L'obligation de délivrance pesant sur le bailleur dans un bail commercial

Publié le Modifié le 26/12/2018 Vu 10 011 fois 0
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Le bailleur peut-il encore s'exonérer de son obligation de délivrance et de supporter les charges liées à la vétusté dans un bail commercial?

Le bailleur peut-il encore s'exonérer de son obligation de délivrance et de supporter les charges liées à

L'obligation de délivrance pesant sur le bailleur dans un bail commercial

L'obligation de délivrance pesant sur le bailleur, obligation fondamentale, peut être et doit être analysée à la lumière des nouvelles dispositions relatives à l'interdiction des clauses exonératrices de responsabilité inhérentes à la vétusté introduites par la loi dite PINEL.

Bien avant la loi PINEL la jurisprudence avait déjà, très largement limité l'utilisation de ces clauses à travers l'obligation de délivrance pesant sur le bailleur.

Petit rappel sur cette obligation de délivrance.

Il ressort en droit de l’article 1719 du Code Civil, que le bailleur est tenu à une obligation de délivrance de la chose louée afin que le preneur puisse tirer toute satisfaction de la chose et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

L'article 1721 du Code civil dispose qu’il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail ».

Aussi, le bailleur doit mettre à la disposition du preneur une chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, voilà une obligation essentielle que les bailleurs ont trop tendance à oublier.

Il en ressort que l’obligation de délivrance qui s’impose au bailleur demeure une obligation fondamentale et essentielle du bail, contrat synallagmatique.

Que permettre au bailleur, de s’exonérer de cette obligation essentielle du bail, reviendrait à priver ce dernier de toute substance.

Ceci explique que l’évolution jurisprudentielle récente semble faire de cette obligation, une véritable obligation d’ordre public à laquelle on ne peut déroger contractuellement.

(Cass  31 oct 2012 Ch civ 3ème-11-12970 et N°11-20660)

Ces jurisprudences sont d'ailleurs régulièrement rappelées par les TGI et Cour d'appel, rappelant de manière régulière que le bailleur ne peut se soustraire à cette obligation de délivrance.

Le bailleur ne peut ainsi, par aucune clause du bail, s’exonérer de son obligation principale au bail qu’est son obligation de délivrance, par analogie avec le droits des libéralités, il pourrait être affirmé « donner à bail et ne pas délivrer ne vaut »

Si les clauses exonératrices de responsabilités étaient admises, elles n'en demeuraient pas moins encadrées par de strictes conditions.

En effet, la clause devait d’abord être non équivoque et surtout d’interprétation stricte.

Cela demeurait d'autant plus vrai que, bien souvent, les désordres faisant obstacle à l'utilisation des locaux ne sont décelés par le preneur qu'au moment des travaux d'aménagement et une fois les fausses cloisons et plafonds déposés.

Notamment lorsqu'il s'agissait des désordres classiques touchant les poutres et structure de l'immeuble, n'apparaissant qu'une fois le faux plafond déposé.

Les juges écartaient donc les clauses habituelles portées au bail selon lesquelles le preneur prenait les locaux en l'état, sans recours possible contre le bailleur.....

Plus important, il est rappelé que, selon une jurisprudence récente, le bailleur ne peut s’exonérer de son obligation de délivrance.

Ainsi, la clause interdisant au preneur d'exercer contre le bailleur un recours quelconque pour vices cachés ou apparents, défauts ou malfaçons ne prive pas le preneur de faire valoir que le bailleur est tenu d'une obligation de délivrance et de réparation de la chose louée afin que le preneur puisse en jouir paisiblement pendant la durée du bail (Cass. 3e civ., 18 mars 2009 : JurisData n° 2009-047515)- (Cass. 3e 20 janvier 2009-Gaz Pal.5 mai 2009).

De même et par analogie au action classique en responsabilité contractuelle,  il avait été décidé que si le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, les travaux rendus nécessaires par la vétusté, il ne peut en raison de l’obligation de délivrance à laquelle il est tenu s’exonérer de l’obligation de procéder aux réparations rendues nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble. (Cass 3èmeCh civ.9 Juillet 2008 bull 2008,III, N°121).

On voyait ainsi se dessiner le lien entre l'obligation de délivrance pesant sur le bailleur et les clauses visant à exonérer ce dernier de la vétusté des locaux donnés à bail.

Enfin, dans un arrêt de principe du 31 octobre 2012, la Cour de cassation a fixé l’obligation de délivrance du bailleur en précisant que le bail ne peut décharger le bailleur de son obligation de délivrance d’un local en état de servir à l’usage contractuel prévu. (Cass  31 oct 2012 Ch civ 3ème-11-12970).

On l'a vu avant l'entrée en vigueur de la  loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel, les parties à un bail commercial disposaient d'une grande liberté pour aménager la répartition de la charge des travaux à effectuer dans le local loué.

En pratique, les clauses par lesquelles le bailleur transfère à la charge du preneur la totalité des travaux à l'exception de ceux visés à l'article 606 du code civil sont très courantes.

Pour rédiger ces clauses, les bailleurs emploient parfois les termes les plus larges, espérant ainsi être exonérés de la plupart des travaux

Dans bien des cas antérieurs à la Loi dite Pinel, la clause qui était soumise à l'interprétation des juges engageait le preneur « à prendre les lieux loués, sans pouvoir exiger aucuns travaux de quelque nature que ce soit, ni remise en état de la part du bailleur, à les entretenir constamment et à les rendre, en fin de bail, en bon état de réparations de toute nature, à l'exception de celles visées à l'article 606 du code civil ».

Or la portée de ce type de clause était déjà limitée.

Il est en effet de jurisprudence constante, que le bailleur ne peut être exonéré de la charge des travaux nécessités par la vétusté que par une clause expresse (Civ. 3e, 3 déc. 2015, n° 14-21.166, D. 2016. 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand 

Il ne peut donc être déduit d'une clause générale qu'elle inclut nécessairement les travaux résultant de la vétusté. Une solution identique est retenue lorsque les travaux sont dus à un cas de force majeure (Civ. 3e, 31 oct. 2006, n° 05-19.171, D. 2006. 2946 ; AJDI 2007. 296, obs. S. Beaugendre.


La loi Pinel a mis un frein à la liberté contractuelle en matière de répartition des charges locatives. Désormais, l'article R. 145-35 du code de commerce détaille les travaux qui ne peuvent être imputés au locataire en application de l'article L. 145-40-2 du même code.

Il s'agit des dépenses relatives aux grosses réparations visées à l'article 606 du code civil, ainsi que des travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations susmentionnées.

En application de ces dispositions, et pour les baux conclus depuis leur entrée en vigueur, le preneur ne pourra jamais supporter les travaux dus à la vétusté, y compris si le bail le prévoit expressément.

Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière conserve tout son intérêt puisque les clauses stipulées dans les contrats conclus ou renouvelés antérieurement à la publication du décret d'application du 3 novembre 2014 restent valables sous réserve bien entendu que la clause n'ait pour effet de décharger le bailleur de son obligation fondamentale de délivrance....

Il est désormais inutile de stipuler une clause faisant supporter au preneur les travaux dus à la vétusté. Une telle clause serait, en effet, invalidée car contraire à l'article R. 145-35 du code de commerce.

En revanche, les clauses claires et précises insérées dans les baux conclus ou renouvelés avant le 3 novembre 2014 restent applicables et soumisent aux jurisprudences évoquées.

A noter que des désordres touchant des locaux peuvent et sont souvent provoqués par un manque d'entretien des parties communes par la copropriété. (Fuites, isolation de la structure)

Il faudra alors se retourner contre le syndicat des copropriétaires si les clauses du bail s'opposent à l'action à l'encontre du bailleur, car l'effet relatif des conventions s'oppose à ce que le syndicat des copropriétaires puisse se prévaloir des clauses stipulées au bail commercial.

Encore faudra-t-il que le bail commercial ne stipule pas de renonciation du preneur à tout recours à l'encontre de la copropriété....clause de plus en plus fréquente et dont il faudra toujours éviter l'insertion lors de la négociation de son nouveau bail.

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