Troisième volet de notre étude sur la dépendance et la protection juridique des personnes, la tutelle.
Après avoir traité de la sauvegarde de justice et de la curatelle, attardons nous sur la tutelle qui est la mesure la plus contraignante et offrant la protection la plus élargie des trois.
1. Définition
La tutelle est une mesure judiciaire destinée à protéger une personne majeure et/ou tout ou partie de son patrimoine si elle n'est plus en état de veiller sur ses propres intérêts, grâce à l'aide d'un tuteur qui peut le représenter dans les actes de la vie civile.
Les personnes pouvant bénéficier de cette mesure sont les personnes majeures ayant besoin d'être représentées de manière continue dans les actes de la vie civile, du fait de l'altération de leurs facultés mentales, ou lorsque leurs facultés corporelles sont altérées au point d'empêcher l'expression de leur volonté, et pour qui toute autre mesure de protection moins contraignante (curatelle, sauvegarde de justice) serait insuffisante.
Sur la sauvegarde de justice :
Sur la curatelle :
2. Procédure :
La première démarche à une demande d'ouverture de mesure de tutelle doit être obligatoirement accompagnée d'un certificat médical rédigé par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République.
Ce certificat payant (160 euros – par décret de 2008) doit établir l'altération des facultés de la personne. Le certificat précise les conséquences de cette altération sur la nécessité pour le majeur d'être assisté ou représenté, et indique si la personne est en état d'être auditionnée.
Avant toute autre décision de justice, ce certificat précise également l'avis du médecin sur la nécessité ou non de supprimer le droit de vote de la personne protégée.
L'ouverture d'une mesure de tutelle ne peut être demandée au juge que par deux catégories de personnes.
Tout d’abord la personne à protéger elle même, son conjoint, marié ou pacsé (sauf en cas de rupture de la vie commune), un membre de sa famille, d'autres proches entretenant des relations étroites et stables avec elle, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique.
La seconde est le procureur de la République qui peut formuler cette demande d'office ou bien à la demande d'un tiers (médecin, directeur d'établissement de santé, travailleur social).
Quelque soit le demandeur de cette mesure, la demande doit être adressée au juge des tutelles du lieu de résidence du majeur à protéger, ou celui de son tuteur s'il en a un.
Afin de prendre la décision la plus appropriée et la plus juste, le juge peut ordonner des mesures d'information (par exemple : enquête sociale) ou demander à entendre les parents ou proches de la personne à protéger, en plus de l’audition de ce dernier (si cette audition n’a pas pour conséquence d’aggraver l’état de la personne).
Provisoirement, le juge peut placer la personne sous sauvegarde de justice dans l'attente du jugement.
Une fois l'instruction du dossier terminée, le juge le transmet pour avis au procureur de la République, au moins 1 mois avant la date fixée pour l'audience. Il est à noter que le juge dispose d'un délai d'1 an pour rendre sa décision. Une fois ce délai d’un an dépassé, la demande sera déclarée caduque.
La mesure de tutelle ainsi que ses modifications est portée en marge de l'acte de naissance de la personne protégée.
A l'audience, le juge entend la personne à protéger (si cela est possible), celle qui a fait la demande, et leurs éventuels avocats.
Le juge nomme un tuteur. Il a la possibilité de nommer plusieurs curateurs, notamment pour diviser la mesure de protection entre la protection de la personne et la gestion patrimoniale. Le choix du tuteur se fait, dans la mesure du possible, en tenant compte des sentiments exprimés par la personne à protéger, c’est-à-dire son contexte relationnel, ainsi que grâce aux recommandations de ses proches et de son entourage, selon l'ordre de priorité suivant :
- personne choisie par avance par le majeur,
- conjoint ou partenaire lié par un PACS,
- parent ou personne proche.
Si aucune de ces personnes ne peut ou ne veut assumer cette charge, le juge peut désigner un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur une liste dressée et tenue à jour par le préfet.
Le juge peut également désigner si nécessaire un subrogé tuteur pour surveiller les actes passés par le curateur, ou le remplacer en cas de conflit d'intérêt. En l'absence d'un subrogé curateur, le juge peut aussi, pour certains actes, désigner un curateur ad hoc (c’est-à-dire nommé uniquement pour un cas précis), notamment s'il y a conflit d'intérêt entre le tuteur et la personne protégée.
Si nécessaire, le juge peut nommer un conseil de famille, qui désigne le tuteur, le subrogé tuteur et le cas échéant le tuteur ad hoc. Le juge peut autoriser le conseil de famille à se réunir et délibérer hors de sa présence lorsque ce dernier a désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs comme tuteur ou subrogé tuteur.
3. Effets de la mesure
Une personne placée sous tutelle prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. D’ailleurs, elle continuera d’accomplir seule certains actes juridiques dits "strictement personnels ", comme la déclaration de naissance d'un enfant.
Le tuteur peut prendre les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, le majeur ferait courir à lui-même. Il en informe le juge.
Le majeur en tutelle doit obtenir l'autorisation du juge et, le cas échéant, du conseil de famille, pour se marier ou signer un PACS.
La tutelle va également porter sur la protection des biens de la personne.
En règle générale, le majeur sous tutelle peut accomplir seul les actes d'administration, comme effectuer des travaux d'entretiens dans son logement.
Par contre, il doit obtenir l'autorisation du conseil de famille, ou à défaut celle du juge, pour accomplir les actes de disposition, comme vendre un appartement.
En ce qui concerne les successions, la personne sous tutelle peut rédiger son testament seul, mais ne pourra faire des donations qu’avec l'assistance de son tuteur sous autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué.
Le juge fixe la durée de la mesure de tutelle qui ne peut excéder 5 ans. Il peut décider de la renouveler pour une durée plus longue si l'altération des facultés du majeur protégé apparaît irrémédiable, sur avis conforme du médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République.
La mesure de tutelle prendra fin de plusieurs manières.
- à tout moment si le juge décide qu'elle n'est plus nécessaire (par jugement de mainlevée), à la demande du majeur ou de toute personne habilitée à demander une mise sous tutelle,
- à l'expiration de la durée fixée, en l'absence de renouvellement,
- si une mesure de curatelle est prononcée en remplacement de la tutelle,
- au décès de la personne protégée.
En cas d'ouverture ou de refus de mettre fin à une tutelle, la personne protégée elle-même, son conjoint (ou partenaire de PACS ou concubin), toute personne entretenant des liens étroits et stables avec la personne protégée, ou son curateur, peut faire appel de la décision.
En cas de refus de mise en tutelle, seule la personne qui a déposé la demande de mise sous tutelle peut contester le jugement.
L'appel s'exerce dans les 15 jours suivant le jugement, sa notification, ou de la remise de l'avis au procureur de la République. L'appel est à former au greffe de la juridiction de première instance.
N'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions.
Cordialement,
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Emmanuel Charbit, Adv.
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