Par Julien Truc-Hermel. Un impayé de loyer, l’adjudication de l’immeuble à un tiers, l’intrusion d’un « squatter », ou bien le décès du concubin ou du parent propriétaire du logement ; nombreuses sont les situations malheureuses de la vie courante, qui peuvent conduire un individu à se retrouver d’un jour à l’autre, volontairement ou non, occupant d’un logement sans droit ni titre. Or, dans un système juridique très protecteur de la propriété privée, le locataire dont le bail vient d’être résilié, le particulier dont le bien vient d’être saisi, et plus généralement tout individu qui ne justifie pas d’un titre l’autorisant à occuper les lieux, voit aussitôt planer sur lui le spectre de l’expulsion par le véritable propriétaire du logement.
En effet, parmi les mesures d’exécution forcée que compte le droit français, l’expulsion, que Gérard CORNU définit comme « l'action de faire sortir une personne, au besoin par la force, d'un lieu où elle se trouve sans droit », constitue certainement celle qui emporte les conséquences humaines et sociales les plus graves, eu égard à la situation de précarité à laquelle elle conduit l’expulsé, spécialement lorsqu’il s’agit de l’expulsion d’un local affecté à l’habitation principale.
C’est aussi au sujet de l’expulsion que se pose avec le plus d’acuité la question de l’équilibre entre deux droits fondamentaux de notre société. D’un côté, le droit à la propriété privée, défini par l’article 544 du Code civil, comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue », autorise son titulaire à se protéger contre l’intrusion des tiers, fusse-t-elle minime. De l’autre côté, la reconnaissance croissante du droit de chaque individu à vivre dignement s’accompagne depuis plusieurs années d’une lutte active contre la précarité du logement, avec des mesures telles que le droit au logement opposable ou le droit à un logement décent.
Comment concilier ces libertés apparemment contradictoires ? C’est la mission que s’est donné le législateur, en instaurant une procédure légale d’expulsion très encadrée. La loi no 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution et son décret d’application no 92-755 du 31 juillet 1992 permettent ainsi à tout propriétaire d’obtenir le départ forcé de l’occupant sans droit ni titre, mais sous réserve de respecter une procédure précise en plusieurs étapes. Cette procédure est encore plus stricte lorsqu’il s’agit d’un local affecté à l’habitation principale.
Les développements qui suivent seront précisément consacrés au contentieux privé de l’expulsion, ce qui exclut les expropriations pour cause d'utilité publique. Plus précisément, l’analyse portera sur le cas d’expulsion le plus fréquent, à savoir l’expulsion du local affecté à l’habitation principale. Dès lors, dans le souci d’informer sur leurs droits, tant les propriétaires que les occupants irréguliers, l’étude présentera d’abord la procédure à suivre pour obtenir l’expulsion d’un individu (I), puis les recours ouverts à l’individu qui serait expulsé de manière non conforme à la procédure légale (II).
I/ La procédure légale d’expulsion
La procédure légale d’expulsion est prévue par article 61 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991, qui dispose : « Sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évcuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux».
Cette disposition réserve le cas des dispositions spéciales, qui correspondent aux arrêtés préfectoraux d’interdiction d’habiter en cas de péril grave. En dehors de ces cas, l’article précité fixe les étapes à respecter au cours de la procédure de droit commun, à savoir l’obtention d’un titre exécutoire (A) et la signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux (B).
A/ L’obtention d’un titre exécutoire
1) La nature du titre
L’article 61 subordonne l’expulsion de l’occupant à l’obtention d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation. Ainsi, le texte limite fortement les titres de nature à emporter l’expulsion.
a) Les décisions de justice
Il faut entendre par « décision de justice », les décisions contradictoires rendues par les juridictions civiles ou administratives françaises. Il importe donc que la décision ait été prise suite à un débat contradictoire entre le propriétaire du lieu et l’occupant sans droit.
Cela exclut ainsi toutes les ordonnances prises sur requête qui ne sont pas contradictoires car le défendeur n’est pas appelé à s’expliquer. En revanche, dès lors que la décision est rendue contradictoirement, il peut s'agir des décisions rendues au fond ou par le juge des référés.
Le Tribunal compétent est le Tribunal d'instance, qui « connaît des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation », aux termes de l’article R. 221-5 du Code de l’Organisation Judiciaire. Le juge territorialement compétent est celui du lieu dans lequel sont situés les biens à savoir l'immeuble occupé. Les arrêts rendus suite à l’appel interjeté contre les jugements du Tribunal d'Instance sont également de nature à permettre l’expulsion.
b) Le Procès-verbal de conciliation
Les parties peuvent choisir de se concilier elles-mêmes afin d’éviter le contentieux judiciaire, ou bien choisir la conciliation en cours de procès sur invitation du juge. Il peut s’agir par exemple de prévoir entre le bailleur et son locataire un délai de paiement supplémentaire du loyer, au-delà duquel le bailleur pourra procéder à l’expulsion de son débiteur défaillant.
Dans tous les cas, la teneur de cet accord doit être constatée dans un procès-verbal signé à la fois par le juge et par les parties, conformément à l’article 130 du Code de Procédure Civile. Un extrait du Procès-verbal peut ensuite être délivré par le juge à chacune des parties. Si la conciliation intervient avant tout procès, il revient au juge du Tribunal d'Instance de signer le Procès-verbal de conciliation. S’agissant d’un accord de volonté entre les parties, ce Procès-verbal n’est pas susceptible d’une voie de recours comme l’appel, à la différence des jugements.
2) Obligations spécifiques aux bailleurs
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