La Cour de cassation vient préciser, dans deux arrêts rendus le 20 novembre 2013, que le refus d'un changement des conditions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave permettant de mettre en oeuvre une rupture anticipée du CDD.
Pour rappel l'article L1243-1 du Code du travail vient en effet prévoir la possibilité de prononcer une rupture anticipée du CDD notamment pour faute grave.
Cette faute grave est assimilée à celle qui peut être retenue à l'encontre d'un salarié en CDI, à savoir une faute imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant de son contrat ou de sa fonction, faute d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de la société concernée pendant la durée du préavis théoriquement applicable.
Dans le premier arrêt (pourvoi n°12-30.100) il s'agissait d'une salarié embauchée en CDD qui refusait de se rendre sur le nouveau lieu de travail fixé par l'employeur, lequel était situé dans le même secteur géographique.
Considérant ce refus constitutif d'une faute grave, car s'inscrivant dans le cadre d'une simple modification des conditions de travail (le lieu de travail étant situé dans le même secteur géographique), l'employeur en a tiré les conséquences en mettant fin au CDD avant le terme prévu.
Dans le second arrêt (pourvoi n°12-16.370) une salariée avait été embauchée en tant que secrétaire par une commune, dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi conclu sous la forme d'un CDD.
Par la suite, l'employeur lui avait notifié sa mutation au sein d'un service différent mais toujours sur le poste de secrétaire, avec une rémunération et qualification équivalentes.
La salariée ayant refusé cette mutation l'employeur s'était résolu à prononcer la rupture anticipée du CDD pour faute grave.
Les deux salariées concernées ont engagé un contentieux tendant à démontrer l'absence de faute grave, nonobstant les anciennes jurisprudences rendues quant au refus d'un simple changement des conditions de travail, lesquelles retenaient effectivement la faute grave du salarié.
Les arrêts rendus le 20 novembre caractérisent un revirement exprimé pour la première fois, tranposant la jurisprudence déjà retenue par la Chambre sociale concernant les salariés en CDI (le refus d'un simple changement des conditions de travail n'est pas constituf à lui seul d'une faute grave. Voir notamment en ce sens Cass. Soc. 11 mai 2005, n°03-41753).
En effet la Chambre sociale juge "qu'aucune faute grave ne peut être retenue à l'encontre de la salariée ayant refusé un changement de ses conditions de travail" d'où il découle que l'employeur ne pouvait pas prononcer la rupture anticipée du CDD en vertu de l'article L1243-1 du Code du travail.
Quelles sont les conséquences pratiques d'une telle décision?
Dans le cadre d'un CDD l'employeur faisant face à un refus d'une simple modification des conditions de travail pourra user de son pouvoir disciplinaire mais ne pourra pas aller jusqu'au licenciement disciplinaire pour faute grave.
Par ailleurs l'article L1243-1 du Code du travail ne visant pas les autres degrés inférieurs de gravité de la faute (faute simple ou faute sérieuse), on peut en déduire que l'employeur ne pourra plus "jouer sa dernière carte", à savoir une rupture anticipée du CDD pour faute grave sur le seul fondement de ce refus de changement des conditions de travail.
Autre conséquence fondamentale et pour le moins surprenante :
- un salarié en CDI auquel l'employeur reprocherait d'avoir refusé une simple modification des conditions de travail pourra faire l'objet d'un licenciement disciplinaire, à condition toutefois que ce licenciement ne soit pas prononcé pour faute grave.
- un salarié en CDD, placé dans une même situation objective, ne pourra pas faire l'objet d'une rupture anticipée du CDD, sauf à démontrer d'autres agissements fautifs exclusifs du refus de la modification des conditions de travail.
A l'arrivée il résulte des arrêts commentés qu'en fonction de la nature juridique du contrat de travail les conséquences semblent bien différentes.
Pour conclure rappelons comme tempérament que la CA de Lyon a pu préciser lors d'un jugement "qu’il n’existe en matière disciplinaire aucun principe général d’égalité de traitement interdisant à l’employeur de sanctionner différemment des salariés ayant commis la même faute" (Cour d'appel de Lyon, 7 nov 2011, n° 1°/07120).
En effet dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires, l'employeur peut sanctionner différemment des salariés ayant commis la même faute ou ne pas sanctionner l'un d'entre eux.
Cette analyse n'a a priori pas été contredite par la Chambre sociale qui a pu rappeler dans un arrêt du 24 septembre 2013 que "le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination, dès lors que le salarié n’invoque ni détournement de pouvoir ni discrimination au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail."
Juris Social
Juriste en droit social