L’article L111-3 du Code de la construction et de l'habitation (CCH) prévoit les hypothèses dans lesquels, la garantie décennale pourra être invoquée.
Il s’agit des cas où “les dommages compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui [...] le rendent impropre à sa destination. ”
L’impropriété à la destination n’est pas définit par la loi, il s’agit d’une notion qui est apprécié souverainement par les juges. Il existe ainsi plusieurs types d’impropriétés à la destination qui ont été dégagés par la jurisprudence :
- l’impropriété liée à la dangerosité de l’ouvrage
- l’impropriété liée au fait que l’ouvrage ne pourra pas remplir ses fonctions
- l’impropriété esthétique
- et celle qui va nous intéresser : l’impropriété énergétique.
L’impropriété énergétique a été dégagée par la jurisprudence, on peut citer 2 arrêts à titre d’exemple
- Cass. Civile 3ème du 27 septembre 2000 (N° 98-22.243) : c’est le 1er arrêt où la Cour de cassation retient la notion d’impropriété énergétique comme moyen permettant de solliciter la garantie décennale.
En l’espèce, il s’agissait de l’installation d’un chauffage dont certaines trames chauffantes étaient défectueuses ce qui entrainait des dépenses anormales d'énergie. L’expert judiciaire avait estimé qu’il n’y avait pas impropriété à la destination. Cependant, la cour d’appel est allé à l’encontre de cet avis, en estimant que “le désordre étant évolutif dans le temps, et tout le matériel des jonctions froides étant progressivement atteint, l'installation de chauffage ne satisfait plus aux fins prévus et que l'impropriété à la destination était caractérisée.”
La Cour de cassation a estimé que la cour d’appel avait légalement justifié sa décision sur ce point.
- Cass. Civile 3ème du 8 octobre 2013 (N° 12-25.370) : la Cour de cassation confirme sa position “En statuant ainsi, sans rechercher si les désordres engendrés par les défauts d'isolation thermique ne rendaient pas la maison impropre à sa destination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision”
Ainsi, la Cour de cassation estime qu’un défaut d’isolation thermique est susceptible d’entraîner une impropriété à destination, et permet, à ce titre, d’invoquer la garantie décennale.
Cependant, à d’autres occasions, la Cour de cassation a refusé d'admettre l'impropriété pour défaut de performance énergétique, au motif que l'ouvrage n'était pas rendu impropre à sa destination.
On peut citer cet arrêt à titre d’exemple :
Cass. Civile 3ème du 12 mai 2004 (N° 02-20247) : “ qu'ayant souverainement relevé que l'ouvrage de géothermie n'était pas en lui-même affecté de dommages de nature à compromettre sa solidité ou à le rendre impropre à sa destination, et que l'installation avait toujours fonctionné, mais seulement fait preuve d'un manque de performance certains mois de l'année”
Il en résulte que le simple défaut de performance d'une installation de géothermie, ne permet pas d’invoquer la garantie décennale, étant donné que l’installation fonctionne correctement et que par conséquent le seul défaut de performance n’est pas une cause d’impropriété à destination.
Face à la fluctuation de la jurisprudence, il fallait que le législateur intervienne pour clarifier les choses.
Certains ont pu penser (voir espérer) que la loi « Grenelle II », ou loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, allait peut-être prévoir “'l'introduction de la prise en compte de la performance énergétique dans la destination de l'ouvrage”, 1 (source cité à la fin de l'article) mais cela n’a pas été le cas
Il aura fallu attendre la loi 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui dans son article 31 a prévu la création d’un article L111-13-1 dans le CCH :
“En matière de performance énergétique, l'impropriété à la destination, mentionnée à l'article L. 111-13, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant.”
Le défaut de performance énergétique peut donc constituer une impropriété à la destination de l’ouvrage, et relève par conséquent du domaine de la garantie décennale.
Sources
1 Mémoire : La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeur, par Florence COUTURIER- LARIVE, Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010,
En ligne (14/09/2015) : http://www.memoireonline.com/10/11/4901/m_La-loi-du-12-juillet-2010-portant-engagement-national-pour-lenvironnement-et-la-responsabilite-de52.html
Garantie décennale des constructeurs et responsabilité du vendeur : quoi de neuf ? par Maître Claudia CANINI, 20/10/2012
En ligne (14/09/2015) : http://www.legavox.fr/blog/maitre-claudia-canini/garantie-decennale-constructeurs-responsabilite-vendeur-9864.htm