Petites histoires sur les centres de rétention

Publié le Modifié le 08/09/2009 Vu 2 738 fois 0
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L'harmonisation du "traitement humain" des retenus vers laquelle tend l'Europe avec le pacte de l'immigration est l'aboutissement, pour le moment, d'une succession de petites histoires franco françaises qui interpellent et pourraient nous faire honte. Heureusement nous n'avons pas assez de mémoire pour nous souvenir que nous n'en avons pas assez !!!

L'harmonisation du "traitement humain" des retenus vers laquelle tend l'Europe avec le pacte de l'immigration

Petites histoires sur les centres de rétention

De l’affaire du dépôt et de quelques autres

 

"En 1975, la France découvre l’existence d’un endroit, sur le port d’Arenc, à Marseille, où l’on retient illégalement, et même clandestinement, un certain nombre d’étrangers qu’on veut éloigner du territoire français. En 1980, la loi Bonnet cherche à donner un fondement légal à ces pratiques opérées en marge de la loi. Le Conseil constitutionnel invalide partiellement le texte au motif que la liberté individuelle dont le juge judiciaire est le garant « ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » alors qu’en l’espèce la loi ne prévoit la saisine du juge judiciaire qu’au-delà d’un délai de sept jours.

La loi du 27 octobre 1981, adoptée à l’initiative de la gauche, prévoit que le maintien administratif d’un étranger, qu’il soit consécutif à un refus d’entrée ou à une mesure d’éloignement du territoire, doit avoir lieu en dehors des établissements pénitentiaires – c’est-à-dire en pratique dans des locaux de police ou de gendarmerie, dans des hôtels d’aéroports réquisitionnés à cette fin, ou encore dans des « centres de rétention ». Le magistrat du siège, saisi au bout de 24 heures, a le choix entre trois solutions : l’assignation à résidence, la mise en liberté avec remise des documents d’identité à un service de police ou de gendarmerie, ou, à titre exceptionnel dit la loi, la prolongation du maintien forcé qui ne peut durer au total plus de sept jours. En pratique, toutefois, la prolongation du maintien forcé devient la règle.

En 1986, la loi Pasqua, en amenuisant les garanties contre l’expulsion et la reconduite à la frontière, va élargir considérablement le champ d’application et donc le nombre d’étrangers susceptibles d’être placés et maintenus en rétention.

Mais à l’époque, les étrangers en rétention, on en parle peu, ça n’intéresse pas grand monde, y compris parmi les juristes, y compris chez les avocats. Il faut toutefois rappeler que la première bataille menée sur ce terrain l’a été par des avocats du SAF (Syndicat des avocats de France) à Marseille, en 1975, lorsqu’ils ont déposé une plainte pour détention illégale après avoir découvert que des Algériens restaient enfermés pendant des semaines dans ces lieux sinistres situés sur le port d’Arenc (qui est toujours aujourd’hui un centre de rétention) en attendant d’être éloignés. La plainte se terminera bien évidemment par une décision d’irrecevabilité et un nonlieu confirmé par la chambre d’accusation.

En 1992, le même scénario qu’en 1975 se reproduit, avec cette différence que, cette fois, il ne s’agit plus d’un centre pour les étrangers en instance d’éloignement, mais de la zone dite « internationale » de Roissy et d’Orly où, là encore de manière totalement illicite, on retient un certain nombre d’étrangers, non plus pour les éloigner du territoire mais pour les empêcher d’y entrer. Des avocats – notamment des avocats du Gisti – vont diligenter un certain nombre de procédures, notamment pour des Haïtiens, retenus à Roissy, devant le tribunal de Paris et pour des demandeurs d’asile somaliens, retenus à Orly, devant le tribunal de Créteil. Les tribunaux reconnaîtront l’existence d’une voie de fait pour privation de liberté dépourvue de base légale1.

Là encore le législateur va intervenir pour tenter de légaliser des pratiques illégales ; et là encore il devra s’y reprendre à deux fois, le Conseil constitutionnel ayant invalidé la première mouture du texte proposé. Finalement, la loi du 6 juillet 1992 va créer les « zones d’attente » où sont placés les étrangers à qui est opposé un refus d’entrée sur le territoire ainsi que les demandeurs d’asile en attendant qu’on vérifie que leur demande n’est pas « manifestement infondée ».

Arrive 1993 et la deuxième loi Pasqua, qui va modifier encore le cadre juridique de la rétention. Les pouvoirs du juge sont restreints, puisqu’il n’a plus le choix qu’entre la prolongation de la rétention, qui devient la règle, et l’assignation à résidence qui devient l’exception. Parallèlement, la durée maximale de la rétention est portée de 7 à 10 jours.

C’est dans ce contexte que se déroule l’affaire du dépôt. Il s’agit du dépôt des étrangers de la préfecture de police qui se trouve dans les sous-sols du Palais de justice de Paris. Autrement dit, juste au-dessous de là où officient quotidiennement magistrats et avocats, à quelques dizaines de mètres de l’endroit où, chaque année, le bâtonnier de Paris reçoit en grande pompe les institutions représentatives de la profession d’avocat et du monde judiciaire parisien."

 

Et c’est dans ces sous-sols que plusieurs dizaines de milliers de personnes ont passé plusieurs jours, parfois plus d’une semaine, entre 1980 et 1995.

 

> La suite de l'intervention est téléchargeable à l'adresse

http://www.gisti.org/IMG/pdf/hc_dalloz30ans_liger.pdf

 

Intervention extraite de « Défendre la cause des étrangers en justice », juillet 2009, co-édition Dalloz/Gisti Didier Liger Avocat au barreau de Versailles

 

 

 

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