Vous avez été licencié par votre employeur. A un moment de votre indemnisation, pôle emploi considère que vous avez touché un indu et le prélève directement sur votre ARE.
Il existe des règles sur ces prélèvements mais (comme bien souvent) pôle emploi s'en affranchit allègrement.
Une ordonnance de référé du TGI de PARIS du 29 juillet 2014 rappelle ces règles au bon souvenir de notre chère institution.
C'est l'histoire de Madame X.
***
Madame X travaillait au sein de la société Y avec une ancienneté acquise à compter du 3 juin 1981, avant titularisation le 15 mars 1982.
Elle y a exercé les mandats de délégué syndical, puis de délégué du personnel.
Elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 3 janvier 2007.
Mme X a immédiatement saisi la juridiction prud’homale afin de contester la validité de son licenciement et faire reconnaitre une discrimination syndicale.
Elle s’est inscrite à Pôle Emploi en qualité de demandeuse d’emploi le 10 mars 2007.
Après plus de 5 années de procédure judiciaire, la Cour d’appel de Versailles a reconnu la situation de discrimination syndicale et a prononcé la nullité du licenciement. En conséquence, il a été enjoint à l’employeur de réintégrer la salariée dans son poste et de lui régler l’ensemble des salaires dus depuis son licenciement et jusqu’à sa réintégration.
Mme X a été réintégrée à son poste le 1er août 2012.
Suite à cet arrêt, les services de Pôle Emploi lui ont réclamé, par courrier notifié le 4 juin 2013, le remboursement d’une somme de 6.078,42 €.
Cette somme correspond aux allocations qu’elle a touchées pour la période allant du 5 septembre 2010 au 31 décembre 2011, et serait indue du fait que Mme X aurait exercé une activité professionnelle.
N’ayant pas travaillé durant cette période, Mme X a contesté cette demande et a formé un recours gracieux auprès du directeur de Pôle Emploi.
En réponse, Mme X recevait une nouvelle mise en demeure le 9 juillet 2013…
Finalement, le 4 septembre 2013, il lui était demandé de justifier de ses ressources dans le cadre de l’examen d’une demande de remise de dette.
Contre toute attente, par courrier du 19 décembre 2013, une nouvelle somme, d’un montant de 24.357,19 €, lui était réclamée à titre de trop perçu!
Le motif était le suivant : « Vous avez reçu un paiement qui ne vous était pas dû ». (Vous aurez noté l’extrême précision de ce motif…)
Pour la troisième fois, par courrier du 14 janvier 2014, Mme X expliquait ne pas avoir travaillé durant les périodes litigieuses, et ne devoir aucune somme à Pôle Emploi en vertu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Elle formait à nouveau un recours gracieux.
De nouveau, ce courrier était traité comme une demande de remise de dette (pourtant inexistante !), et des justificatifs de ses ressources lui étaient réclamés.
Finalement, par courrier du 24 avril 2014, à l’issue d’un argumentaire juridique douteux, Pôle Emploi confirmait que sa demande de remboursement était bien fondée.
Pôle Emploi n’a néanmoins pas attendu cette date pour se faire justice à soi-même.
Ainsi, à compter du 5 août 2013, Mme X était de nouveau bénéficiaire de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, pour un montant mensuel d’environ 2.100 €.
D’août à novembre 2013, Pôle Emploi a purement et simplement supprimé l’allocation de Mme X en l’imputant sur le remboursement des sommes réclamées !
A compter de décembre 2013 et jusqu’à ce jour, Pôle Emploi décidait finalement de ne retenir « que » 700 à 800 € par mois sur l’allocation de Mme X.
Il sera ainsi noté le comportement totalement arbitraire de Pôle Emploi dans le remboursement forcé qu’il opère lui-même, tantôt supprimant l’ARE dans sa totalité, tantôt n’en supprimant qu’un tiers…
Madame X a donc entrepris de saisir le Tribunal de Grande Instance de Paris en référé.
1- Les textes applicables :
En vertu de l’article 809, al.2, du code de procédure civile :
« Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
De l'irrégularité des prélèvements sur l’ARE effectués par Pôle Emploi
Il ressort de l’article L.5426-8-1 du code du travail que :
« Pour le remboursement des allocations, (…) indûment versées par [Pôle Emploi], l'institution peut, si le débiteur n'en conteste pas le caractère indu, procéder par retenues sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit. Le montant des retenues ne peut dépasser un plafond dont les modalités sont fixées par voie réglementaire, sauf en cas de remboursement intégral de la dette en un seul versement si le bénéficiaire opte pour cette solution ».
L’article R5426-18 du code du travail précise que ces retenues ne peuvent dépasser 20% du montant de l’allocation.
De même, l’article R5426-19 dudit code indique que la contestation du caractère indu des allocations s’effectue par recours gracieux auprès du Directeur général de Pôle Emploi.
Dans le cas où le bénéficiaire de l’allocation conteste son caractère indu, c’est alors la procédure prévue à l’article L5426-8-2 du code du travail qui trouve à s’appliquer :
« Pour le remboursement des allocations, (…) indûment versées par [Pôle Emploi], le directeur général de [Pôle Emploi] ou la personne qu'il désigne en son sein peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire ».
On pourra souligner que la mise en demeure ne pourra donner lieu à une contrainte que si elle est envoyée en LRAR et précise :
- le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées,
- la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement
- ainsi que, le cas échéant, le motif ayant conduit à rejeter totalement ou partiellement le recours formé par le débiteur (article R5426-20 CT).
2- Dans notre cas :
En l’espèce, c’est à deux reprises que Pôle Emploi a indiqué à Mme X qu’elle aurait indument perçu des allocations chômage :
- 6.078,42 € le 4 juin 2013
- 24.357,19 € le 19 décembre 2013
Ces deux courriers ont été suivis dans un délai d’un mois (respectivement le 2 juillet 2013 et le 14 janvier 2014) par des recours gracieux adressés au directeur de Pôle Emploi.
Aucune contrainte ou procédure judicaire n’ont été entamé par pôle emploi contre Mme X…
Dans ces circonstances, aucune retenue sur les allocations de Mme X ne pouvait être légalement effectuée !
A cet égard, le caractère infondé de ces retenues ressort manifestement des termes du courrier de Pôle emploi.
Ainsi, ces prélèvements étaient infondés dans leur principe.
Mais plus encore, ils étaient infondés dans leur quantum.
En effet, les retenues opérées par Pôle Emploi sur les prestations versées ne peuvent être supérieures à 20% de leur montant en vertu de la règlementation précitée.
En l’espèce, d’août à novembre 2013, c’est 100% des allocations de Mme X qui ont été purement et simplement supprimées sur le fondement d’un supposé remboursement de trop-perçu.
De décembre 2013 jusqu’à ce jour, des retenues de 700 à 800 € sont appliquées aux allocations de Mme X. Celles-ci s’élevant à environ 2.100 €, c’est au minimum un tiers des allocations de l’exposante qui est retenu tous les mois.
Cette situation est manifestement illégale, et atteste de la volonté de Pôle Emploi de s’affranchir sciemment de tout respect du code du travail.
Dans ces circonstances, il n’existe aucune contestation possible sur le fait que Pôle Emploi retient indument des sommes des allocations de Mme X, et ce depuis août 2013.
3- La décision du TGI DE PARIS (RG:14/56495)
Par une décision du 29 juillet 2013, le Président du TGI de PARIS (référé) constate l’irrégularité des prélèvements opérés par Pôle emploi et Ordonne de mettre un terme à ces prélèvements sous astreinte de 1000 € par infraction constatée sous l'angle du trouble manifestement illicite.
Et ce n’est que justice.