L’activité de mannequin est définie par l’article L. 7123-2 du Code du travail dans les termes suivants :
« Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :
1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image ».
1- L’activité de mannequin : une activité salariée
- Sur la nécessité de signer, au préalable, un mandat civil de représentation
L’article 14 de la convention collective des mannequins énonce que :
« Préalablement à toute négociation des droits à l’image, et de préférence dès l’inscription d’un mannequin dans une agence, un mandat civil de représentation doit être conclu par écrit et signé par les parties. Une version en anglais sera, de plus, remise aux mannequins ne parlant pas le français. Ce mandat est un mandat civil d’intérêt commun, soumis aux dispositions des articles 1984 à 2010 du code civil.
Le mannequin mandate l’agence pour promouvoir sa carrière, procéder à la cession, l’exploitation ou la reproduction de l’enregistrement de ses présentations, établir les documents correspondants, en assurer le suivi, percevoir le produit des droits et assumer les obligations fiscales et sociales qui incombent à l’agence (…). »
Un mandat civil de représentation est préalablement signé, généralement entre le mannequin et l’agence.
Ainsi, le mannequin, mandant, investit l’agence, le mandataire d’un double pouvoir, à savoir un mandat de recherche pour procéder à une recherche d’utilisateurs et les conclusions de contrats de mise à disposition permettant au mannequin d’exercer sa profession et un mandat de gestion et représentation autorisant l’agence à procéder à la cession, l’exploitation ou la reproduction de l’enregistrement de la présentation du mannequin au sens de l’article L. 7123-6 du code du travail.
- Sur la nécessité de signer un contrat de travail
Le Code du travail prévoit une présomption de salariat renforcée pour l’activité de mannequin, régie par les dispositions de l’article L. 7123-3 du Code du travail, qui énonce que :
« Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant une rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ».
Aussi, il est précisé à l’article L. 7123-4 du Code du travail que :
« La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.
Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation ».
Par ailleurs, lorsqu’une agence de mannequins met un mannequin à la disposition d’un utilisateur, un contrat de mise à disposition précisant les caractéristiques de la prestation demandée au mannequin doit être conclu par écrit entre l’utilisateur et l’agence. Un exemplaire de ce contrat est délivré par l’agence au mannequin avant toute acceptation de sa part de la mission qui lui est proposée. (L’article L. 7123-17 du Code du travail)
Lorsqu’une agence de mannequins met un mannequin à la disposition d’un ou plusieurs utilisateurs, un contrat de mise à disposition doit être conclu par écrit entre l’agence et le ou les utilisateurs avant le début de la prestation.
Le contrat de travail conclu entre l’agence et chacun des mannequins qu’elle emploie doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son objet .
Le contrat de travail liant l’agence de mannequins à chaque mannequin mis à la disposition d’un utilisateur doit être remis au mannequin, ou à ses représentants légaux, au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant sa mise à disposition (L’article 11 de la convention collective des mannequins; l’article R. 7123-1 du Code du travail)
Aux termes des dispositions de l’article R. 7123-1 du Code du travail, le contrat de travail doit comporter :
1° La date de la délivrance du contrat de mise à disposition prévu à l’article L. 7123-17 ;
2° La qualification du mannequin au regard des conventions et accords collectifs de travail applicables ;
3° Le montant, ou le cas échéant le taux horaire, et les modalités de fixation et de versement des salaires et rémunérations dus au mannequin ;
4° Une clause de rapatriement du mannequin à la charge de l’agence de mannequins lorsque la mission est réalisée hors du territoire métropolitain. Cette clause n’est pas applicable en cas de rupture du contrat à l’initiative du mannequin, sauf si celui-ci est mineur ;
5° Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et, le cas échéant, de l’organisme de prévoyance dont relève l’agence de mannequins ;
6° Une clause précisant les conditions dans lesquelles est autorisée par le mannequin, ou ses représentants légaux, et rémunérée la vente ou l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation, au sens de l’article L. 7123-6.
Ainsi, chaque mission doit faire l’objet d’un contrat de mise à dispositions spécifique et préalable que le mannequin est libre d’accepter ou de refuser.
- Les risques d’une requalification en contrat à durée indéterminée
– Il a été jugé qu’un mannequin employé par une agence de mannequin sans contrat écrit conforme aux dispositions des articles L. 7123-5 du Code du travail est titulaire de fait d’un contrat à durée indéterminée. La Cour d’appel considère que l’inobservation de ces textes d’ordre public a pour effet de soumettre la relation contractuelle aux règles du droit commun du contrat à durée indéterminée (CA Paris 10 nov. 1998, 4 arrêts non publiés –Pièce n°23- Page 6 de la Circulaire interministérielle DGT/DAM n°2007-19 du 20 décembre 2007 relative à l’application des articles L. 763-1 (L. 7123-1 et suivants du Code du travail relatifs à l’emploi des mannequins et aux agences de mannequins).
– Par ailleurs, l’agence de mannequin, en sa qualité d’employeur doit respecter les obligations découlant d’une relation contractuelle de travail, à savoir procéder à la déclaration préalable à l’embauche auprès de l’URSSAF, inscrire le mannequin sur le registre unique du personnel, rédiger un contrat de travail, établir les bulletins de paie, assurer le suivi médical dispositions du Code du travail et se conformer aux dispositions de la convention collective du 22 juin 2004. (Pièce n°23 –Page 6 de la Circulaire interministérielle DGT/DAM n°2007-19 du 20 décembre 2007 relative à l’application des articles L. 763-1 (L. 7123-1 et suivants du Code du travail relatifs à l’emploi).
- Sur le versement du salaire
Le versement des salaires des mannequins est très encadré, aussi bien par la convention collective des mannequins que par les dispositions du Code du travail.
Ainsi, il est prévu que le salaire perçu par un mannequin pour une prestation donnée ne peut être inférieur à un pourcentage minimum des sommes versées à cette occasion par l’utilisateur à l’agence de mannequins (l’article L. 7123-7 du Code du travail).
De plus, le mannequin salarié lié à l’agence par un contrat de travail a droit à une indemnité compensatrice de congés-payés pour chaque prestation, quelle que soit la durée de celle-ci (l’article L. 7123-10 du Code du travail).
- Sur l’importance de la visite médicale des mannequins
Les nouvelles dispositions sont venues renforcées le dispositif applicable en matière de protection de la santé des mannequins et ce, suite aux scandales de certains mannequins anorexiques.
Aux termes de l’article L. 7123-2-1 du Code du travail :
« L’exercice de l’activité de mannequin est conditionné à la délivrance d’un certificat médical. Ce certificat atteste que l’évaluation globale de l’état de santé du mannequin, évalué notamment au regard de son indice de masse corporelle, est compatible avec l’exercice de son métier.
Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis de la Haute Autorité de santé, définit les modalités d’application du premier alinéa ».
Aussi, il est précisé à l’article L. 7123-27 du Code du travail :
« Le fait, pour toute personne exploitant une agence de mannequins ou s’assurant, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin, de ne pas respecter l’obligation prévue à l’article L. 7123-2-1 est puni de six mois d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».
2- La rémunération du droit à l’image du mannequin
La Cour de cassation avait déjà jugé, à propos de l’image d’un mannequin, que « les dispositions de l’article 9 du Code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l’image, à l’exclusion notamment du Code de la propriété intellectuelle, relèvent de la liberté contractuelle » et que « les relations contractuelles entre un mannequin professionnel et les utilisateurs des photographies ressortissent de l’autonomie de la volonté »(Cass. 1èreciv., 11 déc. 2008, Bull. civ. I, no282)
Par ailleurs, l’article L. 7123-6 du Code du travail pose une règle sur la rémunération du droit à l’image du mannequin.
L’article susvisé distingue:
- les sommes qui sont allouées au mannequin pour la réalisation de la prestation impliquant sa présence physique présentation au public d’un produit ou d’un message publicitaire, pose comme modèle, lesquelles ont toujours le caractère d’un salaire;
- les sommes qui peuvent être perçues à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la présentation qu’il a faite, ne sont pas considérées comme un salaire à la double condition que la présence physique du mannequin ne soit plus requise pour exploiter l’enregistrement réalisé et que la rémunération ne soit pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation mais du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement. Autrement dit, la contrepartie de l’exploitation commerciale de l’image prend la forme de redevances, entrant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Toutefois, la Cour de cassation a qualifié de salaires l’exploitation de l’image d’un mannequin, en raison de son caractère forfaitaire, qui peut s’expliquer, par la présomption de salariat renforcée du mannequin, instituée par le Code du travail.
En effet, à la suite d’un contrôle, l’Urssaf a réintégré dans l’assiette des cotisations de la société Chanel, le montant de la rémunération forfaitaire versée à sa célèbre ambassadrice, en l’occurence Carole Bouquet, en contrepartie du consentement donné par cette dernière pour la cession de son droit à l’image et lui a notifié un redressement. La société Chanel a saisi d’un recours la juridiction de sécurité sociale.
Dans ce cas d’espèce, ces montants étaient fixés par un contrat organisant la représentation de la marque, prévoyant à cet effet un certain nombre de journées travaillées dans l’année, donnant lieu à salaire, et la cession par le mannequin du droit d’exploiter son image dans le monde entier, moyennant le versement d’une rémunération forfaitaire. L’Urssaf avait considéré que le rémunération était déterminée forfaitairement, et qu’elle était ainsi, passible de cotisations du régime général. Mais, selon la société Chanel, il avait été convenu « d’une contrepartie forfaitaire faute de pouvoir quantifier les retombées économiques, sur ses résultats financiers, des apparitions de son égérie dans les médias« .
La Cour d’appel a donné raison aux agents de contrôle Urssaf, en interprétant strictement les dispositions de l’article L. 7123-6 du Code du travail. En effet, pour les juges du fond, le contrat fixe pour les redevances des montants forfaitaires sans que soit précisée l’importance de l’utilisation des enregistrements et retient que les rémunérations perçues par un mannequin à l’occasion de l’exploitation des enregistrements qui ont été faits de son interprétation sont des redevances si, notamment, leur montant est fonction du seul produit aléatoire de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation de l’intéressé et que l’exigence de cet aléa économique comme une des conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations a pour corollaire une perception différée des rémunérations et s’oppose à tout mécanisme de fixation forfaitaire de celles ci. (Cass. civile Ch. civ. 2, 9 juillet 2009, n°08-18.794).