Un salarié a été engagé en qualité d’analyste programmeur.
Il a été licencié pour faute grave au motif d’un abus manifeste de son droit d’expression. Il a saisi la juridiction prud’homale pour demander la nullité de son licenciement et la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes à ce titre.
La Cour d’appel a prononcé la nullité du licenciement et a condamné l’employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. L’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Le salarié avait adressé à l’ensemble des salariés concernés par un projet en vue de l’harmonisation des statuts collectifs du personnel et aux représentants syndicaux de l’entreprise, un courrier électronique dans lequel il critiquait ce projet d’accord, il avait ainsi notamment qualifié le projet d’accord de « lamentable supercherie », avait accusé la direction de l’entreprise de procéder à « un chantage » qui « relève davantage d’une dictature que d’une relation de travail loyale » et d’« actions sournoises et expédiées » et avait comparé le directeur du personnel à un « vendeur de cuisines » cherchant à « vendre sa sauce ».
Selon la Cour d’appel, les termes de ce courrier électronique n’excédaient pas le droit d’expression du salarié, au motif que le salarié démontrait, par la production de courriers antérieurs échangés avec l’employeur, qu’il s’était « arrogé » une liberté de ton que l’employeur avait « supportée sans protester ».
Les juges du fond ont retenu que les propos du salarié contenus dans ce courrier électronique n’ont pas excédé le droit d’expression, au motif que « la forme des critiques, même vives, ne peut être dissociée des critiques sur le fond » et que ces propos « n’étaient destinés qu’à éclairer d’autres salariés concernés par le même projet d’harmonisation et à défendre des droits pouvant être remis en cause ».
La Cour de cassation a rejoint la position des juges du fond, en relevant l’absence d’abus de la liberté d’expression du salarié :
« Mais attendu qu’après avoir rappelé à juste titre que pour apprécier la gravité des propos tenus par un salarié il fallait tenir compte du contexte dans lequel ces propos avaient été tenus, de la publicité que leur avait donné le salarié et des destinataires des messages, la Cour d’appel, qui a relevé que les propos incriminés avaient été tenus dans un message destiné à des salariés et représentants syndicaux à propos de la négociation d’un accord collectif pour défendre des droits susceptibles d’être remis en cause, a pu déduire de ces seuls motifs que le salarié n’avait pas abusé de sa liberté d’expression« .
(Cass. soc. 19 mai 2016 n°15-12311)
Dalila MADJID, Avocat au Barreau de Paris