Me Hubert Kalukanda Mashata

Maître Hubert Kalukanda Mashata est Avocat au Barreau près la Cour d'appel du Haut-Katanga en République Démocratique du Congo, depuis le 21 juin 2018, spécialisé en droit des affaires, droit du sport, droit minier et droit du travail. Il est Avocat associé au sein du prestigieux Cabinet Hubert Dumbi & Associés (HDA), basé à Lubumbashi (Haut-Katanga). Il est également Doctorant en droit à l'Université de Lubumbashi.

DEMISSION DU GOUVERNEUR RICHARD MUYEJ : ANALYSE ET IMPLICATIONS JURIDIQUES.

Publié le Modifié le 13/01/2023 Vu 1 400 fois 1
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Monsieur Richard MUYEJ n'aurait dû pas adressé sa référencée CAB/GOUV/LBA/R3M001/2023 au Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières.

Monsieur Richard MUYEJ n'aurait dû pas adressé sa référencée CAB/GOUV/LBA/R3M001/2023 au Vice-Premier Mi

DEMISSION DU GOUVERNEUR RICHARD MUYEJ : ANALYSE ET IMPLICATIONS JURIDIQUES.

En date du 10 septembre 2021, le Gouverneur Richard MUYEJ avait été mis en accusation par l’Assemblée Provinciale du Lualaba pour détournement de plus de 369 millions USD et avait été sommé par cette dernière de démissionner.

Il y a donc eu rupture de confiance entre l’Assemblée Provinciale du Lualaba et le chef de l’Exécutif Provincial.

Il s’en suit que par sa lettre référencée CAB/GOUV/LBA/R3M001/2023 datée du 10 janvier 2023, le Gouverneur Richard MUYEJ a adressé une correspondance au Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières dans laquelle il demande à ce dernier de transmettre sa lettre de démission à son Excellence Monsieur le Président de la République.

Il sied de relever que plusieurs observations quant à la forme et au fond méritent d’être relevées quant aux implications juridiques de sa démission dans le droit positif Congolais.

En effet, l’article 42 de la Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces n’organise la procédure de démission du Gouverneur de Province qu’en cas de motion de censure de l’Assemblée Provinciale contre le Gouvernement Provincial. Dans ce cas, le Gouvernement provincial est réputé démissionnaire et « le Gouverneur de province remet sa démission au Président de la République » dans les 48 heures.

Dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas d’un vote de censure de l’Assemblée provinciale contre l’exécutif provincial, mais d’une démission « motu proprio » du chef de l’exécutif provincial.

Aussi, la forme de cette lettre peut paraître indigeste du point de vue juridique car l’article 42 de la Loi susvisée dispose que la lettre de démission du Gouverneur de Province doit être adressée directement au Président de la République et non à son autorité de tutelle qui est en l’occurrence le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières, encore que dans le cas d’espèce, la lettre du Gouverneur MUYEJ qui circule sur les réseaux sociaux, ne porte pas expressément sur sa démission, mais demande au Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières de transmettre sa démission au Président de la République.

Cette lettre cache évidemment l’intention du Gouverneur Richard MUYEJ à considérer que le Gouvernement Provincial du Lualaba est réputé démissionnaire du fait de sa seule démission en omettant d’admettre que celui-ci (le Gouvernement Provincial) assumait déjà les affaires courantes dès lors que l’Assemblée Provinciale lui avait déjà retiré sa confiance, depuis le 10 septembre 2021.

Par ailleurs, l’article 160 de la Loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la Loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée par la Loi électorale du 22 juin 2022 qui dispose que le remplacement du Gouverneur est organisé par la Commission Electorale Nationale Indépendante dans les 15 jours suivants sa démission « En cas de décès, de démission, d’empêchement définitif, de mise en accusation ou de révocation du Gouverneur de province, le Gouvernement provincial est réputé démissionnaire ».

Et de poursuivre : « Les candidats à l’élection des Gouverneurs et Vice-Gouverneurs font acte de candidature auprès du bureau local de la CENI ».

L’article 198 alinéa 7 et suivant de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dispose que :

« Avant d’entrer en fonction, le Gouverneur présente à l’Assemblée Provinciale le programme de son Gouvernement. Lorsque ce programme est approuvé à la majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée provinciale, celle-ci investit les ministres. Les membres du Gouvernement provincial peuvent être, collectivement ou individuellement, relevés de leurs fonctions par le vote d’une motion de censure ou de de défiance de l’Assemblée provinciale. Les dispositions des articles 146 et 147 de la présente Constitution s’appliquent mutatis mutandis, aux membres du Gouvernement provincial ».

Bien plus, on pourrait penser que cette démission semble être déjà caduque à partir du moment où l’alinéa 1er de l’article 42 de la Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 sus-évoquée dispose clairement que lorsque l’Assemblée Provinciale adopte une motion de censure contre le Gouvernement provincial, le Gouverneur de province doit remettre la lettre de démission de son Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures.

Dans le cas d’espèce, c’est depuis le 10 septembre 2021 que l’Assemblée Provinciale du Lualaba l’avait destitué de ses fonctions de Gouverneur en l’accusant de détournement présumé des fonds alloués au projet agricole pour la saison 2019-2020. A cet effet, il convient de préciser qu’il était censé remettre sa démission au Président de la République depuis le 11 septembre 2021, soit vingt-quatre heures après sa destitution par L’Assemblée Provinciale.

Toutefois, l’on notera que la crise de confiance entre l’Assemblée Provinciale et le Gouvernement peut être appréhendée comme une désinvestiture selon les termes chers du Professeur Félix VUNDWAWE Te PEMAKO.

Ainsi, la mise en accusation du Gouverneur Richard MUYEJ par l’Assemblée Provinciale du Lualaba depuis le 10 septembre 2021 constituait un vote de censure à son encontre et le Gouvernement provincial était déjà réputé démissionnaire depuis cette date et ce, conformément aux dispositions des articles 146, 147 et 198 de la Constitution et 42 de la de la Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. Et la lettre de démission devrait suivre dans les vingt-quatre heures, sous réserve pour lui d’exercer les voies de recours conformément à la législation en vigueur.

C’est notamment le cas du Gouverneur de la Province du Sud Kivu, Monsieur Théo NGWABIDJE, réhabilité en février 2022 par la Cour Constitutionnelle sous R.Const 131703 après une motion de censure votée contre lui, à l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu.  Il en est de même du Gouverneur de la Province du Kasaï, Monsieur  Dieudonné PIEME, réhabilité en juin 2021 par la même Cour Constitutionnelle sous R.Const 1543 à la suite de déchéance par l’Assemblée Provinciale du Kasaï qui avait voté une motion de censure contre lui et son Gouvernement.    

Dans la même veine, le Gouverneur Richard MUYEJ aurait dû par ses canaux juridiques, saisir la Cour Constitutionnelle en annulation de la décision prise par l’Assemblée Provinciale étant donné que cette dernière ne lui avait pas accordé le temps nécessaire pour présenter ses moyens de défense. Autant, il aurait dû encore via ses conseils, saisir le Conseil d’Etat par voie de référé suspension en vue d’obtenir sa réhabilitation temporaire au poste de Gouverneur de la province du Lualaba.

Il s’en suit donc  que la démission a posteriori du Gouverneur Richard MUYEJ après plus de deux ans n’est qu’un voile pudique empêchant de constater le caractère démissionnaire de son Gouvernement provincial « ex tunc » (depuis lors)..

Par le Collectif de 4 :

1. Maître Daddy ILAMBWETSI, Avocat au Barreau de Kinshasa-Matete

2. Maître Mardochée KAMBA, Avocat au Barreau du Haut-Katanga

3. Maître Guylain KASONGO, Avocat au Barreau du Haut-Katanga

4. Maître Hubert KALUKANDA, Avocat au Barreau du Haut-Katanga

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1 Publié par Joseyav
13/01/2023 12:50

Analyse qui manque d’éléments pour sa pertinence.

1. La démission ne fait pas suite à une quelconque accusation de l’assemblée ni d’un acte d’assemblée.

2. Si nous suivons cette logique, sans démission dans le délai évoqué, il est réputé démissionnaire.

3. La lettre à laquelle vous faites allusion n’est qu’une transmission de celle portant sa démission adressée au Président.

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A propos de l'auteur
Blog de Me Hubert Kalukanda Mashata

Maître Hubert Kalukanda Mashata est Avocat au Barreau près la Cour d'appel du Haut-Katanga, spécialisé en droit des affaires et Consultant en Droit minier, Droit de sport et Droit commercial général.

Il est Écrivain et Défenseur des droits humains (droits économiques, sociaux...).

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