peut porter plainte contre le locataire pour altération frauduleuse de la vérité, de nature à cause à préjudice en vertu de l’article 441-1 du Code pénal et qui est sanctionné jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
III – Le mandat de recherche et le mandat de gestion : l’appel à un professionnel pour rechercher le locataire et gérer le bien immobilier du bailleur
Le bailleur peut non seulement déléguer la recherche du locataire mais également la gestion de son logement à un professionnel :
- Si le bailleur souhaite déléguer uniquement la recherche du locataire tout en gardant la gestion de son bien, il signe un mandat de recherche valable pour 3 mois. Lorsque le mandataire trouve un candidat qui répond aux critères de recherche, le bailleur est tenu de l’accepter.
- S’il souhaite en plus déléguer la gestion de son logement, il peut alors signer un mandat de gestion.
IV - La signature du contrat et la possibilité d’avoir recours à des garanties supplémentaires
A) Le respect d’un contrat de bail type
Le contrat de location doit respecter les mentions de l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 . Il doit être établi par écrit, respecter le contrat type et contenir des mentions obligatoires tels que :
- le nom du bailleur, son domicile
- le nom du locataire
- la date de prise d’effet et la durée
- la consistance, destination de la chose louée
- le montant du loyer de référence
(…)
B) Les garanties supplémentaires
En plus de la caution, le bailleur peut prévoir d’autres garanties extérieures :
- garanties du contrat SACAPP qui assure jusqu’à 80 000 € et qui couvre les loyers impayés, les frais de sinistre et les dégradations locatives ;
- garanties du contrat VISALE qui est un contrat gratuit et qui se constitue par internet. Il permet de garantir les loyers impayés pour 3 ans mais non les dégradations. Pour ce contrat, le locataire doit avoir moins de 30 ans et la garantie ne peut se cumuler avec une caution.
- Le versement direct des allocations de la CAF ;
Maître Ilanit SAGAND-NAHUM,
Avocat à la Cour
28, Bld de la Bastille
75012 PARIS