Caution omnibus, engagement déterminable ou disproportionné?

Publié le 05/07/2016 Vu 20 296 fois 0
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L'engagement de caution illimité, autrement appelé caution omnibus, engageant le dirigeant caution pour les concours présents et futurs, peut-il être contesté si celui-ci est indéterminé, et ou, manifestement disproportionné?

L'engagement de caution illimité, autrement appelé caution omnibus, engageant le dirigeant caution pour les

Caution omnibus, engagement déterminable ou disproportionné?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en novembre 2015 et qui aborde la question particulière de la caution illimitée également appelée « caution tous engagements » que peut contracter le dirigeant-caution lorsqu’il est à la tête de sa société,

Dans les faits de l’espèce, par acte du 30 avril 2007, Monsieur X, s’était rendu caution solidaire envers la banque du concours consenti à la société dont il était le gérant.

La société ayant été mise en liquidation judiciaire le 31 mai 2010, la banque avait alors assigné en paiement la caution, laquelle avait opposée la disproportion de ses engagement sur ses biens et à ses revenus.

L’apport de cette jurisprudence est intéressant puisque la Haute Juridiction précise que la date de garantie doit être déterminable à la date de la signature de l’acte de cautionnement, dès lors que son engagement est souscrit pour garantir un emprunt d’un montant déterminé, même si ce dernier est consenti ultérieurement,

La Cour de cassation considère que ne tire pas les conséquences légales de cette constatation et viole ainsi les articles 2288 et 2292 du Code civil, la Cour d’Appel qui, pour rejeter les demandes d’une banque dirigées contre une caution, retient que les cautionnements souscrits antérieurement au prêt cautionné n’étaient, à la date de leur souscription, qu’hypothétiques et sans objet, et qu’il faut se placer à la date à laquelle les prêts ont été consentis pour déterminer si les engagements de la caution sont disproportionnés.

La Haute Juridiction rappelle également que la disproportion du cautionnement s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où son engagement est consenti sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.

Pour autant, cela mérite quand même réflexion,

Il est bien évident que le dirigeant caution, s’il ne bénéficie pas des avantages du Code de la consommation, bénéficie quand même d’un certain nombre de protections qui résultent du droit du cautionnement stricto-sensu et qui résident tout d’abord dans la protection de son consentement lorsque ce dernier souscrit justement l’engagement de caution.

L’une des priorités est d’alors de s’intéresser à la délimitation de l’étendue de l’engagement souscrit car l’objectif est effectivement que le gérant puisse faire face à son obligation de caution.

Cela peut facilement se comprendre,

La faillite de l’un, la société, débiteur principal, n’a pas nécessairement pour effet d’entrainer la faillite de l’autre, dirigeant caution qui ne peut faire face aux engagements de cautions disproportionnés ou inappropriés,

Dès lors, dans la mesure où l’engagement de caution serait illimité, celui-ci pourrait aussi caractériser une disproportion manifeste,

Le dirigeant caution dispose d’un certain nombre de moyens juridiques à sa portée pour contester l’engagement de caution illimité, également appelé engagement de « caution omnibus »,

En premier lieu, il convient de vérifier la validité de l’engagement de caution proprement dit,

Le formalisme est différent selon que l’engagement de caution consenti par le dirigeant a été effectué par acte sous seing privé ou que ledit engagement de caution a été réalisé par l’intervention du notaire ou de l’avocat.

Lorsque le cautionnement est consenti par acte sous seing privé par le dirigeant personne physique, lequel s’engage à l’égard d’un créancier professionnel, tel que l’établissement bancaire qui apporte son concours et son soutien à l’entreprise, le formalisme est extrêmement rigoureux.

Ce dernier défini par les articles L 341-2 et suivant du Code de la consommation, qui viennent clairement imposer le respect d’une mention manuscrite visant expressément, à la fois l’indication d’une durée et à la fois l’indication du montant global de l’engagement incluant les frais intérêts et accessoires.

Les dispositions sont claires, en cas de manquement à ces obligations propres à la mention manuscrite, la sanction est la nullité de l’engagement souscrit puisque la mention manuscrite est une condition ad validitatem, obligatoire, impérative, sans quoi l’engagement de caution est nul.

Dans l’hypothèse où l’engagement de caution serait nul, le dirigeant serait alors libéré définitivement de son engagement.

Cela est cependant différent lorsque l’engagement de caution a été souscrit à travers l’intervention d’un notaire ou de l’avocat puisque, le formalisme de la mention manuscrite n’est pas nécessaire dans le cadre d’un engagement de caution par acte notarié ou par acte d’avocat.

Ainsi, l'engagement de caution illimité reçu en la forme authentique par un notaire est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

Il en est également de même pour l’engagement sous seing privé contresigné par avocat est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

De telle sorte que lorsque l’engagement de caution est contracté au travers d’un acte établi par un notaire ou un avocat, la mention manuscrite est exclue pour rendre solidaire l’engagement.

L’une des conséquences de cette obligation de mention manuscrite, avec comme exigence de cantonner, tant dans le temps, que dans le montant, l’obligation de cautionnement, avait pour effet de malmener la pratique des établissements bancaires, lesquels avaient assez facilement recours aux engagements de cautionnement « omnibus » de dettes présentes et futures, qui ne comportaient aucun engagement chiffré et aucune indication de durée.

La jurisprudence est très claire, le montant chiffré doit inclure principal et accessoire doit être indiqué car il constitue par là-même le plafond d’engagement de la caution.

La limitation dans la durée est plus difficile à appréhender, puisque son importance pratique varie bel et bien suivant l’engagement de caution,

Il est bien évident qu’il prend tout son sens en présence d’un engagement de caution illimité, ou caution omnibus, engageant al caution pour les engagements financiers postérieurs de l’entreprise dont il est le dirigeant,

Dans pareil cas, le terme de l’engagement de caution détermine la fin de l’obligation de couverture du dirigeant,

Concernant les cautionnements garantissant des dettes présentes, aucune durée n’a vocation à être stipulée puisque la durée de l’engagement de la caution a vocation à suivre la durée d’exigibilité de la dette garantie initialement.

Le seul intérêt de la fixation de la durée est de limiter la période pendant laquelle le créancier pourrait poursuivre la caution et déterminerait par là-même la prescription qui s’ensuivrait, étant cependant rappelé que sur la base d’un engagement de caution commercial, la prescription n’est pas biennale mais bel et bien quinquennale.

En tout état de cause, il est bien évident que les dispositions du Code de la consommation et la jurisprudence en vigueur permettent de protéger le dirigeant-caution, quelle que soit la forme de l’engagement de l’acte de cautionnement souscrit.

En effet, la caution personne physique, dirigeante ou non, peut évoquer des évoquer des règles de nature à réduire l’étendue de son engagement, telles que visées par les dispositions des articles L 341-4 et L 341-5 du Code de la consommation.

Selon l’article L 341-5 du Code de la consommation, la limitation de l'engagement à un montant global, incluant principal, intérêts, frais et accessoires est nécessaire.

Ainsi, en l’absence totale de montant global incluant principal et accessoires, il est difficile d’envisager une solidarité dans l’acte de cautionnement consenti par la personne physique au bénéfice du créancier professionnel.

La Cour de Cassation a d’ailleurs jugé dans un arrêt du 6 juillet 2010 que l’article L 341-5, qui impose la limitation de l'engagement à un montant global incluant principal et accessoires, s’applique à tous les cautionnements solidaires, peu important qu’ils soient constatés par acte authentique ou par simple acte sous seing privé.

L’article L 341-4 du même code de la consommation, quant à lui, rappelle et consacre le principe de proportionnalité, de telle sorte que l’étendue du cautionnement est immanquablement limitée, fût-ce de manière indirecte, par la simple application du principe de proportionnalité.

Aussi, ce texte prive le créancier du droit de mettre en œuvre un cautionnement manifestement disproportionné au jour de sa conclusion par rapport aux biens et revenus de la caution, à moins que cette dernière puisse y faire face le jour où elle est actionnée en paiement.

Dès lors, la caution qui subit les affres d’un engagement manifestement disproportionné pourrait échapper à son engagement, à charge pour lui de le démontrer judiciairement, et de convaincre le juge,

En tout état de cause, ces dispositions de l’article L 341-4 qui consacrent le principe de la proportionnalité s’appliquent également au dirigeant-caution.

La notion de proportionnalité demeure un atout important en défense pour préserver les intérêts des dirigeants-cautions afin de limiter les engagements de caution pourtant grandement réclamés par les établissements bancaires.

Dans la jurisprudence évoquée, la Cour d’Appel avait rejeté les demandes en paiement au motif pris que les prêts cautionnés avaient été consentis à une date ultérieure à celle de l’acte de caution, de telle sorte qu’à la date de leur signature, les cautionnements étaient hypothétiques et donc sans objet.

Pour autant, la Cour de Cassation ne partage pas cet avis puisqu’elle considère que les cautionnements litigieux avaient été souscrits pour garantir des emprunts d’un montant déterminé et a donc estimé que la date de garantie était donc déterminable.

Bien plus encore, la Cour d’Appel avait prononcé la décharge de la caution pour disproportion des engagements en prenant en considération d’autres engagements que la caution avait souscrits, et ce, postérieurement au cautionnement en cause, ce qui venait alourdir d’autant plus le fardeau financier du dirigeant caution.

Là-encore la Cour de Cassation sanctionne la Cour d’Appel et rappelle que la disproportion de l’engagement de caution doit s’apprécier en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où l’engagement est consenti mais sans avoir à tenir compte d’engagement postérieur.

La jurisprudence susvisée rappelle que les engagements postérieurs pris par la caution n’ont pas vocation à être pris en considération pour apprécier la disproportion sur l’engagement de caution pour lequel le débiteur est poursuivi, même si ces engagements postérieurs seraient prévisibles.

La jurisprudence est sévère car cela permettrait à l’établissement bancaire de poursuivre sur la seule base d’un premier engagement de caution illimité, autrement appelé cautionnement « omnibus », le gérant-caution en paiement,

Qu’importe que par la suite les engagements ultérieurs aient nécessité des engagements de caution complémentaires.

Cela peut d’ailleurs sembler curieux car dans un premier temps l’établissement bancaire prendrait soin de faire contracter au dirigeant un engagement de caution omnibus, puis ne manquerait pas de confirmer l’engagement de caution par de nouveaux engagements de cautions relatif à chaque nouveau concours,

En effet, tant bien même le débiteur prendrait l’initiative de contester les engagements ultérieurs, il n’en demeurerait pas moins que l’engagement initial, fût-ce pour des créances futures et des prêts futurs, engagerait ce dernier de manière irrévocable.

Ceci est regrettable car si la pratique des cautionnements a désormais l’obligation d’être cantonnée en durée et en montant, tel qu’il en résulte des articles L 341-4 et L 341-5 du Code de la consommation, cela amène néanmoins les établissements bancaires à « viser large » dans les montants-plafond à retenir.

Ces engagements sont d’autant plus larges que, malheureusement, dans l’hypothèse où la caution viendrait à considérer que l’engagement est manifestement disproportionné, celle-ci aurait l’obligation, en premier lieu, de caractériser la disproportion par rapport à ses revenus ou à ses espérances de revenus dans le cadre de son activité dont elle est le dirigeant, mais également, de démontrer que cette disproportion est manifeste, ce qui est encore à démontrer.

Il conviendra alors de caractériser, non pas une simple disproportion mais une disproportion avérée mettant en péril le patrimoine personnel du dirigeant, si tant est que ce dernier en ait.

Cette jurisprudence est à prendre en considération lorsque le dirigeant caution est sollicité au travers d’un seul engagement, visant à couvrir à la fois les dettes présentes, mais également les dettes futures,

En effet, dès lors que la dette de la caution est déterminable à la date de la signature de l’acte de cautionnement, dans la mesure ou l’engagement est souscrit pour garantir un emprunt d’un montant déterminé, même si ce dernier est consenti ultérieurement,

Ainsi, la disproportion reste un critère de validité de l’engagement important car il a vocation justement à préserver la caution, ou dirigeant caution, d’un engagement manifestement disproportionné,

Pourtant, si la jurisprudence susvisée laisse à penser que dès lors que l’engagement est déterminable dans le temps, fut ce t’il pour des concours futurs, la disproportion manifeste ne serait pas caractérisée il n’en demeure pas moins que l’établissement bancaire ne peut assujettir le dirigeant caution à un engagement de cautionnement illimité, ou cautionnement omnibus dont il serait par la suite dans l’incapacité de faire face,

Si le dirigeant caution n’a effectivement pas beaucoup de choix lors de la négociation et la conclusion d’un concours bancaire au profit de son entreprise, il n’en demeure pas moins que la banque ne s’exonère pas non plus de sa responsabilité et peut voir son engagement remis en question voir même annulé, si celui-ci est indéterminé, et ou, manifestement disproportionné, 

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