La Cour de cassation dans un arrêt de chambre commerciale du 15 décembre 2015 (14-11500) réaffirme le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises posé par l’article L.611-15 du code de commerce qui énonce :
“ Toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité.”
En l’espèce, une société éditrice d’un site d’informations financières en ligne spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises, avait publié un article commentant l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc pour un groupe de sociétés, et par la suite plusieurs autres articles ont fait état des procédures en cours et des négociations engagées.
Le groupe a bien évidemment saisi le juge des référés pour demander le retrait de ces articles et l’interdiction de publier d’autres articles.
La compétence du juge des référés fut contestée par la société éditrice.
La cour d’appel a rejeté la demande du groupe. Elle a estimé que la société éditrice n’était pas concernée par les dispositions de l’article L.611-15 du code de commerce, et qui plus est le fait de publier des informations confidentielles, par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d’informer du journaliste. Enfin la cour d’appel a relevé que le groupe ne demandait pas de réparation pécuniaire et que la procédure de mandat ad hoc s’est terminée par une conciliation courant mars 2013, de sorte qu’il n’est pas justifié d’un préjudice résultant de la diffusion des informations litigieuses.
La cour d’appel a donc mis l’accent sur l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrant la liberté d’expression, et estime qu’il ne ressort de l’affaire aucune violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés.
Toutefois, la Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille.
Tout d’abord, elle a estimé, que la société éditrice bien qu’étrangère à la procédure de prévention des difficultés, était tout de même concerné par l’article L.611-15 puisque l’obligation de confidentialité qu’il consacre s’étend à toute personne qui, par ses fonctions, a connaissance de la procédure, ce qui est le cas de la société éditrice.
Ensuite, pour ce qui est de la liberté d’expression, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si les informations diffusées, relatives à la prévention des difficultés des sociétés du groupe et couvertes par la confidentialité, relevaient d’un débat d’intérêt général, ce qui aurait pu justifier la diffusion.
Enfin, sur le préjudice, la Cour de cassation rappelle que celui-ci découle de la seule diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, ainsi la cour d’appel en relevant l’absence de demande de réparation pécuniaire et en constant « la bonne fin » de la procédure de prévention, a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.
La Cour de cassation a donc cassé et annulé sur ces points, l’arrêt de la cour d’appel.
L’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’appel.
Et vous à votre avis, est-ce la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises relèvent de la liberté d’expression ou cela doit-il être protégé par la confidentialité ?
Dans ce cas il se pose aussi la question de la légalité de l’activité de la société éditrice qui est spécialisée dans le suivi de l’endettement des entreprises, puisque cette activité semble contraire à l’article L.611-15.