Le 25 janvier dernier, la commission menée par Robert Badinter pour réformer le Code du Travail a remis à Manuel Valls son rapport qui élabore les grandes orientations de la future réforme.
La méthode de la réforme
Cette commission créée le 24 novembre dernier était chargée de définir « les principes fondamentaux du droit du travail ». 61 ont été mis en exergue, dont la durée légale du travail, le CDI et le salaire minimum.
La ministre du Travail Myriam El Khomri a ainsi pu dire de cette commission qu’il s’agissait « d’identifier dans le corpus existant, d’en extraire, les principes les plus importants de notre droit du travail, un peu à la façon du juge qui dégage un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qu’il décèle et « reconnaît » parmi le corpus des normes existantes ».
Afin d’être au plus près la plus efficiente possible, ce sont des figures importantes de la sphère du droit social qui ont été nommées, comme par exemples plusieurs conseillers du Conseil d’Etat et notamment de sa section sociale mais aussi des professeurs d’université tels qu’Antoine Lyon-Caen. Ce professeur émérite a notamment rédigé avec l’ancien ministre Robert Badinter un livre paru en juin 2015. Ensemble ils ont lancé un pavé dans la - vaste - mare des dispositions législatives en droit du Travail en apportant des idées pour redonner un sens à cette matière incontournable et réorienter les débats afin de les rendre constructifs.
Selon eux, le Code du travail est très critiqué pour son opacité créant ainsi une certaine défiance et des craintes chez les entrepreneurs, associations, professions libérales, artisans … etc.
Il y a donc urgence à rendre la matière compréhensible en la débroussaillant.
C’est pour cela qu’il est prévu que les principes fondamentaux du droit du Travail dégagés par la Commission soient intégrés dans une loi portée par la ministre El Khomri en mars (le 9 mars à priori) visant à réécrire tout le chapitre consacré au temps de travail, mais aussi dans le projet beaucoup plus vaste de réforme du Code du Travail prévue d’ici 2018 (Toutes les thématiques du droit du travail y seront abordées).
Le gouvernement se donne donc deux ans pour donner un nouveau visage au Code du travail.
Celui-ci comprendrait 3 parties:
- Les droits fondamentaux
- Les négociations de branches ou d’entreprises
- Le droit applicable en l’absence d’accord
L’objectif affiché par le gouvernement qui réjouit Medef et Républicains est de donner de la souplesse aux entreprises en leur laissant des marges de manoeuvre dans leur organisation du travail, avec les syndicats.
Mais il est une des orientations proposées pour rendre le droit du travail plus compris et par voie de conséquence plus efficient qui fait grincer des dents. Il s’agit de la négociation collective.
La négociation collective : questionnement central du projet de réforme
Cette dernière encourage à l’élaboration de règles différentes selon les secteurs d’activités, ou alors selon les entreprises prenant l’ascendant sur les dispositions législatives plus générales. Mais ce schéma est loin d’être aussi parfait que prévu .. Et négocier apparaît à beaucoup comme « mission impossible » ou presque.
Il s’avère que la négociation dans notre pays est très souvent compliquée ou inexistante. Il semblerait qu’il faille donc d’abord s’attaquer à ce vaste chantier avant de définir cette manière de faire comme l’un des outils principaux de simplification du Code du travail.
L’organisation des négocations semble être le coeur du sujet et il semble que les orientations prévues oublient ce point.
En France, les instances représentant le personnel et les représentants du personnel ne sont pas les mêmes. Tandis que les premiers ont un rôle de consultation, les seconds négocient.
Les représentants élus dans les instances consultatives (Comité d’Entreprise, Délégation du Personnel, Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) ne sont pas forcément syndiqués et ne négocient en principe pas.
Ce sont à l’inverse les Délégués Syndicaux qui négocient.
La loi impose aux employeurs et aux délégués syndicaux de négocier au moins une fois par an lors de négociations annuelles obligatoires abordant en priorité les salaires et conditions de travail.
Plusieurs problèmes se présentent :
Premier problème : la majorité des entreprises françaises ne disposent pas de délégués syndicaux.
Deuxième problème : Même si les négociations sont obligatoires, ce n’est pas rare de ne pas en avoir.
Troisième problème : Quand négociations il y a, seulement la moitié aboutissent par la signature d’un accord.
Au final, ce ne sont que peu d’entreprises qui signent des accords issus de négociations. Vouloir étendre les négociations alors que cette méthode ne semble pas au point donne l’impression que le problème n’est pas pris sous le bon angle.
Le droit du travail issu des négociations comptera pour une large part dans le quotidien des salariés. Si leur entreprise négocie, la réforme leur serait à priori favorable; dans le cas contraire en revanche ce serait l’opposé …
Pourquoi ne pas commencer par réformer le « dialogue social » ? Qu’elles soient optionnelles ou obligatoires, le constat est le même : les négociations ne fonctionnent pas. Les entreprises ne vont à priori pas s’en emparer soudainement.
Le dialogue social ne bénéficie pas d’une très bonne image auprès tant des salariés que de leurs employeurs. Une certaine peur s’est installée du côté de ceux qui pourraient s’engager au sein des instance syndicales, craignant pour leur carrière.
Les solutions pour sortir de l’impasse
Pour donner aux négociations le rôle qu’elles devraient jouer au sein des entreprises, il faudrait valoriser le rôle de ceux qui négocient.
Si l’on considère les négociations importantes, il faut que ceux qui négocient soient considérés également comme importants.
Cela donnera aussi envie aux salariés de devenir délégués syndicaux, les salariés accorderont leur confiance à leurs représentants, … Un cercle vertueux !
La réforme du Code du travail part d’une bonne intention et ravit une partie des professions concernées. Simplement, la partie consacrée aux relations collectives interpelle et demande une clarification afin que les nouvelles dispositions une fois efficiente dans notre droit, ne finissent pas comme une épée dans l’eau.
Et puis, il n’est pas inutile de rappeler que la loi, seule, permet à tous les salariés d’être protégés équitablement.