Dans cet intéressant arrêt, s’est posée à la fois la problématique de la liberté de création artistique et celle de l’atteinte portée à la propriété de la chose d’autrui.
Un salarié a été embauché comme barman au café concert à l’enseigne « Les Valseuses » à Lyon.
Il a réalisé une décoration sur des panneaux de bois, qui ont été apposés sur la vitrine de l’établissement par son exploitant. A la suite d’un litige portant sur sa rémunération, le salarié a été licencié et il a saisi le conseil des prud’hommes. Après une audience devant cette juridiction, le salarié a tagué sur les deux panneaux de bois, qu’il avait initialement décorés, en y ajoutant la représentation figurative de sexes masculins.
L’exploitant a déposé plainte contre le salarié pour dégradation.
Il est poursuivi sur le fondement de l’article 322-1 alinéa 2 du code pénal, il a été déclaré coupable de ces faits.
Le salarié décide d’interjeté appel de la décision des premiers juges.
La Cour d’appel lui donne gain de cause, c’est-à-dire qu’elle le relaxe, en l’occurence et déclare irrecevable l’action de la partie civile.
La Cour d’appel a privilégié la liberté de création artistique et notamment, la protection due aux « oeuvres graphiques illicites ».
En effet, selon la Cour , il ressort des photographies remises aux enquêteurs que les éléments graphiques réalisés par le prévenu sur ces panneaux représentent -dans une écriture stylisée -le nom de l’établissement avec des éléments décoratifs. Ces éléments graphiques révèlent, quel que soit l’avis que l’on porte sur eux au plan artistique, un effort créatif qui caractérise leur originalité et sont dès lors éligibles à la protection par le droit d’auteur en vertu des dispositions du livre 1 du code de la propriété intellectuelle.
Selon les juges du fond, le salarié n’avait juridiquement cédé à son employeur aucun des droits d’exploitation visés à l’article L. 121-6 du code de la propriété intellectuelle sur son oeuvre. Dés lors, étant titulaire de l’ensemble des droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre graphique, il pouvait la modifier sans autorisation préalable de son employeur.
Ainsi, les juges concluent qu’en l’absence d’un de ses éléments constitutifs, le défaut d’autorisation, l’infraction n’est pas constituée et le prévenu doit être renvoyé des fins de la poursuite ; que le jugement sera en conséquence infirmé sur la culpabilité.
Un pourvoi est formé contre l’arrêt de la Cour d’appel, qui a été censuré par la Cour de cassation.
Il a été soutenu contre l’arrêt, que la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel.
Mais aussi, il a été précisé qu’une oeuvre graphique illicite ne bénéficie pas de la protection accordée par la loi sur la propriété littéraire et artistique; qu’en ne recherchant pas si le salarié avait obtenu l’autorisation expresse du propriétaire de la façade préalablement à toute apposition sur celle-ci d’éléments graphiques.
Au final, la Cour de cassation ne s’est pas aventurée sur le terrain de la propriété intellectuelle et s’est focalisée sur celui de la protection de la propriété matérielle.
En effet, la haute juridiction a cassé l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs que :
« En se déterminant ainsi, tout en constatant que M. X… n’avait pas sollicité l’autorisation du propriétaire de l’établissement pour apposer de nouveaux éléments graphiques sur les panneaux de bois de la façade, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
En somme, le défaut d’autorisation du propriétaire du bien caractérise le délit de dégradation au sens de l’article 322-1 du Code pénal, et ce, peu importe qu’il s’agisse de l’art.
Autrement dit, la liberté de création artistique ne saurait justifier une atteinte à la propriété de la chose d’autrui.
(Cass. crim. 20 juin 2018 n°17-86402).
Dalila MADJID
Avocat au Barreau de Paris