Le Code civil dispose en son article 1109 : "il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol." Cette notion de consentement fait partie des conditions essentielles pour la validité des conventions et l'article 1110 ajoute que "l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet." En matière de rupture conventionnelle le vice du consentement est susceptible d'entrainer la nullité de la convention de rupture, sous réserve que le salarié puisse apporter des éléments de preuve en ce sens et que les juges retiennent cette appréciation.
Dans l'arrêt du 5 novembre 2014 un salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle et avait par la suite demandé la nullité de cette convention de rupture, au motif que son consentement aurait été vicié suite à une information erronée donnée par l'employeur sur le calcul de l'allocation chômage à laquelle il pouvait prétendre. Selon lui le montant prévisible des allocations-chômage avait constitué pour lui un élément substantiel dans sa prise de décision.
En effet le salaire de référence retenu par l'employeur pour calculer l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle incluait un certain nombre d'éléments variables, pour certains antérieurs à la période de 12 mois et ayant eu une incidence sur le calcul du montant final de l'indemnité. Le salarié avait alors cru comprendre que ce salaire de référence allait lui servir de base pour le calcul de ses allocations chômage. Une fois inscrit à Pole Emploi celui-ci a refusé d’inclure cette part de rémunération variable dans le salaire moyen puisqu’elle correspondait en réalité à une période d’activité antérieure aux douze derniers mois, en conséquence les indemnités de retour a l'emploi du salarié auraient été en définitive inférieure d'un tiers à ses prévisions.
Devant la Cour d'appel de Rennes les juges avaient estimé que le consentement du salarié était effectivement vicié en raison de "la fourniture par l'employeur de renseignements manifestement erronés quant aux allocations chômage auxquelles le salarié avait droit."
Les juges de la Cour de cassation valident ce raisonnement et confirment la nullité de la convention de rupture, assortie du versement de dommages-intérêts par l'employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette décision peut apparaitre surprenante pour plusieurs raisons.
Comme défendu par l'employeur, on pourrait considérer qu'il "appartient au salarié qui prend l'initiative de solliciter une rupture conventionnelle de son contrat de travail de se renseigner quant au montant des éventuelles indemnités de retour à l'emploi qu'il pourrait percevoir". En effet il n'est pas prévu par le Code du travail dans ses articles L1237-12 et suivants d'obligation à la charge de l'employeur de calculer (précisément ou non) le montant futur des allocations chômage qui seraient versées au salarié signature de la convention de rupture. Il est seulement prévu dans le document CERFA de rupture une mention qui permet de « rappeler au salarié la possibilité qu’il a de contacter les services, notamment le service public de l’emploi, qui pourront l’aider à prendre sa décision en pleine connaissance de cause », cette possibilité ayant par ailleurs bien été rappelée par l'employeur au salarié dans la présente affaire.
Il convient de rappeler par ailleurs que la Cour de cassation avait déjà jugé que l’absence d’information du salarié sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l’emploi en vue d’envisager la suite de son parcours professionnel n’avait pas affecté la liberté de son consentement quant à la signature de la rupture conventionnelle et ne saurait entrainer sa nullité (Cass. soc 29 janvier 2014 n° 12-25951).
Aussi il semble peu évident de retenir que le fait d'avoir induit le salarié en erreur quant au montant futur de ses allocations chômage soit sanctionné par la nullité de la rupture alors que l'absence de rappel sur la possibilité de contacter le service public de l'emploi ne le serait pas.. Cette solution pourrait par ailleurs avoir des conséquences négatives en déconseillant aux entreprises de donner la moindre précision quant au montant des allocations chômage. Afin de se sécuriser l'employeur pourrait éventuellement ajouter une mention manuscrite dans les comptes rendus d'entretiens préparatoires (lorsqu'il y en a) pour indiquer que le salaire de référence mentionné dans la convention de rupture ne garantit aucunementle calcul futur de Pole Emploi quant aux allocations d'assurance chômage.
Cette solution doit néanmoins être interprétée avec prudence car elle semble liée aux circonstances de l'espèce et ne paraît pas constituer un attendu de principe à portée générale. Il était davantage reproché à l'employeur de n'avoir pas bien expliqué au salarié le détail du mode de calcul du salaire de référence que de n'avoir pas respecté une obligation formelle de procédure. Par ailleurs il convient de noter que le salarié bénéficiait d'une ancienneté de services de 23 ans.