Principes directeurs en matière de harcèlement, secteur public

Publié le 24/03/2025 Vu 433 fois 0
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Les accusations diverses de harcèlement sont en inflation dans les organisations y compris les collectivités. Entre les victimes qu’il faut protéger et les manipulateurs qu’il faut démasquer, quelques principes doivent guider l'action.

Les accusations diverses de harcèlement sont en inflation dans les organisations y compris les collectivités

Principes directeurs en matière de harcèlement, secteur public

Toute dénonciation rend nécessaire l’établissement des faits

Concrètement, il n’existe aucune obligation légale à déclencher une enquête administrative (CE, 23 novembre 2016, n°397324 par ex).

Pour autant, l’enquête administrative s’impose  à la collectivité lorsqu’elle est confrontée à la dénonciation de faits susceptibles de donner lieu à des sanctions disciplinaires et d’affecter le fonctionnement d’un service : il s’agit en particulier de faits de harcèlement moral ou sexuel, du comportement sexiste d’un agent, du management problématique d’un supérieur hiérarchique, etc.

L’enquête administrative va permettre d’établir l’existence, ou non, de fautes commises par un agent préalablement à sa sanction.

Lorsque des faits de harcèlement moral ou sexuel sont dénoncés, l’enquête administrative permettra de démontrer la réalité des faits dénoncés par les agents : s’ils sont avérés, elle permettra à l’autorité territoriale de prendre toutes mesures pour préserver les agents victimes et au contraire écarter et sanctionner les auteurs de ces actes.

Enfin, il faut rappeler que tout employeur public est tenu de protéger ses agents des agissements de harcèlement moral. À défaut, l’agent victime peut engager la responsabilité de l’administration sur ce fondement. La mise en œuvre d’une enquête administrative permet ainsi à l’autorité territoriale de répondre à son obligation de prévenir toute atteinte à la santé ou la sécurité des agents placés sous son autorité.

 
Les principes directeurs de l’enquête administrative

La jurisprudence administrative a dégagé plusieurs principes qui doivent guider la réalisation de l’enquête administrative ; la méconnaissance de ces principes peut entrainer la nullité des procédures engagées sur le fondement des preuves recueillies durant l’enquête.


1. Impartialité et loyauté de l’enquête

L’impartialité est primordiale : elle fonde la confiance nécessaire au bon déroulement de l’enquête et protège les parties de tout risque de parti pris durant l’enquête administrative (CE, 12 avril 2021, n° 435774). Une enquête qui n’est pas perçue comme impartiale est dénuée d’intérêt : ses conclusions seront nécessairement critiquées et celle-ci perd toute efficacité.

Les personnes en charge de l'enquête administrative doivent être neutres et indépendantes.


 2. Absence de contradictoire

L’enquête administrative n’est pas contradictoire. Aucun texte ne pose cette exigence et la jurisprudence administrative s’inscrit dans le même cadre :

- L'enquêteur n'a aucune obligation d'entendre l'agent faisant l'objet de l'enquête (CAA de Versailles, 20 décembre 2016, n° 15VE00395).

- L'enquêteur n'a pas l'obligation d'organiser une confrontation entre les agents concernés et les témoins (CAA de Nancy, 20 décembre 2016, n° 15NC02371);

- L'agent concerné ne peut pas exiger d'assister aux auditions des autres agents (CAA Marseille, 14 février 2012, n° 09MA03872) ;

Þ L'agent concerné ne peut pas exiger qu'un débat contradictoire soit organisé (CAA de Paris,17 juin 1997, n° 39PA02618).

Pour autant, l’autorité territoriale doit veiller à  ce l’enquête soit menée à charge et à décharge. L’audition du ou des agents en cause est ainsi essentielle comme le fait de procéder à des actes pertinents que celui-ci pourrait suggérer comme l’audition de témoins supplémentaires.

3. Absence de mise en œuvre des droits de la défense

Le respect des droits de la défense est incontournable chaque fois qu’un agent fait l’objet de poursuites disciplinaires. A cette occasion, il a notamment droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel ainsi que de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix (art. L532-4 et s. du code général de la fonction publique).

En revanche, l’enquête disciplinaire est un préalable qui vise à recueillir la preuve de la commission ou de l’absence de faute disciplinaire.

En vertu d'une jurisprudence administrative constante, les principes généraux des droits de la défense ne trouvent pas application lors de la phase d'enquête qui précède l'engagement éventuel de poursuites.

Deux décisions du Conseil d’Etat éclairent parfaitement cette distinction entre la phase d’enquête administrative et la phase de poursuites disciplinaires :

- La possibilité d'effectuer une enquête administrative ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition et dès lors il n'y a pas méconnaissance du principe constitutionnel des droits de la défense (CE, 16 février 2018, n° 412161);

- La possibilité de mener une enquête administrative sur la manière de servir ne constitue ni une sanction, ni une mesure prise en considération de la personne : dès lors, on ne peut utilement se prévaloir, lors d'une telle enquête, d'un droit à la communication de son dossier ou d'un droit à l'assistance d'un avocat ou de l'un de ses pairs (CE, 21 août 2019, n° 415334).

A nouveau, un certain pragmatisme peut s’imposer à l’autorité territoriale, ce d’autant que l’enquête administrative n’est encadrée par aucune disposition légale ou règlementaire : selon les faits, selon le contexte propre à la collectivité, il peut être opportun de permettre à l'agent mis en cause d'être accompagné la par la personne de son choix. Cette décision est à la stricte appréciation de la collectivité.

 
 La mise en oeuvre de l'enquête administrative

 

Il appartient à l’autorité territoriale de décider de l’opportunité d’engager une enquête administrative, de déterminer qui va la conduire, dans quelles conditions et selon quelles modalités.

1. Choix du ou des enquêteurs

Ici encore, la liberté de choix de l’autorité territoriale est totale. Elle est seulement guidée par les principes essentiels d’impartialité, de loyauté, de secret et de discrétion.

Il faut ainsi se garder de choisir toute personne impliquée - même indirectement - dans les faits en cause.

L’enquête peut être menée en interne par une ou plusieurs personne désignées par l’autorité territoriale. En cas de collégialité, une composition paritaire serait à privilégier.

Toutefois, confier la charge de l’enquête administrative à des tiers à la collectivité assoit sa crédibilité et présente de plus grandes garanties d’impartialité et d’indépendance.

Un cabinet d’avocat au fait des règles applicables à la fonction publique répond par exemple parfaitement à ces exigences dès lors qu’il est par ailleurs soumis à des règles déontologiques strictes.

2. Détermination des personnes à auditionner

Il n’existe aucune référence textuelle encadrant la liste des personnes à entendre.

Il appartient simplement à l’autorité territoriale, dans chaque situation, de faire en sorte de réunir un ensemble de témoignage à charge et à décharge suffisamment riches et crédibles afin que l’enquête ne soit pas susceptible d’être remise en cause.

3. Déroulement de l’enquête

Les agents et tiers auditionnés doivent être informés de leurs droits et obligations dans le cadre de l’enquête administrative. Idéalement, un questionnaire commun leur est soumis afin de répondre à l’exigence d’objectivité de l’enquête .

Il convient également de se limiter à rapporter strictement les propos tenus par les personnes entendues.

4. Le rapport d’enquête

Un rapport d’enquête est nécessairement établi, il est accompagné des procès-verbaux d’audition et de tous documents recueillis.

Il peut par exemple s’articuler comme suit :

- Rappel des faits,

- Synthèse des éléments recueillis,

- Qualification des manquements professionnels ou déontologiques qui ont pu être relevés et de leurs auteurs,

- Propositions quant aux suites pouvant être données à l’enquête : poursuites disciplinaires, , absence d'éléments permettant d'établir définitivement des faits,

- Annexion des comptes rendus d'audition, des éléments documentaires permettant recueillis et des comptes rendus éventuels de toutes autres démarches.

 

Les suites de l’enquête administrative

 Le rapport d’enquête administrative permet à l’autorité territoriale d’orienter et d’assoir sa décision.

Trois issues sont possibles.

1. Suites disciplinaires

L'enquête administrative a mis en exergue des faits fautifs : l’autorité territoriale peut engager une procédure disciplinaire et saisir, le cas échéant, le conseil de discipline.

Si l'agent concerné n'était pas suspendu, il est possible de le suspendre sur la base des faits figurant dans le rapport.

Enfin, le choix de la sanction est laissé à l'appréciation de l'autorité territoriale après avis du conseil de discipline si la sanction envisagée n’est pas du premier groupe.

2. Mise en œuvre d’une médiation

L'enquête administrative n’a pas mis en évidence de faits susceptibles d’être sanctionné disciplinairement mais les agents ont fait part de difficultés relationnelles ou d’une certain mal être au sein du service.

Le rapport d’enquête administrative peut être le support de la mise en œuvre de mesures telles qu’une médiation afin de rétablir un climat serein au sein du ou des services.

3. Inexistence des faits dénoncés

L’enquête administrative n’a pas établi la matérialité des faits dénoncés. Aucune poursuite n’est engagée contre le ou les agents visés par la dénonciation.

L’autorité territoriale peut en revanche envisager des poursuites contre le ou les auteurs de la dénonciation si celle-ci présente un caractère mensonger et a été susceptible de générer des poursuites contre un agent qui n’a commis aucune faute.

 

 




 



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A propos de l'auteur
Blog de Maître Vincent GUISO

Maître Vincent GUISO

Avocat au Barreau de METZ

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