L'Article L3121-42 du Code du travail prévoit les catégories de salariés qui peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l'accord collectif :
1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Le recours aux conventions de forfait en heures sur l'année présente des avantages conséquents pour les employeurs : pas d'application des dispositions relatives au contingent annuel d'heures supplémentaires, possibilité pour le salarié d'adapter son horaire en fonction de la charge de travail qui, on le constate souvent, peut etre particulièrement fluctuante et soumise à des aléas non maitrisés (retard de livraisons, commande exceptionnelle, accroissement temporaire d'activité, baisse d'activité).
Malgré ces avantages le Code du travail a limité le champ d'application des conventions de forfait en heures sur l'année notamment par la fixation d'un préréquis : l'autonomie du salarié.
La Cour de cassation avait jusqu'à aujourd'hui toujours appliqué un controle strict quant au respect de cette condition d'autonomie. Par exemple avait été considérée justifiée une demande de rappel d'heures supplémentaires et l'inopposabilité d'une convention de forfait en heures sur l'année conclue avec un salarié qui se voyait imposer une présence stricte lors de l'ouverture et la fermeture du magasin (Cass. Soc. 27 juin 2012, pourvoi n°11-12.527).
L'arret rendu le 2 juillet 2014 concernait un salarié occupant un poste de chef d'équipe avec un statut d'assimilé cadre. Par un avenant au contrat de travail initial il avait été soumis en janvier 2006 à un forfait annuel en heures de 1767 heures. Il était par ailleurs mentionné dans cet avenant l'autonomie effective du salarié dans l'organisation de son emploi du temps, ainsi que l'impossibilité de prédéterminer une durée de travail. Ce recours à une convention de forfait en heures sur l'année était permis par l'accord national de branche de la Métallurgie du 28 juillet 1998.
Pour répondre à des problématiques d'activité l'employeur décide d'augmenter de manière temporaire les plages horaires effectuées dans l'atelier, en prévoyant notamment une alternance en deux équipes qui se chevauchaient en milieu de matinée. Suite à ce changement l'horaire collectif applicable à l'équipe du matin démarrait à 5h et le salarié chef d'équipe a continué à arriver à son horaire habituel (malgré plusieurs demandes de l'employeur de se conformer aux nouveaux horaires). Suite à ses refus persistants il a été procédé à son licenciement pour faute grave considérant que les nécessités de production et le changement des horaires de l'atelier impliquait pour le chef d'équipe d'en tenir compte sur la fixation de ses propres horaires, et donc de s'adapter pour encadrer au mieux ses équipes.
Le salarié engage un contentieux auprès du Conseil de prud'hommes. La Cour d'appel de Toulouse lui donne raison et considère le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait du passage d'un horaire variable à un horaire fixe sans que le salarié n'ait donné son accord sur cette modification du contrat de travail.
La Cour de cassation casse l'arret rendu par la Cour d'appel de Toulouse :
- une convention de forfait heures sur l'année ne signifie pas pour le salarié une libre fixation de ses horaires de travail, en dehors de toute considération liée aux problématiques d'activités ou nécessités de l'entreprise avancés par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction. La cour de cassation rejette l'argument défendu par le salarié, qui considérait s'etre vu imposé un horaire fixe au détriment d'un horaire variable, en restreignant sérieusement le droit du salarié à déterminer librement ses horaires sur la base de choix personnel.
- l'autonomie dans la gestion de son emploi du temps dont bénéficie les salariés soumis à ce type de conventions de forfait n'est pas sans limites : elle doit etre concue davantage comme permettant de s'adapter aux besoins de l'entreprise que comme un moyen purement personnel d'organiser ses journées de travail. A ce titre des plages de présence peuvent etre demandées au salarié, dans l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, à partir du moment où elles sont nécessitées par des problématiques d'activité ou par la fonction du salarié (en l'espèce le salarié exercait des fonctions de chef d'équipe incluant une dimension de management).
La position de la Cour de cassation peut paraitre surprenante pour plusieurs raisons.
Elle semble distinguer un degré de contraintes que peut imposer l'employeur à un salarié soumis à un forfait annuel en heures : si les contraintes sont légères et justifiées par les nécessités de l'entreprise ou la fonction du salarié alors elles ne sont pas susceptibles de remettre en cause l'autonomie du salarié ni la convention de forfait conclue. La fixation de ses horaires par le salarié est donc limitée et relative. Par cette nouvelle analyse les juges remettent partiellement en cause la rédaction de l'Article L3121-42 qui exige une "autonomie réelle", ainsi que certains arrets précédemment rendus dans d'autres espèces (Cass. Soc. 23 juin 2004, pourvoi n° 02-14.861, Cass. Soc. 27 juin 2012, précité).