Quelles méthodes spécifiques sont utilisées par les services vérificateurs dans le cadre d'une procédure de vérification visant un professionnel du HCR.
Je ne reprendrai pas ici, l'arsenal des moyens habituels dont dispose les vérificateurs dans le cadre d'une vérification de comptabilité: je m'attacherais de manière spécifique aux procédés utilisés par l'administration dans le cadre des opérations visant les restaurateurs ou les patrons de bar.
La Première démarche du vérificateur dans une procédure visant un café, un restaurant, un bar, une discothèque, une brasserie (au delà des vérifications habituelles) sera de rejeter la comptabilité du professionnel vérifié.
En effet, le rejet de la comptabilité est le seul moyen (en procédure) qui lui permettra ensuite de reconstituer les recettes et de mettre en évidence d'éventuelles recettes non déclarées avec les conséquences en résultant en TVA et pour le résultat imposable (en BIC ou à l'IS)...
Notons qu'un taux de bénéfice brut ou une marge insuffisante ne sont pas des circonstances qui à elles seules peuvent justifier un rejet de comptabilité.
Toutefois, les services se serviront en philigrane de cet argument pour justifier le rejet de comptabilité.
Dans le secteur HCR (qu'il s'agisse d'un bar, d'un restaurant, d'un kebab, d'une discothèque, d'une pizzeria...) le rejet de comptabilité sera caractérisé, notamment, par l'absence (totale ou partielle) de bandes caisses ou de tickets Z, l'absence de brouillard de caisse, l'absence de notes de restaurant, une différence entre les totaux figurant sur le brouillard de caisse (ou les bandes caisses) et les totaux des dépouillements des notes de restaurant.
Dés l'instant où le service vérificateur a suffisamment caractérisé le rejet de comptabilité, il pourra procéder à la reconstitution de recettes pour mettre en évidence (c'est le but recherché !) des recettes dissimulées avec les conséquences en résultant en résultat imposable et en TVA non collectée...
Plusieurs méthodes de reconstitution sont utilisées mais au préalable le service doit, pour ce faire, procéder au dépouillement de tous les achats matières (tous les liquides, les solides, etc...).
Le service examine alors toutes les factures fournisseurs figurant en comptabilité et dépouille tous les achats par famille ou catégorie de produits pour pouvoir ensuite les valoriser.
Le vérificateur va également user de son droit de communication auprès des fournisseurs du commerçant concerné par cette vérification de comptabilité en tentant d'obtenir (et en obtenant) la liste des achats réalisés auprès de ce fournisseur.
Ce qui signifie aussi que les achats réalisés en espèce chez un fournisseur ou grossiste et comptabilisés chez ce grossiste seront retrouvés.
Le service pourra ainsi corroborer les « achats » comptabilisés du contribuable avec les informations obtenues auprès des différents fournisseurs.
La différence qui pourrait en résulter sera un élément supplémentaire pour motiver le rejet de comptabilité mais également pour assoir la première impression (mauvaise en l'occurence) du vérificateur.
Cette seconde démarche de dépouillement des factures permet à l'administration fiscale de dégager l'ensemble des achats de l'exercice concerné.
A partir de ces achats, le service procédera ensuite à la reconstitution du chiffre d'affaires.
Sur une activité exclusive de bar, la démarche est relativement « aisée » pour le service.
Le service doit au préalable déterminer:
- les dosages ;
- les tarifs ;
Ces informations sont essentielles et j'y reviendrai quant j'évoquerais dans mon second post la défense fiscale pour ces professionnels qui exploitent un bar, un restaurant, une brasserie.
Avec les achats dépouillés, les dosages et les tarifs, le service reconstitue les recettes très mathématiquement :
Exemple :
10 futs de 50 litres de bières pressions dépouillés ;
Une pression de 25 cl est servie au tarif de 3 euros.
La reconstitution sera la suivante 10 futs de 50 litres = 500 litres = 50 000 Cl = 2 000 unités vendues =
6 000 euros TTC de recettes reconstituées.
La TVA éludée est donc de 983 euros.
Les recettes HT non déclarées s'élèvent donc à 5017 euros.
Cette opération se multiplie plusieurs dizaines de fois avec tous les achats dépouillés et tous les produits vendus.
Pour les produits type cocktail, le service utilisera plusieurs achats pour valoriser et reconstituer les ventes de ces produits.
Si les opérations de reconstitution de recettes sont donc relativement simples s'agissant d'un bar pur, elles sont plus compliquées s'agissant d'un bar-restaurant ou d'un restaurant.
En effet, il faut pour le service parvenir à reconstituer le solide ce qui est beaucoup moins facile dans la mesure où plusieurs produits peuvent rentrer dans la composition d'un plat.
Le service va donc utiliser, en fonction des situations, plusieurs méthodes :
- Soit il parvient à partir des achats à identifier des plats « valorisables » ce qui lui permettra de reconstituer le Chiffre d'Affaires solide ; cette méthode est rarement utilisée
- Soit il n'y parvient pas et il reconstituera les recettes solides de la manière suivante :
- à partir d'un prorata liquide/solide : le service dépouillera tous les liquides et sur la base des notes de restaurant déterminera la part de solide et de liquide sur ces notes.
Exemple : une note de restaurant ainsi détaillée :
Un apéritif : 6 euros
Un plat : 18 euros
Un dessert : 7 euros
Une ½ bouteille de vin : 12 euros
Un café : 2 euros
Total : 45 euros
Part liquide : 20 euros /45 euros = 45 %.
Part solide : 25 euros /45 euros = 55 %.
Ce dépouillement des notes permettra de déterminer un coefficient solide/liquide qui sera appliqué sur l'ensemble des achats.
Ainsi, les recettes « liquides » seront reconstituées à partir des achats et les recettes solides seront reconstituées par le biais du prorata « solide/liquide » à partir des recettes liquides qui auront été valorisées.
exemple:
recettes liquides reconstituées: 120 000 euros TTC
le service a dégagé un prorata liquide/solide de 45/55: les recettes solides seront évaluées de la manière suivante :
120 000/45 * 55 = 146 666 euros TTC
Le total des recettes reconstituées seront donc dans cet exemple de : 266 666 euros.
La TVA éludée de 43 701 euros
Le CA HT non déclaré de : 222 965 euros
A partir d'un coefficient de marge brute que le vérificateur aura tenté de déterminer avec le contribuable vérifié.
Par cette méthode, le service vérificateur tentera avec la collaboration du contribuable vérifié de déterminer un coefficient de marge brute sur les plats les plus vendus.
A partir de ce coefficient de marge brute, le service pourra reconstituer le Chifre d'affaires solide en l'appliquant à tous les achats dépouillés.
D'autres méthodes très prétoriennes pourront enfin être utilisées en fonction des situations rencontrées dans chaque établissement:
à partir du grammage des sandwichs vendus pour un restaurant Kebab,
à partir du riz pour les restaurants asiatiques,
à partir de la pate à pizza et du poids des pizzas vendus dans les pizzerias.
Les conséquences financières de ces vérifications et de ces contrôles fiscaux dans les restaurants, brasseries, sandwicheries, bars sont bien souvent redoutables pour les professionnels concernés qui ont du mal à comprendre de telles reconstitutions.
Sur 3 ou 4 exercices vérifiées; les conséquences pécuniaires avec l'effet des intérêts de retards sont très importantes même pour des établissements de taille réduite.
A cela s'ajoute dans 100 % des cas; la pénalité de 40 % pour manquement délibéré qui vient parachever la vérification de comptabilité.
Ces méthodes purement mathématiques et en dehors de tout cadre propre à l'exploitation vérifiée sont critiquables et doivent l'être avec force par le contribuable et son conseil.
C'est l'objet de mon second post : (2) comment combattre et contester un redressement fiscal dans le secteur HCR ?
Franck DEMAILLY
Avocat