Alors qu’en ce domaine, la position des Tribunaux était très attendue, un jugement vient d’être rendu par le Tribunal Judiciaire de Paris en date du 25.02.2021 en défaveur des locataires commerciaux.
Le Tribunal a en effet rejeté la demande d’exception d‘inexécution qui avait été formée par le locataire commercial pour s’affranchir du paiement de ses loyers pendant la période de fermeture administrative des commerces du 15.03.2020 au 11.05.2020.
Il convient de rappeler le contexte.
Compte tenu des mesures administratives de fermeture des commerces, certains locataires commerciaux avaient argué du fait qu’aucun loyer ne serait dû pour mars et avril 2020.
Il y avait certes des arguments en cette faveur, compte tenu de l’obligation de délivrance ou de jouissance paisible pesant sur le bailleur, qui font défaut dés lors que le bailleur manque à ses obligations.
En effet, en application de l’article 1219 du code civil, le locataire peut paraitre bien fondé à faire valoir l’exception d’inexécution.
Toutefois, la doctrine n’est pas unanime sur le sujet quant à l’application de l’article 1219 du code civil ou non dans ces cas de figure.
Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d’exercer l’activité prévue par le bail et d’en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la durée du bail.
Pour certains auteurs, le manquement à l’obligation de délivrance du bailleur n’est pas avéré car c’est le fait d’un tiers à savoir la mesure administrative de fermeture qui a privé le locataire de l’utilité du local mais elle ne serait pas imputable au propriétaire bailleur.
C’est ce raisonnement que semble t il a suivi le Tribunal judiciaire de Paris dans le jugement précité.
Le Juge a considéré que l’article 1719 du code civil n’avait pas pour objet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués dans lequel s’exerce son activité et qu’e conséquence le preneur était tenu de payer le loyer au tarif convenu dans le bail selon l’article 1728 du code civil.
Ainsi, le Tribunal a rejeté l’argument du locataire qui faisait valoir l’article 1219 du code civil en invoquant l’exception d’inexécution, considérant que le bailleur n’avait pas exécuté son obligation de délivrance prévue par l’article 1719 du code civil.
La bailleresse quant à elle faisait valoir le fait que c’était une décision gouvernementale de fermeture des commerces au public qui avait mis le locataire dans cette situation et que ceci n’était pas imputable à la bailleresse.
Pour autant, un autre jugement rendu par le TJ de Paris siégeant en qualité de Juge de l’Exécution, en date du 20.01.2021 avait quant à lui considéré que le locataire était libéré du paiement de ses loyers du fait que l’établissement avait fermé en se basant sur un autre fondement juridique cette fois à savoir sur l’article 1722 du code civil portant sur la perte de la chose louée.
Toutefois, il convient de relativiser la portée de ces récents jugement rendus en première instance, lesquels aboutissent à une conclusion différente dans l’un et l’autre cas du fait de fondements juridique différent.
Attendons une jurisprudence émanant de la Cour d’Appel voire de la Cour de Cassation qui espérons le uniformisera la jurisprudence en la matière.
En attendant, rien n’empêche le locataire commercial de saisir le Tribunal en tentant sa chance à son tour pour être déchargé du paiement de ses loyers et en prenant un conseil avisé en la matière.
Maître Ilanit SAGAND NAHUM
Avocat au Barreau de Paris
Consultante à l'UNPI